Verticale du Riesling Kirchberg de Ribeauvillé du Domaine Louis Sipp
A propos de cet article…
Bien qu’ayant rencontré tardivement Martine et Etienne Sipp dans ma passion débordante de l’Alsace, leur présence dans mes pensées oenophiliques et mes dégustations est très vite devenue plus que régulière… tout cela grâce à leur accueil, leur volonté permanente de communiquer (voir les commentaires de vendanges sur leur site web) et, surtout, la permanente évolution du travail des vignes et des vins, proposant un effet qualitatif constamment croissant, marqué aussi par la conversion récente à l’agriculture bio (certifiés en bio depuis 2008 , ils utilisent des compost biodynamisés depuis 3 ans). Ce travail a focalisé ces dernières années l’intérêt de la presse pour le domaine avec des commentaires de plus en plus élogieux faisant de la grande bâtisse en bas de la Grande Rue de Ribeauvillé une adresse incontournable… Pour marquer tout cela, j’ai réuni une belle brochette de passionnés de la région, majoritairement belges que j’ai connus au hasard de mes dégustations en cave ou sur mes forums préférés et qui ont donc partagé la dégustation dont vous trouverez le commentaire ci-dessous. Mais avant de vous proposer ces commentaires, je vous invite à vous attarder sur une petite description du domaine suivie d’une très intéressante interview pleine d’humanité d’Etienne Sipp qui a été réalisée au début de ce mois de février 2009.
Le domaine Louis Sipp
Historique
L'activité viticole de la famille est lancée à la fin de la 1ère Guerre Mondiale par Louis Sipp et son épouse Louise, dite l’Intrépide, puis poursuivie par son fils Auguste.
A partir de 1962, les fils d'Auguste, Louis et Pierre réorientent l'encépagement du vignoble vers des cépages nobles plus qualitatifs.
Les apports de raisins sont étendus à une soixantaine d’hectares par l'achat de raisins de vignes voisines aux parcelles existantes sur les meilleurs lieux-dits de Ribeauvillé.
Début 1996, Etienne Sipp, fils de Pierre et Simone, passionné d’ornithologie et de photo animalière, prend en main l'entreprise familiale. Il est rapidement secondé par son épouse Martine, dont l’action, entre autres à l’accueil des visiteurs, est marquante. Dans le souci d'accentuer la qualité, la typicité et la finesse des vins, un certain nombre d'améliorations sont apportées aussi bien dans le vignoble que dans les chais dont la récente conversion à la viticulture biologique ainsi qu’un gros travail sur les étiquettes (voir plus bas).
Conduite du vignoble et vinification
Dans toutes les parcelles où le passage de la charrue est possible, le labour est réalisé un rang sur deux. L'autre rang est enherbé.
Concernant les traitements phytosanitaires, les pratiques respectent les règles du cahier des charges bio (avec la certification sur le millésime 2008).
Par ailleurs, l'ensemble des vignes situées sur les Grands Crus Kirchberg et Osterberg est protégé contre les vers de la grappe par confusion sexuelle, une technique rendant impossible la rencontre des males et des femelles.
Les excès de vigueur rendant la vigne sensible aux maladies et entraînant une dilution des vins sont évités au maximum.
Toutes les parcelles sont récoltées à la main.
Les pressurages sont longs et doux avec des temps de cycle de pressurage de 4 h voire plus..., bien au-delà de ceux préconisés. Les cycles les plus longs sont surtout utilisés pour les vins haut de gamme à forte expression tels que les Grands Crus, les Vendanges Tardives, les Sélections de Grains Nobles ou les Cuvées Spéciales.
Les températures de fermentation sont encadrées en évitant les températures extrêmes.
Les foudres centenaires en chêne sont utilisés comme outil de vinification et d'élevage.
Après un élevage sur lies fines de 8 à 11 mois, les vins sont filtrés sur terres au printemps et soit mis directement en bouteille soit stockés en cuves ou foudres de chêne.
Les vignobles de Ribeauvillé
Les vignobles de Ribeauvillé sont situés dans un grand champ de fractures à l'origine d'une structure de compartiments géologiques très morcelés (mosaïque) compartiments composés surtout de calcaires durs, d'argiles et marnes du Lias et du Trias, d'argiles gréseuses et de conglomérats calcaires et calciques de l'Oligocène.
Le microclimat de Ribeauvillé se caractérise par sa faible pluviosité (entre 550 et 650 mm d'eau par an.
En été, les journées sont chaudes mais compensées par les vents frais de la nuit.
Trois Grands Crus situés sur le ban de la commune de Ribeauvillé : Kirchberg, Geisberg et Osterberg.
Le Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé
Classé Grand Cru par décret de 1975, ce terroir a été cité pour la première fois en 1328.
Ce coteau bénéficie d'une exposition Sud et Sud-ouest qui, associée à une pente très marquée, lui confère un excellent ensoleillement au moment de la maturation. Son substrat est constitué, en aval, de marnes dolomitiques triasiques et de dolomies du Muschelkalk inférieur, en amont, de marnes bariolées gréseuses et gypsifères du Muschelkalk moyen. Des sols argileux, souvent très caillouteux, accueillent ce vignoble situé à une altitude de 270 à 350 m.
Le tout confère aux vins une grande minéralité proche de celle du Geisberg voisin ainsi que beaucoup de fraicheur grâce à une acidité bien présente.
Les parcelles de Riesling se situent au cœur historique du Grand Cru, d'une part dans la pente marquée située au Sud et d'autre part dans la partie centrale du plateau. La roche mère est située à une cinquantaine de centimètres de la surface. Cela oblige les vieilles vignes de 31 ans d'âge à plonger leurs racines profondément.
Les dernières vignes ont été plantées avec une densité de 6250 pieds à l'hectare.
A propos de l’étiquette
Depuis le millésime 2004, Etienne et Martine proposent une étiquette très originale destinée à apporter un maximum de renseignements sur la bouteille.
Les images ci-dessous décrivent toutes les informations communiquées en sus des informations classiques.
Sur la première image, soit l’étiquette frontale, on voit ainsi facilement les 3 éléments suivants : pente (en haut), ensoleillement (en bas) et type de sol (dans le petit rectangle en haute et en bas). Notez que le contraste de couleur de ces éléments a été volontairement augmenté pour plus de clarté par rapport à l’étiquette originale.
Sur la seconde image, soit l’étiquette dorsale, en dehors des commentaires sur le terroir et les mentions légales, on voit qu’une échelle de sucrosité a été ajoutée par laquelle Etienne et Martine essaient de retranscrire la perception de la sucrosité au palais. Celle-ci dépend des sucres résiduels, du taux d’acidité, du type d’acidité, des tannins (important sur des millésimes comme 2003) et aussi de la salinité ou minéralité. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un taux de sucres résiduels.
Interview d’Etienne Sipp
1. Vous et votre domaine
Etienne, depuis votre arrivée à la gestion du domaine en 1996, quels sont les principaux changements que vous avez menés ?
J’ai pris la gestion du domaine en charge en Janvier 1996 et Martine m’a rejoint en Août 2003.
Dès 1996 nous avons mis en place une démarche déterminée, destinée à proposer des vins purs, harmonieux et authentiques répondant à la demande des consommateurs.
Au travers de nos vins, nous voulons avant tout valoriser notre principal atout : un vignoble de 40 ha situé uniquement sur les coteaux historiques de Ribeauvillé. Pour cela nous nous appuyons sur :
- Une conduite des vignobles pour des vins à forte expression : maintien des vieilles parcelles, choix de porte-greffes peu vigoureux dans les nouvelles plantations, densités de plantation élevées (jusqu’à 8300 pieds/ha), labour un rang sur deux, enherbement de l’autre rang. Après plusieurs années de conduite du vignoble selon le cahier des charges de production intégrée Tyflo, la conversion à la viticulture biologique a marqué une nouvelle étape en 2005. Après 3 années de conversion, 2008 est notre premier millésime certifié en «Bio ».
- Des rendements maîtrisés : Moins de 50 hl/ha en moyenne, tous cépages et appellations confondus.
- Depuis le millésime 2000, des vinifications individualisées pour exprimer toute la diversité géologique de nos terroirs: Riesling Hagel (granits), Muehlforst (calcaires) et Steinacker (graves), mais aussi Pinot Noir Grossberg (calcaires et grès), Gewurztraminer Rotenberg (calcaires rouges), Pinot Gris Trottacker (marnes argileuses), sans oublier les Grands Crus Kirchberg de Ribeauvillé et Osterberg qui restent les fleurons de notre domaine.
- Une récolte manuelle très méticuleuse afin de préserver l'intégrité des raisins et de permettre des tris (et des tries* lorsque cela est possible).
- A partir de 1999, un pressurage en raisins entiers : les pressoirs sont chargés par gravité et nous évitons au maximum toute trituration des raisins.
- Un pressurage long et doux : entre 5 h et 16 h.
- En 2000 nous avons introduit le débourbage statique très soigné avec réintégration des précurseurs d'arômes à la cuve d'origine.
- Des élevages sur lies à chaque fois que cela est possible.
* un tri = sortir les raisins atteints de pourriture grise
une trie = sélectionner les raisins atteints de pourriture noble
Il arrive ainsi à l’équipe de faire un tri le matin et une trie l’après-midi (pour une SGN Cœur de Trie par exemple). Seul un encadrement et une pédagogie fine permettent d’obtenir de l’équipe des vendangeurs ce genre de résultats. Ceci est maintenant le travail de Martine
Quels effets avez-vous constatés suite à ces changements et sont-ils mesurables ?
Les effets constatés se situent à plusieurs niveaux :
1. Dans les vignes, la maîtrise de la vigueur nous permet une gestion plus facile de l’état sanitaire des raisins. Elle conduit aussi à une meilleure maîtrise de la charge des pieds en raisins. Les labours renforcent l’enracinement profond et rendent les vignes moins sensibles aux effets climatiques. Ainsi en 2003, les vielles vignes bien enracinées des Grands Crus ont mieux encaissé les effets de la sécheresse et des très hautes températures que les jeunes vignes dont le système racinaire n’est pas encore totalement implanté. Nous notons aussi un renforcement de la biodiversité dans nos vignes : retour du lucane cerf volant, du machaon, de la huppe fasciée pour ne citer que quelques exemples.
2. Les vins quant à eux ont gagné en précision aromatique et en concentration. Nous constatons aussi une meilleure régularité dans leur expression, millésime après millésime. Les Grands Crus présentent aussi une plus grande salinité. Grâce à une gestion fine de la vigueur des vignes, et aux tries de plus en plus poussées, les Vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles ont gagné en pureté et en équilibre.
3. Et les résultats sont au rendez-vous : Les guides, la presse spécialisée, nous placent de plus en plus parmi les producteurs de référence en Alsace.
Tous ces efforts n’ont pas qu’un but commercial ou une volonté d’être simplement plus connus… On sent chez vous deux une volonté plus profonde… Est-ce une erreur de penser cela ?
Ces changements n’ont certainement pas comme motivation la volonté d’être plus connus personnellement : Martine avait une place reconnue au niveau européen dans l’analyse économique de la filière laitière et bovine. En ce qui me concerne, les signes de reconnaissance ont été nombreux dans mes deux expériences précédentes, que ce soit dans la recherche sur les composites thermo-structuraux ou dans le monde des thermoplastiques dans l’automobile. A priori nous n’avions rien à gagner de ce côté-là en venant à la viticulture. Nos efforts sont plus liés à notre perception du vin : au-delà d’un breuvage alcoolisé, le vin est pour nous avant tout un élément profond de notre culture et dans une certaine mesure de notre civilisation. C’est un catalyseur d’échange entre les personnes un moteur pour exprimer la convivialité entre les peuples. Le vin n’est plus un élément de notre apport énergétique quotidien mais plus une nourriture de l’âme, un facteur de bien être. A partir de cette approche, on comprendra aisément que, par souci de cohérence, il n’est pas tolérable de mettre en péril l’environnement et notre santé pour élaborer ces produits. Cela justifie aussi notre décision de passer en viticulture biologique. Cette vision des choses dépasse d’ailleurs le seul monde du vin.
2. Vous et l’Alsace
Cette philosophie s’applique-t-elle chez vous à votre domaine, aux vins de Ribeauvillé ou plus largement désirez-vous être un acteur prenant dans le développement de l’Alsace viticole?
Nous souhaitons simplement apporter notre pierre dans l’histoire familiale de manière à assurer le passage du flambeau à la prochaine génération éventuelle dans les meilleures conditions. Des générations ont travaillé pour mettre en place un patrimoine de vignobles uniques à nous de poursuivre ce travail.
Si par notre exemple, notre conduite et nos résultats, nous pouvons être un exemple pour d’autres, nous en serons heureux mais la recherche de responsabilités au niveau autre que celui de notre entreprise n’est pas notre moteur. En étant responsable de la gestion locale du Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé je me mets modestement au service de la collectivité dans la logique de la gestion collective d’une appellation. Avec les autres responsables des Grands Crus de Ribeauvillé, nous essayons d’avoir une cohérence dans la gestion et la mise en valeur de ces grands terroirs.
Il ne faut pas non plus oublier que le monde du vin subit des changements rapides ces derniers temps. Notre démarche est en construction, nous prends beaucoup de temps et d’énergie et n’a pas encore donné tous ses résultats. Nous ne prétendons pas détenir la seule vérité. D’autres suivent d’autres voies.
Par ailleurs, mon autre passion, la photographie animalière est très contraignante en temps. Cette activité représente un autre moyen de s’impliquer dans la sauvegarde d’un autre élément fort de notre région : son patrimoine de paysages, sa faune et sa flore. Cette passion explique aussi certains de nos choix viticoles comme le passage au bio.
On sait l’alsacien fort attaché à sa terre et, à l’inverse des nouveaux viticulteurs du Languedoc, accrochée à celle-ci depuis des générations, au point qu’il pourrait être facile de considérer l’Alsace comme la patrie des viticulteurs les plus terriens. Ne pensez-vous pas que le développement parallèle d’une vraie démarche intellectuelle ne peut être que favorable au développement des grands vins alsaciens ?
Le vin tel que nous le vivons (tout comme d’ailleurs la photographie) est avant tout une démarche intellectuelle effectivement. « Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait où aller », en d’autres termes nos vins naissent avant tout dans nos têtes sous la forme de rêves fous ! A nous de nous placer ensuite dans les conditions matérielles qui, si la nature le veut bien, nous permettrons d’approcher ce rêve. L’analogie avec la photographie animalière est d’ailleurs très forte. Les meilleures images faites sont avant tout des constructions intellectuelles auxquels l’on essaie de donner une matérialité à force de passer des heures dehors par tous les temps.
3. La complantation, Jean-Michel Deiss et vous
Vous m’avez reconnu avoir, en autres, beaucoup de respect pour Jean-Michel Deiss, pensez-vous vous inscrire dans la même philosophie ?
Nous partageons avec Jean-Michel, mais aussi avec d’autres confrères, une certaine vision de notre relation avec l’environnement, le goût du travail bien fait et la volonté farouche d’avancer pour une meilleure reconnaissance des vins d’Alsace.
A condition que l’implantation actuelle de vos différents cépages le permette, seriez vous prêt, sur les terroirs en Grand Crus de votre domaine, à travailler en complantation et, en prolongement, à accepter de vendanger les différents cépages d’une parcelle au même moment comme le fait Jean-Michel Deiss ?
La question de la complantation ne se pose pas de cette manière frontale et déconnectée du terroir et de la réalité. Un Grand Cru est constitué de plusieurs éléments : un terroir avec sa géologie, ses aspects pédologiques, son climat. Mais un autre facteur est la communauté humaine mettant en valeur ce Grand Cru au jour le jour, et au fil des générations. Cette communauté construit une histoire et une antériorité, avec ses succès souvent et ses échecs parfois. Les questions que l’on doit se poser avant tout et de manière permanente sont de deux ordres : (i) quelle est l’expression profonde des vins de chaque Grand Cru et quels sont les liens de cause à effet entre les facteurs constitutifs du terroir Grand Cru et leur traduction dans les vins puis (ii) est-ce que les moyens mis en place pour produire ces Grands Vins de Terroirs permettent la traduction des éléments forts du terroir dans le vin. Ce n’est qu’à ce moment là que la question du cépage voire de la complantation peut se poser. En tout état de cause, si cette question peut être individuelle au départ, elle ne peut trouver de réponse que de manière collective au sein de la communauté des producteurs mettant en valeur le Grand Cru.
Pensez-vous que l’acheteur de vins alsaciens est prêt à l’abandon de la mention du cépage sur l’étiquette ?
Il faudrait lui demander ;-))
Franchement il est difficile d’apporter une réponse univoque. Ce qui est en revanche certain est que l’acheteur de vins alsaciens doit avoir une idée très précise de ce qui se trouve dans la bouteille. Les vins d’Alsace sont en effet extraordinaires par leur diversité et leurs possibilités d’accords avec les mets du monde entier. Cette diversité a malheureusement pour corolaire une certaine complexité. La mention du cépage peut apporter un élément de clarification de ce qui se trouve dans la bouteille mais il ne saurait être le seul. La crainte actuelle avec la libéralisation de l’utilisation des cépages est que cette mention puisse être une source de confusion supplémentaire. A nous de rester très vigilants, de rester à l’écoute de nos clients et de savoir nous adapter rapidement et intelligemment le jour venu.
Que pensez-vous plus globalement de la complantation en Alsace ?
J’ai eu l’occasion de goûter des vins extraordinaires et très aboutis, mais aussi d’autres vins que j’ai eu plus de mal à comprendre certainement ! La même chose peut d’ailleurs être dite au sujet des vins issus de cépages uniques ou d’assemblages. Dans le monde du vin nous nous devons de rester ouverts et d’éviter toute diabolisation que ce soit du monocépage mais aussi de la complantation.
4. La sucrosité des vins et vous
Une certaine augmentation de la demande du public favorise depuis quelques années la production de vins structurés sur plus de sucres résiduels, la résultante en étant la présence croissante de VT et SGN sur les tarifs des viticulteurs de votre région. Pensez-vous que l’on peut garder le respect de l’expression du terroir en le travaillant à la fois pour les vins secs, VT, SGN et autres voisins de glace ?
Vaste et complexe question !
Nos plus belles Vengeances Tardives et Sélections de Grains Nobles ont toujours été produites dans nos Grands Crus. Elles se distinguent du reste par une plus grande complexité mais surtout par un équilibre plus harmonieux.
Sur ces vins, l’expression du botrytis est tellement forte qu’il est très difficile d’y voir une expression claire du terroir.
A partir de là il convient bien de définir son terroir et son expression : si le terroir est exprimé le mieux par un vin sec il faut bien veiller à ne pas brouiller le message de la perception de ce terroir par le consommateur. C’est pour cette raison que nos habillages sont bien distincts : les étiquettes sur papier à fond blanc pour les vins exprimant notre vision du terroir, et les étiquettes à fond ocre pour les vins construits sur le botrytis. Sur ces dernières, c’est bien le caractère botrytisé qui est mis en avant.
5. Un peu de tout…
Vous avez converti récemment votre domaine à l’agriculture biologique, pensez-vous qu’il existe une autre alternative à long terme tant pour le respect des sols que de l’expression du terroir ?
A ce jour et en l’état de nos connaissances, je ne pense pas qu’il y ait d’autres alternatives si l’on veut poursuivre le double objectif du respect des sols et de l’expression des terroirs. Mais au-delà de ces points, Martine en tant qu’ingénieur agronome a pu voir dans ses travaux de recherche les effets pervers et néfastes de l’agriculture dans laquelle nous avons été conduits. De par ma formation d’ingénieur chimiste j’ai pu constater les risques associés à cette discipline si elle n’est pas strictement encadrée. Notre objectif est de suivre une voie alternative et les premières années qui ont comporté des millésimes faciles (2005) ou très difficiles (2006), mais aussi des étés chahutés (2007 et 2008) nous ont permis de valider notre choix. Ceci étant dit, nous ne pouvons exclure qu’à l’avenir d’autres solutions puissent se présenter. A nous de toujours savoir rester ouverts et attentifs, avec le souci constant de respecter notre terre et les hommes.
Pensez-vous qu’un terroir revitalisé peut marquer ses vins au point de largement gommer les aspérités d’un millésime ?
Ceci est effectivement une hypothèse plausible. A ce jour, il est trop tôt pour avoir assez de recul pour se positionner définitivement sur ce point. Je suis comme St Thomas et ai tendance à ne croire que ce je vois et ressens. La « revitalisation » d’un terroir est en effet une opération de longue haleine et qui nécessite certainement la mise en place de mesures structurelles fortes comme par exemple de fortes densités de plantations. Nous pourrons plus nous avancer sur ce point lorsque les vignes plantées à plus de 8300 pieds à l’hectare sur l’Osterberg seront suffisamment enracinées. Mais il ne faut pas limiter la définition du terroir au seul sol en bon état de fonctionnement. Il ne faut pas exclure l’homme et sa main qui sont parties intégrantes du terroir. En connaissant nos terroirs, en sachant ce qu’ils expriment le mieux, nous avons aussi la possibilité par nos choix, de gommer en partie les effets d’un millésime pour essayer d’atteindre le but fixé.
Hors de ce contexte, que pensez-vous de l’avenir du pinot noir en Alsace ?
La structure géologique unique des champs de fractures alsaciens et le climat nous permettent d’envisager l’avenir du Pinot Noir sous un autre angle que celui du rosé léger que nous connaissions il y a quelques années encore. A nous de trouver les bonnes situations et d’y mettre la viticulture en adéquation avec ces terroirs. Je vous invite à voir le parcours que nous avons réalisé depuis 2000 sur le Grossberg pour vous donner une idée de ce qui est envisageable pour ce cépage en Alsace.
Existe-t-il, en Alsace, des terroirs favorables à ce cépage ?
En théorie oui mais il reste beaucoup à explorer. La question à se poser est de savoir si le jeu en vaut la chandelle aujourd’hui.
Après maintenant 12 ans à la tête de votre domaine, êtes-vous avec votre épouse heureux d’être là ?
Oui ! Mais attention le bâton a toujours deux extrémités. Le côté pesant est lié à a gestion d’une petite entreprise en France où nous sont imposées beaucoup trop de contraintes nous éloignant de notre objectif. Ceci étant dit, le monde du vin tel que nous l’envisageons, c'est-à-dire comme vecteur de convivialité, comment moyen de rapprocher les hommes, comme source de découvertes et de surprises est extraordinaire. Chaque année est différente, chaque millésime nous oblige à nous remettre en question, rien n’est jamais acquis. Les contacts humains dans ce secteur sont emprunts d’une richesse particulière. Nous vivons dans une région magnifique et nos choix nous conduisent à être proches de la nature, ce que nous recherchons particulièrement. Mais le plus important pour nous est de pouvoir prendre des options et d’en voir les résultats année après année.
Les millésimes et les vins dégustés
Grace à l’étroite collaboration de Martine et Etienne Sipp, vous trouverez ci-dessous un CR d’une dégustation exceptionnelle marquée à la fois par la quantité des vins dégustés (14 !) et la très belle verticale complète de 1996 à 2007 qui reprend la période d’investiture d’Etienne à la tête de la propriété dont les années où Martine a commencé à le seconder.
Pour cela, je tiens à leur exprimer toute ma gratitude.
Merci aussi pour leur présence à Alfonso Di Pasquale, Bart Van Holder, Bernard Arnould, Frank Vandenbulcke (fvdb), Jehan Delbruyere, Luc Javaux, Marc Lottin (Hédoniste), Olivier Didon (Oliv), Philip Desmet, Thierry Gobillon (Gobt) et Olivier Seuzaret (Oli2).
Les vins ont été servis du millésime le plus récent au plus ancien, après environ une heure et demi en passage doux en carafe. Nombreux de ces vins sont encore disponibles au domaine.
Pour les appréciations voici l'ordre des dégustateurs :
Luc - Ber. - Oliv - Fvdb - Alf. - Oli2 - Gobt - Hédo - Bart - Phil - Jeh. - Pat.
Merci à Jehan pour les photos...
1973
Le millésime :
Après une floraison normale, les vignes furent influencées par un été chaud et sec, proposant ensuite des baies très petites avec une très belle concentration, particulièrement pour les rieslings avec des vins fins, élégants avec des arômes de pamplemousse, une belle minéralité mais des vins relativement fermés dans leur jeunesse.
Le vin :
La robe est jaune ambrée. D’emblée le nez perturbe notre groupe; il paraît au début légèrement bouchonné voire avec des notes de suies. Un côté citrus est toutefois présent.
En bouche, on retrouve la même sensation qui ne permet pas de juger ce vin objectivement. On note toutefois une acidité très citrique qui rappelle le cépage.
Pas d’évaluation pour ce vin qui, pour ceux qui en ont exprimé une, était logiquement très faible. La même bouteille plus saine serait toutefois intéressante à découvrir.
1985
Le millésime :
Après un hiver froid et un printemps classique, l’été fut sec et ensoleillé marqué toutefois par des passages de tempêtes marquants. L’automne fut exceptionnel laissant présager des vins grandissimes d’un équilibre prometteur, à la fois puissants et bien charpentés, extrêmement fins et racés. Les rieslings proposent un remarquable équilibre tout en harmonie faisant de 1985 un millésime ou les superlatifs se bousculent. Grande garde au programme.
Le vin :
Notre 85 se présente sur une belle robe jaune doré légèrement évoluée. Le nez est légèrement fermé mais propose ensuite des notes pétrolées et citronnées (plus sur le zeste). On note aussi une petite pointe malique et un peu de foin coupé.
En bouche, le vin est assez équilibré bien que l’acidité citrique domine et il se comporte à nouveau comme un vin assez variétal mais avec toutefois beaucoup de noblesse pour une partie des dégustateurs. A ce titre, on peut le voir ci-dessous, les avis sont très partagés. Les « adorateurs » des vins de terroirs qui ont porté la série 05-06-07 aux nues (voir plus bas), sont très mitigés sur le côté citrique un peu étroit de ce vin, le reste y voit une splendide évolution du riesling.
Sur toutes les évaluations présentées dans ce commentaire, aucune moyenne n’est donnée, la raison en étant clairement ici démontrée.
Appréciations : 10,0 - 12,0 - 17,5 - 17,0 - 14,5 - 11,0 - 14,0 - 14,0 - 12,0 - 11,0 - 16,0 - 14,0
1996
Le millésime :
Après un démarrage assez lent de la période de maturation, les vignes durent faire face à un été hétéroclite avec des températures basses au mois d’août. Les raisins se présentaient avec des acidités élevées et purent atteindre finalement une très belle maturation grâce à des vendanges plus tardives sous une très belle arrière saison, faisant de 1996 un des millésimes phares de la décennie avec des vins ou l’acidité apportera longtemps beaucoup de fraicheur et de garde.
Le vin :
Une belle robe dorée encore assez jeune accompagne un nez net mais assez variétal de citron avec des notes de pommes et un peu de lacté qui perturbe un peu le groupe. En bouche, l’acidité est très marquée (la plus intense de la dégustation), très sur le côté citrique qui emporte le vin jusqu’en finale assez longue bien qu’un peu sèche. On aurait plus vibré si le fruit et un peu de gras avaient été au programme. Ceux d’entre nous que ce type d’acidité perturbe ont logiquement donné une évaluation assez faible.
Appréciations : 12,5 - 13,0 - 12,5 - 13,0 - 14,5 - 10,0 - 10,0 - 13,0 - 10,0 - 13,0 - 15,0 - 14,0
1997
Le millésime :
Le climat fut chaud et très ensoleillé avant les vendanges. L’ensoleillement record du mois de septembre provoqua des vendanges précoces proposant des vins riches et ronds mais dont l’acidité assez faible suggère une garde modérée pour profiter de vins équilibrés.
Le vin :
Comme pour le 96, la robe présente un beau jaune doré sans marque d’évolution. Le nez est assez complexe, d’intensité moyenne, où les notes variétales de citron sont accompagnées de notes plus nobles, florales (Earl Grey, lilas) mais aussi de cire et de lacté. Bien que la minéralité soit bien présente, certains pensent que ce vin a fait une malo partielle, évènement que l’on a rencontré fréquemment sur d’autres vins de ce millésime.
En bouche, l’acidité assez faible accompagne un équilibre honnête avec un côté citrique assez bien maitrisé mais la finale est courte et résolument sèche. Pour beaucoup, ce vin a atteint son terminus.
Appréciations : 13,5 - 12,0 - 13,0 - 14,0 - 10,0 - 12,0 - 12,0 - 14,0 - 11,0 - 13,0 - 12,0 - 13,0
1998
Le millésime :
Après un printemps et un été très secs avec une floraison en avance (le millésime marqué par des coups de soleil sur les raisins), les pluies du mois de septembre ne purent pas toujours combler le stress hydrique mais sur le Kirchberg les racines profondes purent trouver l’eau nécessaire à une belle maturité et un équilibre sur la minéralité. On notera aussi quelques traces de botrytis sous la forme noble.
Un beau millésime mais dont l’évolution est à surveiller.
Le vin :
Belle robe vieil or (donc assez évoluée). Le nez est assez intense sur des notes majoritairement fruitées (citron, pèche, coing) mais aussi florales (fleur d’oranger). Pas de notes lactées, ici, au contraire des deux vins précédents. En bouche l’acidité citrique est très marquée mais le vin s’équilibre bien sur le fruit. La finale est bien longue, assez suave avec une légère pointe d’amertume et un peu de sucre résiduel. Pour beaucoup, il s’agit là d’un très beau vin, bien que les appréciations montrent une certaine dispersion, avec les mêmes impressions que pour le 85 (voir plus haut).
Appréciations : 16,0 - 14,5 - 13,5 - 14,0 - 11,0 - 11,0 - 13,0 - 14,0 - 11,0 - 14,0 - 15,0 - 15,5
1999
Le millésime :
Après un printemps et un été classiques, les semaines précédant les vendanges furent très ensoleillées amenant les raisins à maturité très tôt. Les vins sont généralement équilibrés et très marqués par le terroir avec une évolution assez rapide faisant du riesling sur le Kirchberg de Ribeauvillé un vin très intéressant…souvent encensé et quelquefois controversé.
Le vin :
Ceux d’entre nous (et ils étaient nombreux) qui avaient déjà eu affaire à ce vin, l’attendaient avec impatience et ils n’ont pas été déçus bien qu’un peu surpris… Selon les expériences précédentes, on s’attendait à un beau vin toutefois assez évolué dans ses aromes. Il n’en était absolument rien ici, si ce n’est qu’il a été très apprécié. La robe présente ici un côté doré très brillant et au nez, les notes citronnées dominent sans déranger toutefois. Rapidement, la minéralité s’impose et accompagne aussi la bouche tant sur l’équilibre que sur la finale, très longue. Un vin très apprécié par les fans dont je fais partie !
Appréciations : 15,5 - 14,0 - 15,5 - 15,0 - 15,0 - 17,0 - 14,0 - 14,0 - 13,0 - 14,0 - 16,5 - 17,0
2000
Le millésime :
Le millésime 2000 fut particulièrement précoce, chaud et sec avec des orages de grêle et une forte présence de botrytis. Malgré une belle maturité apportant de la concentration, les taux d’acidité furent assez faibles, proposant dès lors des vins très aromatiques, fruités et ronds, équilibrés dans leur prime jeunesse mais dont l’avenir à long terme semble difficile. Epargné des grêles, le secteur de Ribeauvillé a donné une récolte de très beaux raisins présentant des maturités exceptionnelles et le riesling Kirchberg fut particulièrement encensé dans la presse…
Le vin :
Une robe or vert accompagne un nez très intense marqué par le citron et des notes de pèche et de poire. Le fruit domine donc mais beaucoup d’entre nous perçoivent des notes oxydatives.
Ce nez assez complexe et généralement bien apprécié est assez fort battu en brèche par une bouche assez minérale mais où l’acidité semble s’être effacée au profit d’une certaine sécheresse et d’une longueur moyenne. Cela rejoint une impression souvent rencontrée en Alsace sur ce millésime et confirme qu’il est grand temps de boire les flacons restants en cave.
Appréciations : 12,0 - 14,0 - 13,5 - 12,0 - 13,0 - 10,0 - 10,0 - 13,0 - 12,0 - 14,0 - 14,0 - 14,0
2001
Le millésime :
Après un printemps et un été en dents de scie avec pour finir un mois de septembre nuageux et froid, les vendanges durent commencer tard mais sous un climat très favorable qui fit grimper les maturités. Ce qui permit de récolter des raisins sains mûrs avec des acidités surprenantes qui donnèrent à ce millésime un caractère de garde évident. On notera ici aussi quelques traces de botrytis sous la forme noble.
Le vin :
La robe est or vert sans défaut. Le nez est très intense, assez évolué, dans le sens qu’il propose beaucoup de complexité : des notes fruitées (citron, poire) légèrement florales (un peu sur l’Earl Grey) et globalement l’impression de minéralité domine.
La bouche présente une belle acidité tout en finesse (beaucoup moins agressive que d’autres vin du millésime), un équilibre splendide sur le fruit et une finale très longue sans la moindre trace d’amertume. Il s’agit là d’un très, très grand vin qui a fait l’unanimité du groupe, tant les aficionados des vins jeunes que ceux qui préfèrent une certaine évolution. Un vin aussi de très grande garde!
Un autre point marquant, c’est que l’on sent venir avec ce vin pour la première fois des notes de terroirs très nettes, le côté acidité citrique n’étant plus du tout dominateur.
A noter qu’étant à l’heure de notre pose, une deuxième bouteille a accompagné un florilège de quiches (volontairement assez neutres) et a reçu à nouveau les éloges du groupe tout en se mariant très bien avec ces mêmes quiches (un accord à retenir à mon avis).
Appréciations : 18,0 - 15,0 - 17,0 - 18,0 - 17,0 - 17,0 - 17,0 - 17,0 - 17,0 - 18,0 - 15,0 - 18,0
2002
Le millésime :
Le mauvais temps s’installe au printemps, sans répit jusque fin août, mais à l’opposé de beaucoup d’autres régions viticoles, l’Alsace ne souffre pas trop des effets de la pluie. Les températures étant souvent basses, le niveau élevé d’acidité est très élevé. Le temps devient ensuite sec, ensoleillé et venteux. Finalement, une très longue période de maturation permet d’obtenir des raisins avec des niveaux d’acidité et de maturité très élevés. Les vins de 2002 sont puissants et racés et ils ont souvent besoin d’un temps de vieillissement marqué pour atteindre leur apogée. On notera à nouveau, comme en 98 et 2001, quelques traces de botrytis.
Le vin :
La robe se présente sur l’or vert comme pour le 2001 et le nez est très intense bien qu’un peu moins complexe. Le fruit domine (pèche, poire, abricot et citron) avec une certaine perception d’évolution un peu sur la surmaturité.
En bouche, une acidité sans faille mais pas excessive est la trame centrale d’un bel équilibre avec le fruit et le gras, ce dernier semblant provenir toutefois d’un peu d’alcool. La finale est belle, assez longue mais un peu sèche. Moins adulé que le 2001, ce 2002 s’en tire toutefois avec les honneurs ; il est toutefois conseillé de le consommer avant son grand frère.
A noter, à nouveau, ce sentiment du groupe d’avoir un vin à nouveau plus marqué par le terroir.
Appréciations : 14,5 - 15,0 - 15,5 - 13,0 - 12,5 - 11,0 - 14,0 - 14,0 - 14,5 - 14,0 - 15,0 - 15,0
2003
Le millésime :
Année extrême, très différente de 2002. A partir de la mi-février, les températures ont augmenté régulièrement avec des pluies très rares jusqu’à la fin des vendanges. Grâce à des pratiques culturales appropriées la vigne a toutefois su résister correctement au manque d’eau en 2003. Les vendanges ont débuté très tôt en Alsace, beaucoup de raisins présentant des maturités en sucre satisfaisantes mais avec des acidités très basses en août et un rendement au final très bas. Malgré des niveaux d’alcool acquis élevé, les rieslings résistèrent mieux grâce aux peaux épaisses. Le millésime s’avère au final difficile mais les grands terroirs expriment une complexité intéressante.
Note d’Etienne Sipp concernant le Riesling Kirchberg : « Ce vin est issu de raisins récoltés en octobre et qui ont profité des pluies de début octobre pour parfaire le cycle de maturation. Seuls les raisins des plus vieilles vignes qui n’ont pas souffert de sécheresse sont rentrés dans l’assemblage de ce 2003. Un millésime dont l’équilibre n’est pas sur le classique triptyque alcool-sucres-acide mais plus vers un équilibre alcool-acides-minéraux-tannins. »
Le vin :
La robe est jaune dorée avec une pointe d’évolution que l’on retrouve en bouche avec de la poire William, de la pomme, de l’abricot, des notes de parfum (tout de même pas 5 de Chanel) et une présence indéniable d’alcool. En bouche si l’acidité s’en sort bien, l’alcool perturbe l’équilibre et la finale est un peu sèche, avec globalement un manque de profondeur. Un vin moyen à bien, donc, que j’avais déjà goûté personnellement mieux les deux fois précédentes (effet du carafage ?), mais dans la discussion finale, on reconnaissait aussi avoir connu bien pire sur ce millésime et il n’y a ici vraiment pas de quoi jeter le bébé avec l’eau du bain.
Appréciations : 13,0 - 13,0 - 15,0 - 14,0 - 11,0 - 13,0 - 15,0 - 14,0 - 13,0 - 10,0 - 13,0 - 13,0
2004
Le millésime :
Après un débourrement normal, le climat de juin fut parfait. Le mois de juillet très chaud fut suivi d’un début août froid et pluvieux. De la fin du mois d’août jusqu’à mi-octobre, le temps fut ensoleillé, sec et parfois chaud. Les raisins étaient mûrs mi-octobre tout en ayant des excellentes acidités. La pluie en fin de récolte obligea d’accélérer les dernières parcelles. La plupart des vins ont ainsi pu transformer la quasi-totalité de leurs sucres et les vins ont un excellent équilibre acide/maturité avec le terroir très marqué sur les sols les plus granitiques, calcaires ou gréseux. La récolte est une des plus importantes d’Alsace.
Le vin :
La robe est jaune claire avec des reflets verts. Au nez, on a l’impression d’atterrir sur un autre monde que celui de tous les autres vins ; en effet, on est face ici à un vin terriblement végétal, poivré marqué aussi par un côté un peu terreux et pour beaucoup (dont moi) un côté pierre brute silex qui donne l’impression de sucer du caillou.
La bouche est plus noble avec une belle acidité sur un équilibre intéressant marqué aussi par un peu de sucre résiduel. Si les notes un peu dures du nez sont beaucoup moins marquées ici, cette bouche a du mal à convaincre le groupe, entre autres, suite à une finale un peu asséchante.
Il est toutefois clair que ce type de vin n’est pas favorisé par l’exercice de la dégustation et il est aussi très probable qu’en accord sur un met, il aurait été bien plus intéressant….sur une choucroute de poisson avec un peu de crème ?
Appréciations : 12,5 - 13,0 - 14,0 - 13,0 - 12,0 - 13,0 - 12,0 - 13,0 - 11,0 - 14,0 - 14,0 - 13,5
2005
Le millésime :
Un hiver sec, une relative rareté des précipitations au printemps et en été et un très beau mois de septembre ont entraîné de très faibles rendements (30 hl/ha pour les grands crus) comparables avec ceux de 2003 mais avec un état sanitaire parfait et de belles acidités mûres.
Un très beau millésime exprimant bien le fruit dans sa jeunesse et qui pourrait fort bien vieillir.
Le vin :
La robe est jaune vert plus claire que pour les vins précédents. Le nez est très intense d’une belle complexité avec un peu de citron mais surtout une belle impression de raisin de Corinthe. Beaucoup, vraiment beaucoupd’impression de pureté et de minéralité saline dans ce vin. En bouche, une acidité d’une grande finesse nous transporte très vite sur un équilibre purement splendide, avec un très beau fruit et une longueur remarquable, sans le moindre atome de sécheresse ni d’amertume. Un très très grand vin aux yeux de tous qui partage le podium de la soirée avec le 2001. Beaucoup d’éloges de notre journaliste de l’étape, Bernard Arnould, pour qui l’Alsace est une région qu’il maitrise bien et qui voit dans ce vin une splendide réussite d’expression du terroir. Toute grande garde au programme…
Pour la petite histoire, j’ai regoûté ce vin 36 heures plus tard et lui aurais bien mis 18,5/20.
Appréciations : 17,5 - 17,0 - 14,0 - 16,0 - 15,0 - 14,0 - 15,0 - 15,0 - 15,0 - 17,0 - 18,0 - 17,0
2006
Le millésime :
Ce millésime a démarré assez tardivement en raison d’un printemps frais et pluvieux. Les belles journées de juillet et le temps plus frais et humide du mois d’août ont été favorables à la préservation d’un excellent rapport acidité/sucres. Les vendanges ont ensuite été contrariées par une période pluvieuse et chaude conduisant à accélérer la récolte des Riesling sur le Kirchberg, ce qui a permis de sauver ce vin de l’influence du climat. Ce millésime très difficile dévoile toutefois de très bonnes surprises.
Le vin :
Avec une belle robe jaune clair aux reflets verts, ce vin propose un nez très complexe marqué d’un côté par du fruit (citron, poire), une peu de fleurs blanches quelques notes pétrolées mais surtout une belle minéralité très profonde.
En bouche, on retrouve cette acidité tout en finesse qui accompagne un bel équilibre marqué toutefois par une très petite pointe d’assèchement et une longueur un chouilla en dessous du 2005. Mais la salinité est omniprésente et fait penser largement à la trame du 2005. Un très beau vin aux yeux de tous qui fait mentir son millésime… le terroir aurait-il parlé ?
Appréciations : 16,0 - 16,0 - 17,0 - 17,0 - 16,5 - 15,0 - 16,0 - 14,0 - 14,5 - 16,0 - 15,0 - 15,5
2007
Le millésime :
Le millésime 2007 est totalement hors norme. Le débourrement des vignes a été très précoce à la suite d’un printemps exceptionnellement chaud. En revanche, les mois d’été ont été les plus frais et les plus pluvieux des 50 dernières années et le cycle végétatif s’en est trouvé rallongé. Les vendanges se sont déroulées sous de très belles conditions avec des températures élevées. Les vins du millésime 2007 présentent donc de belles structures, le long cycle végétatif permettant le développement d’arômes complexes et profonds. 2007 sera sans nul doute un très beau millésime pour ceux qui auront su gérer des conditions météorologiques totalement inédites. (note d’Etienne Sipp : « Oh, que oui ! »)
Le vin :
Comme pour le 2006, la robe est jaune claire avec des reflets verts. Le nez est très intense, sur les fruits (agrumes, mangue), une très belle minéralité (à nouveau) et une légère pointe de sucre résiduelle. En bouche, on retrouve cette très belle acidité des 2005 et 2006, avec aussi tous les autres éléments de ces deux vins mais, ici, de façon non encore structurée, un peu comme si ces éléments étaient les composantes d’un Rubik’s Cube qu’il fallait encore mettre en place. Cette impression du tout est là mais doit encore fusionner se retrouve souvent sur les rieslings prometteurs de 2007. Pas d’amertume sensible, non plus. Un beau vin donc plein de promesse dont les appréciations sont contrastées toutefois par le fait, je pense, que beaucoup n’on pas l’occasion de goûter des vins aussi jeunes et en ont été perturbés. Il faut, dans ce cadre, noter que ce millésime n’est pas encore commercialisé au domaine.
Appréciations : 15,0 - 15,0 - 13,0 - 12,0 - 14,0 - 13,0 - 13,0 - 14,0 - 15,0 - 15,0 - 16,0 - 15,5
2005 le retour
Le sérieux du début de la dégustation s’étant effacé au profit d’une plus grande convivialité, il fallait penser en fin de soirée (ou en début de nuit?) à remplir définitivement ces petits ventres que le côté sportif de la dégustation avait mis en famine. La maîtresse de maison nous proposait des flammekueche « maison » (original, non ?), il fallait encore les accompagner en beauté.
On a donc choisi de revenir sur le 2005 pour une petite comparaison entre le grand Cru Kirchberg, le Grand Cru Osterberg et le lieu-dit « Steinacker ». Sans vouloir rentrer dans les détails, le Kirchberg y a gardé une position de vainqueur par sa puissance mais aussi sa minéralité. L’Osterberg a quant à lui beaucoup plu, tout en se comportant plus en rondeur et avec plus de perception de fruit sans être variétal pour autant. On peut aussi l’attendre plusieurs années. Le Steinacker n’a pas déplu mais nous a paru exprimer plus de jeunesse, probablement à cause de l’âge des vignes plus récemment plantées ici, pensons-nous. Il est indéniablement à consommer plus tôt.
Pour terminer le Kirchberg semblait aussi se marier le mieux avec les Flamiches.
Conclusions
On sentait tout d’abord que le fait d’avoir une si belle verticale tirait un peu l’ambiance locale vers le « sérieux », peut-être aussi amplifié par le fait que l’organisateur angoissé que je suis avait mis les petits plats dans les grands pour que tout se passe parfaitement … on était donc loin de la gauloiserie du style Patrick Sébastien. C’est forcément rassurant mais cela explique que les appréciations ont été assez tendues… nombreux participants m’on en effet avoué, les deux jours suivants, leur impression de sévérité.
On peut aussi discuter ici du choix de commencer par les vins les plus jeunes. Beaucoup auraient souhaité le contraire mais je pense personnellement que ceci n’apporterait en discussion approfondie qu’un carrousel de plus dont la Belgique est habituée voire friande.
Pour en revenir à la dégustation en elle-même, Etienne et Martine Sipp nous avaient demandé de nous exprimer sur la présence ou non d’une trame commune à tous ces vins. Il s’agit d’une question intéressante dont la réponse sera en fait la conclusion de tout ceci :
A la question …la réponse est clairement et unanimement : NON.
MAIS…
Les vins les plus anciens nous ont paru marqué par le cépage avec une abondance de perceptions citriques tant au nez qu’en bouche, surement jusqu’en 1997. Les trois millésimes suivants présentent déjà plus de profondeur et de complexité et semblent annoncer un changement de style.
Ce changement de style se confirme tout à fait dès le 2001 et n’arrête pas de proposer de plus en plus de finesse, de salinité et de profondeur qui nous amène nettement plus sur des vins de terroir… et un très beau terroir. Effet de la progression de la conversion au bio dans le domaine… plus que probablement ?
Mais on sent aussi la derrière la patte humaine avec une volonté très importante de progression, auxquels tant Etienne que Martine sont terriblement attachés.
Un domaine plus qu’à suivre et surtout à visiter impérativement lors de votre prochain passage en Alsace.
Sources
Le fabuleux site web de Martine et Etienne Sipp (www.sipp.com) ; rencontres et dégustation avec les viticulteurs, le site web oenoalsace.com (particulièrement pour les commentaires des millésimes, notamment ceux de O. Humbrecht) ; le Grand Atlas des Vignobles de France (Benoît France); … et beaucoup d’autres lectures, de détours sur les forums DC et LPV.
Informations sur le domaine
Domaine LOUIS SIPP
5, Grand Rue
68150 Ribeauvillé
Alsace
France
Tél : +33 (0)3 89 73 60 01
Fax : +33 (0)3 89 73 31 46
Web : http://www.sipp.com/
Mail: etienne@sipp.com et/ou martine@sipp.com
Grand parking accessible toute l’année dans la grande cour intérieure. Cave ouverte aux visiteurs le week-end et certains jours fériés. Prise de rendez-vous recommandée!