Vino Nobile di Montepulciano
1. A propos de Montepulciano
Montepulciano est située au cœur de la Toscane, dans la province de Sienne. La ville, d’une population de 14500 habitants s'étire le long d'une étroite crête de grès, dominant deux vallées à une hauteur de 605 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les origines de Montepulciano sont très anciennes, puisque le site semble avoir été occupé par les Étrusques, comme beaucoup de sites de la région où ils prospéraient. Néanmoins, la ville actuelle trouve son origine au 6e siècle, fondée par des habitants de Chiusi afin de se protéger des invasions en cherchant de la hauteur. Ils lui donnèrent le nom de Mons Politianus qui explique celui de ses habitants : les Poliziani (Politiens).
Cette petite ville dont l'architecture est marquée par le style de la Renaissance attire de nombreux touristes pour la beauté de ses ruelles et la vue sur la Toscane et l’Ombrie du haut de ses remparts impressionnants. Si son Duomo, chef d’œuvre du début de la Renaissance occupe fièrement la Place Haute et que la ville renferme des palais somptueux, une des attractions architecturales principales est, extra muros, L'Église San Biagio, considérée comme l'une des plus belles églises de la Renaissance italienne.
L’autre attraction de la ville est sans conteste son vin pour lequel, elle a reçu la DOCG Vino Nobile di Montepulciano.
2. A propos des Vini Nobile di Montepulciano
Les origines du Vin Nobile di Montepulciano sont très anciennes et intimement liées à l'histoire de Montepulciano, la présence de caves parfaitement intégrées dans le centre historique en est le témoignage plus évident. L’histoire commerciale de la ville atteste que déjà en 1350, des normes et des clauses furent établies aux fins du commerce et de l'exportation du Vin Nobile de Montepulciano. Dans la seconde moitié du 14e siècle, le pape Paul III loua les qualités du Vin Nobile et sa réputation s’étend sur toute l’Italie. A partir du 18e siècle, la renommée du Vin Nobile rejaillit au-delà des frontières nationales, en France, puis en Europe et puis aux Etats-Unis.
L’appellation Vino Nobile di Montepulciano DOCG a été obtenue en 1980, après que, dès 1966, les termes de productions avaient été définis. La zone de production s’étend sur 670 hectares du territoire communal et sur les hauteurs entre 250 et 600 mètres, avec une exposition Est-Sud-est. Les sols sont principalement argilo-sablonneux avec des incrustations de grès.
La température moyenne est de 14°c (les hivers sont froids) et les précipitations sont de 740mm en moyenne.
Plus ou moins 50 producteurs se partagent l’appellation. Parmi le plus connus, Avignonesi, Poliziano, Boscarelli et Dei.
Le Vino Nobile di Montepulciano est un vin rouge issu principalement d’une variété du Sangiovese, le «prugnolo gentile» (minimum 70%) pouvant être associée au Canaiolo Nero (10 à 20%) et de petites quantités de « Mammolo » et « Colorino », cépages locaux. Les cépages français sont aussi tolérés dans l’assemblage.
Le vin est élevé au moins trois ans dont minimum un an en présence de bois (sans restriction, neuf, foudre, barrique) pour les Vino Nobile di Montepulciano classiques, deux, pour les Riserva et trois pour les Riserva Speciale, le reste peut l'être en bouteille. Le degré d’alcool minimal est de 12,5% et rendement maximum autorisé de 56 hl/ha
Sur les 10 dernières années, cette appellation a bénéficié d'un nombre important d'années exceptionnelles. Ainsi, 1999, 2001, 2005, 2006 et 2007 sont à considérer comme de très grandes années, 2008 devrait être sur la même tendance. Les années à éviter sont 1998, 2002 et 2003
Quand le vin n’atteint pas la qualité souhaitée, il est rétrogradé en Rosso di Montepulciano.
Prugnolo Gentile
3. Caractéristiques des vins
Les Vino Nobile di Montepulciano sont généralement d’une robe rubis foncé avec des reflets violets. Au nez, on retrouvera des fruits rouges, de la violette, de la cerise et une touche d’arômes forestiers. En bouche, les vins sont souvent ronds, avec une acidité marquée, forts marqués par le fruit avec des tanins souples et plaisants et une longueur plus qu’appréciable. Certains domaines comme Dei visent plus la concentration et une structure tannique importante alors qu’Avignonesi recherche des vins plus modernes, plus marqués par l’élevage. On estime la garde moyenne de 8 à 14 ans.
4. La Dégustation
Le but de la présente dégustation est de comparer 12 des meilleures références de l'appellation, sans toutefois aller rechercher des cuvées spéciales, des Riservas ou autres super-toscans, mais bien le vin, comme il se vent le plus classiquement sur place, le plus souvent dans le but d'être associé à un repas.
Remerciements à l’Enoteca « Dolce Vita » à Montepulciano pour les nombreux conseils et pour la majorité des vins proposés ici.
Les vins ont été ouverts à 16H00 et laissés dressés à +- 16°C. Ils ont été ensuite carafés au moins 3/4 heure avant le service.
Fassati « Gersemi » 2004 (17 euros)
Prugnolo Gentile 90 %, Merlot et Cabernet Sauvignon 10%
La robe est rubis assez soutenu avec des traces d'évolution. Au nez, le vin semble assez ouvert, très sur le fruit rouge avec des côtés sanguins, prune et une légère impression de poussière. En bouche, si l'attaque est fraiche, on part sur un équilibre où la rondeur est un peu effacée au profit d'une impression de vieux vin avec des tanins souples mais légèrement asséchants. La longueur est acceptable. Un vin assez classique, bon, sans plus. 13/20
Luna d’Oro 2005 (14,5 euros)
Prugnolo Gentile 100 % - Biodynamie
La robe est rubis assez foncé. Le nez est nettement plus puissant que le vin précédent avec des notes grillées, de cacao et un fruit rouge assez évolué, proche de la liqueur de fruit. En bouche, dès l'attaque, l'acidité rafraichit puis porte bien l'équilibre sur un beau fruit assez gourmand. La finale est plus sanguine, ferreuse, assez souple et d'une belle longueur. Un très beau vin avec un rapport qualité-prix qui interpelle. 15/20
La Braccesca 2005 (16 euros)
Altitude 280-300m - Prugnolo Gentile 80%, Merlot 15%, Canaiolo Nero, Mammolo et Cabernet Sauvignon 5% - Appartient à Antinori
La robe est semblable au vin précédent mais le nez est plus fermé. Quand il s'ouvre c'est pour partir sur des notes plus charnues de fruits rouges, de la menthe, un peu de floral et petit côté résine. En bouche, l'acidité est présente, sans dominer, tout en finesse, comme tout le reste des impressions qui donnent une sensation de grande légèreté. C'est extrêmement buvable, et si l'alcool ne venait pas jouer les trouble-fête en finale, ce vin aurait été des plus charmeurs et plaisant. 14/20
Val di Piatta 2005 (18,5 euros)
Altitude 250-600m - Rendement 35hl/ha - Prugnolo Gentile 85%, Canaiolo Nero 15%
La robe est rubis, très dense. Si le nez est d'emblée à nouveau assez fermé il évolue, par rapport au vin précédent, vers des notes plus complexes, charnues, viandeuses, animales et épicées. En bouche, l'acidité est bien présente à l'attaque, puis on retrouve une belle densité assez ample, glycérolée avec des tanins fins et fondus. Le vin paraît plus classique, surtout sur la finale plus austère et sur les épices. Tout cela reste très équilibré. On s'attendait à un vin moderne, on a une belle chose très "sangiovese" en finale. 15/20
Azienda Agricola Dora Forsoni « Sanguinetto » 2005 (17 euros)
Prugnolo Gentile 85%, Canaiolo Nero et Mammolo 15%
Dernier 2005 de la série. La robe est rubis assez évolué et le nez surprend par sa fraicheur, tout en petit fruits rouges acidulés (mures, framboises), vraiment plaisant. Confirmation en bouche, où si acidité et fruit sont bien au rendez-vous, les tanins donnent nettement plus de structure au vin. La finale (une des plus longues de la soirée) est plus charnue, tout en volume. Très beau vin et un des deux coups de cœur de la série. 16/20
Le Bèrne 2006 (15,5 euros)
Altitude 350 m - Rendement 25hl/ha – Prugnolo Gentile 97%, Colorino 3%
Passage au 2006, pour lesquels on attend plus de jeunesse et d'exubérance. Confirmation dès la robe de ce fin où on retrouve le rubis soutenu appuyé par des reflets violets. Globalement, tous les autres vins qui suivent, s'accorderont sur ces notes de robe. Le nez est dense, semble plus extrait, avec des fruits rouges, de l'alcool et une perception d'élevage, en faisant un vin d'approche plus bordelaise dans les arômes. En bouche, seule l'acidité me parle vraiment parce que le reste est plus marqué par l'alcool et le bois avec des tanins trop souples. Si cela reste buvable, cela manque trop de structure. 12,5/20
Icario 2006 (16 euros)
Prugnolo Gentile 90%, Canaiolo, Mammolo et Colorino 10%
Le nez est très puissant mais axé trop sur le lactique, les fruits compotés et le bois qui fait penser à des vendanges en surmaturité. La bouche est au diapason, toujours sur impression de "trop", avec une rondeur presque sucrée et de l'alcool trop présent en finale. Sans grand intérêt. 11/20
Avignonesi 2006 (19 euros)
Rendement 33hl/ha – Prugnolo Gentile 85%, Canaiolo Nero 10 %, Mammolo 5%
Qui que vous soyez, un jour ou l'autre, vous serez confronté à ce vin que l'on trouve sur d'innombrables cartes de restaurant, issu d'un des domaines les plus emblématiques de l'appellation. La robe est ici d'une très grosse densité, tout comme le nez, moins sur le fruit mais plus vert, charnu, sanguin à nouveau, sans que cette verdeur soit gênante. La bouche est structurée avec de la fraicheur, un bel équilibre avec du fruit juteux, gourmand, de beaux tanins qui donnent un relief intéressant, une finale avec de beaux amers, des épices et du fruit. Bref, tout cela est très bien fait... trop bien fait , formaté, diront certains, mais sûrement sans défauts. 14,5/20
Poggio alla Sala 2006 (16,5 euros)
Prugnolo Gentile 90%, Canaiolo Nero 10%.
On retrouve ici les impressions du premier 2006 (Le Brème) avec peut-être plus d'animalité et de rusticité au nez. La bouche est aussi très équilibrée, sans défauts, sapide... trop sapide, parce que l'on se rend compte que si tout cela est bien sur soi, c'est résolument très court en bouche. 13,5/20
Poliziano 2006 (19 euros)
Altitude 300-400 m - Prugnolo Gentile 85% – Colorino, Canaiolo et Merlot 15%
Seconde grosse vedette de l'appellation, Poliziano est connu pour des vins souvent parkérisés à souhait. Côté extraction, le nez confirme la réputation, mais le boisé est plus modéré que prévu, avec un axe sanguin et alcool plus net. En bouche, si c'est à nouveau très bien fait avec du fruit et de la fraicheur, les tanins guident plus le vin que pour les autres vins rencontrés et on aurait là un superbe vin, si en finale, bois et chaleur ne venaient pas nous revisiter un soupçon de trop. 14,5/20
Cantine Dei 2006 (14 euros)
Altitude 300 m - Rendement 30hl/ha - Prugnolo Gentile 80%, Canaiolo Nero 15% et Mammolo 5% - Bio
Si à la robe, l'extraction semble de mise, au nez on est sur une complexité et une austérité plus marquée, sans que ce soit déplaisant. C'est réglissé, animal, floral et après aération, on a un beau fruit qui apparaît. En bouche, l'acidité est présente, droite, juste ce qui est nécessaire pour rafraichir la plus grande structure en bouche de la soirée avec beaucoup de matière en bouche et des tanins marqués. On garde cette impression de densité longtemps sur la finale. Si on a là un vin plus austère, c'est le plus complexe et le plus abouti de la soirée. J'adore. 17/20
Boscarelli 2006 (21 euros)
Prugnolo Gentile 90%, Canaiolo, Malvasia Nera, Mammolo et Colorino 10%
Pas facile de passer derrière le Dei, mais le vin de cette autre domaine emblématique de l'appellation s'en sort pas mal. Le nez est plus sur le fruit mûr avec un élevage marqué mais on trouve aussi d'intéressantes notes de cacao. La bouche est tout en équilibre, sans défauts avec une légère dissociation de jeunesse. Un vin plus sapide, plus moderne, très bien sur lui mais certainement pas déplaisant. 15/20
Conclusions
Plusieurs points ressortent collégialement du groupe :
- Si les vins sont souvent assez faciles (ce n'est pas non plus le haut de gamme), ils restent presque tous bien faits et représentent une belle alternative en terme de prix aux chiantis plus classiques surtout en terme d'accord sur un repas.
- Il y a une grande homogénéité entre ces vins dans lequel on retrouve souvent du fruit et de la fraicheur avec de la souplesse en bouche et des tanins très civilisés. Le côté sanguin du Sangiovese s'exprime souvent mieux que l'élevage.
- Beaucoup de vins, toutefois, malgré leur côté très plaisant manquent un peu de structure et de longueur.
- Il paraît erratique de juger ces vins seuls, alors qu'ils sont clairement formatés pour la gastronomie