Agathe Bursin - Découverte des 2008 et certains 2007
Le Domaine
S'il y a bien un domaine où j’entends suivre à fond l'évolution, c’est celui d’Agathe Bursin, tant accueil, gentillesse, passion et finesse sont fusionnels dans le personnage d’Agathe et de ses vins. Vous me pardonnerez donc certaines allégories quand je parle de ce domaine… et si vous avez la chance de passer par là, Agathe vous recevra toujours avec bonheur dans la grande salle de la maison familiale, un ancien restaurant à Westhalten.
Historiquement, la famille Bursin vendait ses raisins au négoce et rien ne destinait plus particulièrement la jeune Agathe à devenir vigneronne à temps plein, si ce n’est une passion dévorante depuis toute petite pour la dégustation des vins, la nature et la cuisine familiale.
Après un baccalauréat scientifique, un BTS viticulture-œnologie suivis d’un diplôme National d’œnologue et un DESS en Droit de la vigne et du vin, le tout assorti d’un stage en Bourgogne, la jeune vigneronne (33 ans cette année) a produit son premier millésime en 2000 et travaille encore aujourd’hui avec sa toute petite équipe familiale, aidée de son chat « Roussanne ».
Agathe possède un peu plus de 4 hectares dont un tiers sur le grand cru Zinnkoepflé, et le reste sur les environs de Westhalten (Lutzentahl, Distelberg, Bollenberg et Pfingstberg).
Quelques nouvelles parcelles achetées en 2007 sur le Zinnkoepflé lui permettent d’un peu augmenter sa microscopique production de rieslings grands crus. Tous les cépages alsaciens se retrouvent dans sa production.
Tout en suivant les principes de biodynamie sur une grande partie de ses parcelles, Agathe n’adhère pas particulièrement à l’une ou l’autre philosophie, son but restant d’être le plus proche de la nature en respect avec celle-ci. Le domaine dispose d’une petite cuverie moderne, permettant la vinification et l’élevage de petites quantités.
Les pinots noirs sont élevés en pièce bourguignonne.
A l’exception du pinot noir, les vins sont donc élevés en cuves et ne font généralement pas ou peu la malo (20% en 2007 sur As de B et Sylvaner classique ; 0% en 2008).
Agathe produit ses vins pour une clientèle d’habitués qui, vu la faible production, doivent faire l’objet d’une réservation.
Bien que certains commentaires précédents sur ses sylvaners aient eu tendance à exprimer le contraire, elle soufre extrêmement peu ses vins, le SO2 total ne dépassant rarement 85 et 100 mg/l principalement au soutirage et à la mise, ne laissant transparaître après la mise que maximum 45 mg/l de soufre libre, ce qui est extrêmement peu perceptible pour la plus grande moyenne des dégustateurs, je pense..
Cette précision peut paraître technique mais Agathe, je pense, tenait beaucoup à ce que quelqu’un la mentionne.
Les vins s’expriment le plus souvent secs, et ce, évidemment en fonction du millésime, même si certaines cuvées expriment plus de sucre, comme l’atypique Sylvaner « Eminence », dont l’esprit rejoint la philosophie allemande de vinifier ce cépage sans atteindre toutefois les normes germaniques (20 gr de sucre résiduel et 12,5% d’alcool chez Agathe contre 100 gr et 6-7 degrés chez nos voisins germains).
Concernant enfin les AOP/AOC, Agathe veut s’inscrire dans une discrète évolution quelque part entre tradition et philosophie de Jean-Michel Deiss. Dans ce contexte, les nouvelles étiquettes font plus de part belle au terroir par rapport au cépage que précédemment.
En dehors du vin, Agathe est une passionnée par la nature, la musique et la poésie (Chant choral) et n’hésite pas à se mesurer aux flots démontés du canyoning. Sa gourmandise vis-à-vis du chocolat est tout aussi indéniable. Elle est aussi passionnée d’accords mets-vins dont un suprême de volaille au citron confit, avec de la semoule et une petite ratatouille, le tout servi avec son compagnon idéal, un riesling Grand Cru Zinnkoepflé ainsi qu’un dessert au chocolat assorti d’un Châteauneuf du Pape, non sans dénier son plat favori, la tarte flambée maison.
Coordonnées
11, rue de Soultzmatt
68250 Westhalten
Tél. : 03 89 47 04 15
La Dégustation
Comme souvent, cette dégustation a été l’occasion pour beaucoup de forums boys belges de faire connaissance ou de se rencontrer à nouveau, le tout, dans un esprit que je trouve au fil des mois de plus en plus convivial.
Ont participé à l’aventure : Geoboy, Gobt, Fvdb, DidierD, Jehan, Jeff, Hédoniste, François Chavalle, Laurent Labouré, Patrick Decaigny et votre serviteur.
Certains vins ont été dégustés uniquement lors de ma visite au domaine en juillet ; pour ces derniers au lieu d’une cote sur 20, je ne donne que mon appréciation générale. A l’exception du pinot noir, tous les vins ont été servis à l’aveugle à environ 9°C.
Comme je l’ai indiqué plus haut, le but de notre dégustation était de découvrir les vins d’Agathe, comme ils sont proposés actuellement au domaine, soit les secs 2008 et les VT ainsi que le pinot noir 2007.
Globalement, si les deux millésimes ont certains points de convergence, tous les deux étant marqués par l’acidité et les sucres résiduels, on peut dire qu’au domaine, comme à beaucoup d’autres endroits, 2008 est plus marqué encore dans ces deux axes, avec un pH moyen plus bas de 0.3 unités en 2008 par rapport à 2007 avec certains vins descendant sous la barre de 3.
Pinot Noir Strangenberg 2007 ; 12,80 euros (domaine) ; note : 14,1/20 +- 0.6
Issu du Strangenberg, terroir calcaro-gréseux sur la faille de Guebwiller - 20 mois d'élevage en barriques neuves à 2 ans.
La robe est rouge assez foncé. Au nez, le vin d’abord discret exprime ensuite de beaux fruits rouges sans présence notable d’alcool ni de bois. Une petite pointe de verdeur est cependant à mentionner. Globalement, cela reste, comme pour le 2006, très plaisant avec un joli côté bourguignon. En bouche, on retrouve les fruits rouges ainsi que des noirs, une larme de torréfaction, le tout supporté par une très belle acidité qui apporte beaucoup de fraicheur. Certains dégustateurs ont noté une pointe d’amertume ou d’alcool, ce n’est pas mon cas. Belle longueur sans atteindre des sommets non plus. A noter, une très belle unanimité dans le groupe.
Muscat 2008 ; 11.20 euros (domaine) ; note : 14,7/20 +- 0,8
Vin issu d’une vigne de 45 ans sur le nord-est du Bollenberg, orientée vers l’Ouest et plantée à 80% de muscat Ottonel ; 3 gr de sucres résiduels.
La robe est jaune doré avec des reflets verts, bien nette. Le nez est net lui aussi avec des notes florales qui accompagnent les notes typiques du muscat proches du raisin de Corinthe très marquées. En bouche, le vin est très bien équilibré entre la vivacité de l’acidité, la douce rondeur des sucres et un beau fruit, croquant. La texture nous fait penser à un vin sec et la longueur est de bonne tenue. Un beau vin d’apéritif, que l’on pourra aussi associer au asperges et qui a fait, ici aussi, une belle unanimité dans l’appréciation du groupe.
Parad’aux 2008 ; 7 euros (domaine) ; non dégusté par le groupe
Pinot blanc auxerrois 100% ; 5 gr de sucre résiduel
La robe est jaune-pâle bien claire. Le nez exprime une belle fraicheur avec beaucoup de floral (chèvrefeuille, lilas, acacia) et des fruits blancs. En bouche, la structure est assez belle, principalement assise sur l’acidité citrique et où l’on retrouve les notes florales très agréables. On retrouve une toute fine note de résiduel, probablement perçue parce que le taux de sucres était connu d’emblée, note qui donne du volume à la bouche. La longueur, très fraiche est appréciable. Bien
Riesling Distelberg 2008 ; 8 euros (domaine) ; note : 14/20 +- 1,1
Terroir de grès rose - 1 à 2 gr de résiduel
La robe est jaune claire et le nez est intense et à nouveau très frais avec des notes variétales (pamplemousse rose, citron) ainsi que florales et des agrumes. En bouche le vin est d’abord massif, puis se resserre et enfin se réouvre massivement sur l’acidité très droite pour enfin faire retransparaitre les agrumes rouvrir. La finale, de bonne tenue reste marquée par l’acidité. Droite et vive.
Difficile de concevoir ce vin seul, l’association avec un met paraissant évidente. Au niveau du groupe, l’acidité a été sélective, trop dure pour certains, prometteuse pour d’autres.
Riesling GC Zinnkoepflé 2008 ; 14.5 euros (domaine) ; note : 15,4/20 +- 0,7
Vin issu du Zinnkoepflé (principalement en haut du versant est), terroir de calcaire coquiller du Muschelkalk avec des incrustations gréseuses ; coteaux jusqu’à 430 mètres très pentus exposés sud sud-est avec une des plus faibles pluviométries de la région ; sucres résiduels : 5-6 gr ; pH = 2.84 !!!
La robe est jaune-vert doré. Au nez, le vin est d’abord plus fermé que son petit cousin Distelberg, puis s’ouvre sur des agrumes et beaucoup de salinité calcaire avec des notes empyreumatiques, fumées et iodées ainsi que légèrement lactées. Tout cela s’exprime finement et en fait un vin très aérien. En bouche, c’est très équilibré et l’acidité est déjà bien fusionnelle avec le fruit et les sucres résiduel, le tout pour donner une belle impression de fraicheur avec une longueur très prometteuse.
Sylvaner Lutzental 2008 ; 6.6 euros (domaine) ; non dégusté par le groupe
Terroir de calcaire gréseux caillouteux, exposé assez fort aux vents ; 1,3 gr de résiduel ; pH : 3.34
Le nez est discret puis s’ouvre sur un côté très citrique et une pointe de verdeur, faisant penser plus à un vin variétal que de terroir. En bouche, l’acidité, assez intense, imprime beaucoup de fraicheur mais a tendance à masquer le reste. La longueur est moyenne. Par sa fraicheur, c’est un vin incontestablement de soif mais Agathe le conseille plus à placer sur un repas. Moyen
Sylvaner Eminence 2008 ; 14.5 euros (domaine) ; note : 16/20 +- 0,8
Vin issu de parcelles uniquement sur le GC Zinnkoepflé (voir Riesling GC), +- 20 gr de résiduel
La robe est jaune-vert clair. Après quelques secondes de fermeture, le vin s’exprime avec un nez très subtil, très pur avec des notes d’agrumes, florales et une minéralité très présente avec à nouveau beaucoup de fumé et d’iode. En bouche, c’est très équilibré entre la fraicheur et le fruit, le tout pour emballer une très belle longueur. A mettre à l’apéritif ou sur des plats plus évolués comme un foie poêlé.
Belle garde au programme et un vin qui a fait l’unanimité à la fois dans l’évaluation et dans le fait que pour beaucoup, il s’agit là du coup de cœur de la soirée. A noter que ces compères de 2005, 2006 et 2007 avaient reçu des notes de 14 à 15/20 dans la dégustation « sylvaner : le tour de la question publié précédemment sur ce forum. On est donc ici un cran au-dessus.
Pinot Gris 2008 ; 9 euros (domaine) ; non dégusté par le groupe
Sur le Pfingstberg mais hors GC vu que les parcelles sont sur une exposition nord-est non incluse sur le Cru avec une structure de grès rose en vague et de calcaire - 2 à 3 gr de résiduel
Le vin est assez marqué tant au nez qu’en bouche par une acidité intense et des aromes assez variétaux avec quelques notes de fruits blancs. La longueur m’a paru moyenne, totalement sur l’acidité. Bien
Pinot Gris GC Zinnkoepflé 2008 ; 14.5 euros (domaine) ; note : 13.3/20 +- 0,7
Vin issu du le GC Zinnkoepflé (voir Riesling GC) ; 24 gr de résiduel
La robe est jaune doré-vert bien brillante. Le nez est assez intense à la fois sur des agrumes citriques, du floral et des fruits blancs. En bouche, l’acidité est présente mais nettement moins intensément que pour le pinot gris générique ou le riesling GC, ce qui fait que les sucres résiduels ont tendance à dominer un peu plus, donnant moins de fraicheur au vin, surtout en finale ou une pointe d’amertume (gingembre) est aussi à noter.
Certains dégustateurs on noté, en bouche, des notes de pétale de rose. Le manque relatif de fraicheur de ce vin par rapport au autres explique probablement son évaluation assez faible.
As de B ; 6.3 euros (domaine) ; note : 15,9/20 +- 0,8
Vin issu de la complantation (vins vendangés et pressurés ensemble) de Muscat (5%), Pinot Gris (15%), Gewurz, Riesling, Sylvaner et Pinot Blanc (20%) ainsi qu’un pied de pinot noir sur une parcelle de 50 ans sise sur le Bollenberg (B) ; 9 gr de résiduel ; pH : 3.14
Le nez est intense, très sur le fruit accompagné d’une grande complexité d’autres notes allant du floral à l’empyreumatique. « Ca pète dans tous les sens » as we say in Belgium. La bouche est marquée par l’acidité et la rondeur avec une ampleur inattendue et la longueur est aussi au rendez-vous. Il s’agit là d’un très très beau vin et à ce prix là, faut-il hésiter un instant ?
Riesling GC Zinnkoepflé 2007 VT ; 30 euros (domaine) ; note : 16/20 +- 0,8
Terroir, voir plus haut ; 28 gr de résiduel ; pH = 3.12
Première VT de la soirée, volontairement placée avant les Gewurztraminers pour ne pas se faire écraser par ceux-ci. La robe est jaune doré assez intense. Le nez est d’abord assez fermé puis se développe sur de beaux aromes d’agrumes citriques et de fruits confits, tout en rappelant nettement les notes fumées minérales du terroir. En bouche l’équilibre entre acidité, sucrosité et fruit est purement splendide avec une très belle finesse, le tout se prolongeant idéalement sur une très belle longueur. Grand vin et grande garde en perspective.
Gewürztraminer Lutzentahl 2008 ; 9 euros (domaine) ; non dégusté par le groupe
Terroir de calcaire gréseux caillouteux, exposé assez fort aux vents ; 18 gr de résiduel
Le nez est assez intense, très typé GW avec de la rose et des épices. En bouche, bien que le vin annonce plus d’acidité qu’en 2007, la perception tactile donne plus de sucre ici, ce qui se ressent sur la finale, un peu fade et courte. Moyen
Gewürztraminer GC Zinnkoepflé 2008 ; 14.5 euros (domaine) ; note : 14,1/20 +- 1,2
Terroir, voir plus haut ; 28 g de résiduel
Le nez reste assez variétal avec des notes de pétales de rose, de lychees et une pointe de levure. En bouche, on retrouve le paradoxe acidité/sucre par rapport au 2007 où, si l’acidité est bien présente en attaque, elle a tendance à s’éteindre de plus en plus en fonction du temps, et ce, au profit de sucres un peu trop pâteux. On retrouve toutefois de belles notes épicées en finale. Un vin qui a partagé le groupe, probablement négativement influencé par la jeunesse du vin, d’où l’intérêt de le comparer au 2007, ce qui fut fait (voir ci-dessous).
Gewürztraminer GC Zinnkoepflé 2007 ; 14.10 euros (domaine) ; note : 15,7/20 +- 0.8
Terroir, voir plus haut ; 25 g de résiduel
En fonction des tergiversations sur le 2008 et du fait que ce 2007 avaient en nombreux endroits été portés aux nues, ouvrir cette bouteille revêtait un intérêt particulier. La robe est un poil plus évoluée que le précédent mais on perçoit d’emblée plus de finesse et plus de richesse dans la diversité des aromes. Si le variétal est encore présent, en nettement moindre intensité toutefois, des notes plus fruitées sont bien là (pèche, fruits confits) ainsi que les épices et surtout les notes typiques du Zink (fumé, iode, pierre à fusil). En bouche tout est mieux placé, avec une acidité remarquable de fraicheur (perlante pour l’un ou l’autre), un très bel équilibre et une longueur appréciable sans traces d’amertume. Un très beau vin, une fois de plus !
Gewürztraminer GC Zinnkoepflé 2007 VT ; 25 euros (domaine) ; note : 17,4/20 +- 0.7
Terroir, voir plus haut ; 78 g de résiduel
Tout comme pour sa version en « sec », c’est ici les fruits confits qui dominent au nez balayant les aromes variétaux, fruits auxquels viennent s’ajouter avec bonheur les traditionnelles notes de terroir. En bouche tout est parfaitement mis en place avec une belle fusion entre l’acidité, les fruits (très croquants) et le sucre, le tout avec une longueur phénoménale sur cet équilibre. LA STAR de la soirée.
Gewürztraminer GC Zinnkoepflé 2004 VT ; 22 euros (domaine) ; note : 16,9 +- 0.8
Terroir, voir plus haut ; Résiduel estimé à 50 gr
Petite gâterie pour terminer, le même vin que le précédent mais sur 2004, un millésime que j’ai déniché chez un caviste flandrien. On pourrait facilement pour ce 2004 copier/coller les impressions du 2007, avec une légère note d’évolution, mais considérant ce millésime plutôt difficile, le vin a une tenue remarquable avec beaucoup de fraicheur qui lui laisse encore pas mal de belles années devant lui. Bravo !
Conclusions
La soirée s’est terminée sur deux splendides VT, très abouties qui reflètent bien l’image de leur génitrice : finesse, terroir et équilibre. A l’exception peut-être des pinots gris, un peu décevants ce soir, on peut dire que les qualités susmentionnées peuvent s’appliquer à la grande majorité de la gamme, faisant du millésime 2008, une belle réussite pour Agathe, ou fraicheur, séduction et plaisant sont des maîtres mots.
Une mention spéciale à deux vins à petits prix, l’As de B et le sylvaner Eminence, ainsi qu’à titre personnel, au Muscat.
Les évaluations en parlent d’elle-même, la satisfaction générale était au rendez-vous ! On piaffe d’impatience de refaire cela l’année prochaine, et de terminer ce compte rendu, comme si je tournais une page, j’ai déjà d’Agathe, le blues.