Zind Humbrecht 00, 04 et 06
Préambule
Après avoir tâté des bourgognes 93 et 94, des bordeaux 93, donc pas dans le facile troupier, le tout dans un incessant balai de diner et autres dégustations et salons et en attendant le Grand Tasting, Laurent Attout, le Gaillard de Jodoigne, un de mes potes les plus tordants, me conviait à une dégustation de vins d’Olivier Humbrecht, moins d’une semaine après avoir croisé l’oiseau à Bruxelles, et, à nouveau, (2004 mis à part) sur deux millésimes controversés en Alsace : 2000 et 2006.
Mais pour tâter du Zind, les bornes et la fatigue ne comptent pas, rien que pour enrichir mes noyaux gris de la mémoire de ces trésors alsaciens d’un vigneron, dont certains savent que ce n’est pas vraiment l’idylle entre lui et moi, ses vins mis à part, évidemment..
Un petit rappel des millésimes s’impose avant l’ouverture des hostilités :
Le Millésime 2000
Le millésime 2000 était particulièrement précoce et chaud, tant en été qu’au moment des vendanges, particulièrement sec au moment de celles-ci.
Si les maturités étaient optimales, les acidités étaient plus en délicatesse, de plus, des démarrages de pourriture noble étaient observés, selon les vignobles, tôt, voire même très tôt pendant la période des vendanges.
Le millésime a produit des vins puissants, marqués souvent par l’alcool. Si le millésime était très prometteur pour l’Alsace en 2000, force est de constater souvent que les acidités se sont effondrées pour donner des vins évolués et souvent un peu pâteux.
Olivier Humbrecht décrivait cependant un avenir prometteur à ses vins sur ce millésime, la biodynamie ayant permis une meilleure maîtrise des acidités.
Le Millésime 2004
Comme pour se refaire des agressions subies en 2003, la vigne a rarement été aussi productive qu’en 2004. Après un beau printemps ainsi qu’un début d’été chaud et sec, le mois d’août fut froid et pluvieux ce qui permit d’obtenir de belles acidités lors des vendanges qui, elles, se déroulèrent au chaud et à l’abri des pluies, avec des conditions de maturations proches de la perfection. Le retour des pluies à la mi-octobre empêcha l’obtention de grains nobles intéressants.
Dans de nombreux cas, il semble que le stress de 2003 ait provoqué l’apparition de goûts végétaux (gentiane) surtout perceptibles sur les rieslings mais Olivier Humbrecht, de par ses techniques de culture, assurait que ses vignes n’avaient pas trop souffert de ce stress.
Le Millésime 2006
Caractérisé par des conditions climatiques extrêmes, ce millésime a démarré assez tardivement en raison d’un printemps frais et pluvieux. Les belles journées de juillet et le temps plus frais et humide du mois d’août ont été favorables à la préservation d’un excellent rapport acidité/sucres. A la fin de l’été, les maturités étaient bonnes avec des acidités élevées mais les vendanges ont été contrariées par une période pluvieuse et chaude conduisant souvent à accélérer les récoltes à cause des éclatements potentiels des baies et obligeant dans de nombreux cas à trier en profondeur. Malgré cela, chez les meilleurs vignerons, ce millésime très difficile dévoile toutefois de très bonnes surprises avec de fortes variations selon les terroirs.
Le terme de millésime de vigneron semble convenir au mieux aux vins d’Olivier Humbrecht, celui-ci ayant pris le pari, quand il le pouvait, d’attendre et fût récompensé par une période plus sèche en fin de vendanges, principalement sur les meilleurs terroirs.
La dégustation
A propos des valeurs affichées
La valeur de l’alcool acquis est prise en fin de fermentation. L’indice donné par le domaine décrit le niveau de sucrosité au palais et n’est pas obligatoirement lié au taux de sucres résiduels. « 1 » correspond à un vin techniquement sec, alors que « 5 » correspond à un moelleux proche de la VT. Ces valeurs ont été prises à partir des notes d’Olivier Humbrecht sur les millésimes.
Tous les vins sauf le PG Windsbuhl 2004 ont été dégustés à l'aveugle
1. Appellation Vin de Table de France "Zind"
Assemblage de Chardonnay (65%) et d’Auxerrois (35%) plantés dans le Clos Windsbuhl (Hunawihr). Fermentation et élevage en foudres traditionnels, sans bois neuf, et sur lies totales.
Age moyen des vignes en 2006 : 24 ans, Surface : 2.4 ha, Terroir : calcaire muschelkalk
1.1 Zind 2006
Mise : 7/ 2007, Alcool acquis 12.5°, Sucres résiduels : 3 g/l, Rendement : 59 hl/ha, Indice 1 ; 16,9 euros
La robe est jaune dorée. Le nez d’abord très fermé (le vin était un peu froid) s’ouvre ensuite sur des fruits jaunes (abricots, coing), quelques fruits blancs et des notes florales plus complexes. Bien que non issu de fût neuf, on a une petite perception de bois. En bouche, l’acidité parait un peu en retrait, mais le vin est équilibré avec à nouveaux des fruits jaunes, une belle salinité mais une finale trop influencée par l’amertume. (14/20)
2. Appellation Alsace, Mention Turckheim
Age moyen des vignes en 2006 : 23 ans ; Surface: 1.3 ha ; Vin provenant de parcelles de jeunes vignes du Brand et de parcelles du Clos Jebsal. Terroir: granite et marnes.
2.1. Riesling Turckheim 2006
Mise : 2/2008 ; Alcool acquis : 14° ; Sucres résiduels : 4.1 g/l ; Rendement: 42 hl/ha ; Indice 1 ; 19,40 euros
Le vin est plus clair que pour le « Zind », conforme à ce que l’on retrouve généralement sur les 2006. Le nez est à nouveau assez fermé puis s’ouvre sur beaucoup de fruit, principalement agrumes et à nouveau des notes plus complexes florales.
En bouche, l’acidité est nettement marquée à l’attaque puis le vin trouve son équilibre avec des fruits citriques (pamplemousse, mandarine et citron) le tout sur une impression plutôt de droiture que d’opulence. Sur la finale, moyenne en longueur on retrouve les amers. (14/20)
2.2. Riesling Turckheim 2000
Mise : 9/2001, Alcool acquis : 13.5°, Sucres résiduels : 13 g/l, Rendement : 57 hl/ha ; Indice 2 ; 20,70 euros
La robe est jaune dorée, presque tuilée. Le nez est plus puissant, très évolué où les notes de cire d’abeille écrasent et perturbent un peu. Derrière ce mur d’apiculture, on retrouve toutefois des épices, des fruits secs et une pointe d’alcool un peu perturbante.
La bouche est bien équilibrée entre la fraicheur et le gras, avec toujours la cire d’abeille et les épices. Si la longueur est imposante, elle l’est principalement sur l’amertume. Un peu décevant. (12,5/20)
3. Appellation Alsace, Mention Gueberschwihr
Age du vignoble en 2006 : 32 ans ; Surface : 1.2 ha ; Terroir : Argilo-calcaro-siliceux, exposé est et sud. Faible pente. Issu d’un assemblage de 8 parcelles, situées autour du village de Gueberschwihr avec un climat plus tardif.
3.1. Riesling Gueberschwihr 2006
Mise : 2/2008; Alcool acquis : 13.5° ; Sucres résiduels: 7 g/l ; Rendement 34 hl/ha ; Indice 1 ; 19,34 euros
La robe est jaune vert assez claire. Le nez est assez intense avec des fruits citriques bien murs, une très grosse impression de floral et une pointe de sucrosité avec des côtés mielleux.
La bouche est construite autour de l’acidité, très droite mais qui ne tue pas le fruit. On note aussi un peu de torréfaction. C’est très soyeux et la finale, assez longue, est agréable avec une amertume noble et un côté surmaturé qui donne à ce vin un beau caractère de gastronomie. (15,5/20)
3.2. Riesling Gueberschwihr 2004
Mise : 2/2006; Alcool acquis : 14° ; Sucres résiduels: 8.6 g/l ; Rendement 70 hl/ha ; Indice 1 ; 22 euros
La robe est jaune dorée intense. En bouche, on a aussi beaucoup d’intensité avec un vin à la fois sur les fruits jaunes et très minéral, assez germanique.
En bouche, on retrouve ce côté puissant, avec avant tout une acidité très marquée, presque perlante, une impression de vin très sec sur le minéral, archétype d’un vin sec avec une énorme longueur en finale sur la fraicheur et le fruit. Très beau vin. (17/20)
3.3. Riesling Gueberschwihr 2000
Mise : 9/2001, Alcool acquis : 12.4°, Sucres résiduels : 7 g/l, Rendement : 65 hl/ha ; Indice 1 ; 24 euros
La robe est jaune or ambrée. Le nez est évolué, complexe et austère à la fois, avec de nouveau les notes de cire d’abeille mais aussi un côté végétal avec de la gentiane comme on en trouve sur certains 2004 at des notes florales (chèvrefeuille).
En bouche, l’acidité est fort en retrait et l’équilibre est déplacé vers un fruit très amer. La finale est elle aussi amère et fait trop penser à de de l’écorce d’agrumes. (13/20)
4. Appellation Alsace, Lieu-dit Clos Windsbuhl
Age moyen des vignes en 2006 : 29 ans ; Surface : 2.2 ha ; Terroir : Calcaire muschelkalk fissuré exposé sud ; sud-est au climat assez froid permettant des maturités plus tardive.
Mise : 7/2007 ; Alcool acquis : 13.5° ; Sucres résiduels: 49 g/l ; Rendement : 30.4hl/ha ; Indice 4 ; 33 euros
La robe est jaune-or soutenu, brillante. Le nez est très puissant, avec une grosse personnalité où on retrouve des notes encaustiques et une forte impression de champignon. La bouche est plus souple que puissante avec une belle acidité et un milieu de bouche liquoreux qui arrondit fort le vin. La finale est plus sur la sucrosité que l’alcool, d’une assez belle longueur toutefois. J’ai tout de même du mal à retrouver le terroir. (14/20)
4.2. Pinot-Gris Clos Windsbuhl 2004 *
Mise en bouteille : 02/2006 ; Alcool acquis : 14.1° ; Sucres résiduels: 28 g/l ; Rendement : 35hl/ha ; Indice 2 ; 36 euros
La robe est d’un bel or brillant et soutenu. Le nez est frais et complexe avec des notes grillées, minérales et des fruits secs (amandes, raisins de Corinthe) et aussi des notes de café/cacao. C’est superbe ! En bouche, on retrouve la dualité fraicheur/rondeur avec toujours ces notes de fruits secs et ces touches cacaotées. L’alcool est présent mais jamais imposant, les sucres sont déjà en train de s’intégrer. La finale est exceptionnelle sur les aromes de bouche et la fraicheur, le tout sur un lit de sucre candi. Vin sublime ! (19/20)
* vin dégusté pendant la rédaction du CR, sans le groupe.
4.3. Pinot-Gris Clos Windsbuhl 2000
Mise : 9/2001, Alcool acquis : 14.7°, Sucres résiduels : 11 g/l, Rendement : 42hl/ha, Indice 4 ; 16,9 euros ; 42 euros
La robe est très évoluée, jaune légèrement tuilé. Le nez est complexe, sans extravagance, avec une jolie perception d’orangettes, du champignon et des fruits blancs. La bouche est très droite, c’est surprenant, avec une acidité marquée, une impression globale de vin sec, même si l’alcool arrondit un peu les angles. La finale est assez belle, longue ; ce serait parfait s’il n’y avait pas l’amertume un peu trop présente à l’inverse du 2004. (15/20)
4.4. Gewürztraminer Clos Windsbuhl 2006
Mise : 7/2007; Alcool acquis : 14.5° ; Sucres résiduels : 32.2 g/l ; Rendement : 38hl/ha ; Indice 3 ; 37 euros
La robe est assez claire pour ce cépage avec des reflets dorés. Le nez se développe doucement et évite les aromes variétaux pour offrir une complexité tout en retenue avec un beau floral.
La bouche propose une acidité fine qui rafraichit doucement un palais assez marqué par le liquoreux et les épices, ainsi que par un beau caractère de terroir. La finale est longue, pas trop sur l’alcool. Un très beau vin. (17/20)
4.5. Gewürztraminer Clos Windsbuhl 2000
Mise : 9/2001, Alcool acquis : 15°, Sucres résiduels : 15 g/l SR, Rendement : 35hl/ha, Indice 4 ; 42 euros
La robe est dorée avec de l’évolution. La bouche est complexe avec une minéralité qui domine, avec à nouveau, une absence des arômes variétaux (rose, lichies). La bouche est droite, marquée par la fraicheur, avec un milieu de bouche aérien absolument pas marqué par le sucre ni l’alcool. La finale est longue, bien qu’un peu austère et faisant trop ressortir les amers. (16/20)
5. Appellation Grand Cru Brand
Age moyen des vignes en 2006 : 56 ans ; Surface : 1.6 ha, 100% Riesling ; Terroir: granite biotite exposé sud, sud-est. Forte pente.
5.1. Riesling Brand 2006 Vendange Tardive
Mise : 7/2007 ; Alcool acquis : 12°; Sucres résiduels : 69.5 g/l ; Rendement : 21hl/ha ; 51,3 euros
La robe est dorée, dense. Le nez est très pur, à des lieues d’un vin liquoreux sur la surmaturité. Il est marqué par le les fruits, assez confits mais d’une énorme fraicheur, ainsi que des notes mielleuses. On s’y plongerait. La bouche est très fraiche avec une acidité soutenue qui maitrise et tempère les sucres pour donner beaucoup de plaisir et de croquant. La finale est kilométrique, fraiche et saline. (Où sont donc les 70 gr de sucres ?) De la « Pisse de Jésus » ! Exceptionnel. (19,5/20)
6. Appellation Grand Cru Hengst
Age moyen des vignes en 2006 : 55 ans ; Surface : 1.42 ha ; Terroir : Marnes calcaires de l’oligocène, exposé sud sud-est, pente moyenne à forte.
6.1. Gewurztraminer Hengst 2006 Vendange Tardive
Mise : 7/2007; Alcool acquis : 14.5° ; Sucres résiduels : 74.6 g/l ; Rendement : 19 hl/ha ; 65 euros
La robe est dorée, concentrée. Le nez est à la fois riche, puissante et d’une grande complexité où on retrouve des épices, des fruits exotiques et une foule d’autres arômes secondaires. La bouche est fraiche mais avec une acidité plus retenue que pour le Brand, un moelleux plus intense avec aussi des côtés salins. Cela paraît toutefois très (trop) jeune en l’état et aurait bien mérité une dizaine d’années d’attente. (16/20)
7. Appellation Clos Jebsal
Age moyen des vignes en 2006 : 23 ans ; Surface : 1.3 ha ; Terroir : Marnes grises et gypse. Exposé sud, terrasses et forte pente.
7.1. Pinot-Gris Clos Jebsal 2006 Vendange Tardive
Mise : 7/2007; Alcool acquis : 14° ; Sucres résiduels: 113.6g/l ; Rendement : 23 hl/ha ; 65 euros
La robe est dense, très grasse. Le nez est d’une puissance inouïe, le plus botrytisé des trois avec des notes plurielles de cacao, de fruits confits et un côté miel brut très net. On est pas du tout dans le registre de la finesse soyeuse du Brand mais la richesse est ici prometteuse de longues décennies de vieillissement. la bouche confirme cette impression, bien que l’acidité arrive à structurer l’opulence du moelleux, ce qui place plus le vin sur le registre de la fraicheur que de la lourdeur. La finale est énorme. Trop jeune, mon fils… (18/20)
Conclusions
Globalement 2000 confirme qu’il n’est pas le grand millésime présenté il y a 9 ans et que le responsable en est le déficit en acidité. Il faudra suivre de près 2009 à ce sujet. Cela dit, il faut reconnaître à Olivier Humbrecht de trouver de la fraicheur là où de nombreux collègues n’ont pu le faire. Main du maître, maîtrise de la biodynamie ? Un peu des deux sûrement. Le seul point vraiment négatif, je trouve, sont ces notes de cire d’abeille, too much, surtout sur les vins de village.
Pour 2006, c’est un peu le contraire depuis quelques mois. Annoncé très difficile au moment des vendanges, il faut reconnaître que les vins réussis sont très loin de manquer d’intérêt, proposent beaucoup de fruit et de très beaux équilibres.
Les 2004 n’étaient pas présents en masse dans la dégustation mais on sent la qualité et l’ouverture actuelle. Ces vins devraient être de plus en plus intéressants dans les 5 prochaines années. Concernant les aromes de gentiane… pas une trace dans les vins goûtés ; à nouveau est-ce l’homme, le terroir ou les deux à qui il faut attribuer la responsabilité ?
Côté terroir, c’est une obsession chez moi, mais je reste persuadé que le Clos Windsbuhl est un des plus grands marqueurs alsaciens. Quelque soit le millésime, les vins sont ici les plus brillants avec des pinots et des gewürztraminers pratiquement absents de variétal. Du tout beau. Brand, aussi, est semblable à lui-même, plein de personnalité, bien que je trouve que, comparé à ceux de Boxler et Josmeyer, ceux de Zind gagnent souvent la palme en fraicheur et en complexité. Une dernière confirmation sur les sucres est que rien ne remplace le riesling en VT.
Un tout grand coup de chapeau, une fois de plus, au géniteur de ses vins, et un énorme à mon Gaillard de Laurent pour cette intéressante et splendide dégustation.
4.1. Pinot-Gris Clos Windsbuhl 2006