Verticale des Falaises de Gardiès
Les Falaises
Nouvelle session du club du Vin Passion à Bruxelles avec comme thématique du jour la cuvée « Les Falaises « de Jean Gardiès sur 7 millésimes ; toujours un plaisir de retrouver la joyeuse équipe des « Lapins » aussi tonitruante que fine dégustatrice.
A propos de Jean Gardiès et de la cuvée « Les Falaises »
A l’origine, Jean Gardiès ne se destinait pas à reprendre le domaine familial, mais l’attrait de la vigne étant indomptable, il rejoint celui-ci en 1990, avec la ferme idée de travailler sur l’expression des terroirs et de favoriser la qualité à tout prix. Tout comme son inénarrable voisin, Hervé Bizeul, la politique menée par Jean Gardiès semble plus que payante, vu que le personnage et ses vins sont aujourd’hui médiatiquement incontournables dans le Roussillon, avec de cuvées emblématiques comme « La Torre » sa cuvée majoritairement mourvèdre et « Les Falaises », objet de la présente dégustation.
Le domaine possède des vignes sur deux terroirs principaux, le premier à Espira de l’Agly adossé aux contreforts des Corbières et structurés autour de schistes noirs et de roche calcaire, le second, adossé aux Falaises de Vingrau sur des sols argilo-calcaire.
Les vignes sont conduites en agriculture raisonnée avec des rendements volontairement bas, de l'ordre de 25 hectolitres par hectare.
La Cuvée Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » est constituée de 45% de Syrah, 45% de Grenache noir et 10% de Carignan plantés sur le terroir calcaire de Vingrau, à flanc de falaise avec des rendements de l’ordre de 20hl/hectare. Les vendanges sont manuelles et la vinification s’opère par 20 à 25 jours de macération suivis de 20 mois d’élevage en barrique.
De toutes les cuvées du domaine, « Les Falaises » est la cuvée la plus boisée sans que le bois neuf soit pour autant recherché et elle répond par sa finesse et son soyeux à la puissance de « La Torre ». Elle est en général trouvable sur le marché au prix de 37-38 euros.
La dégustation
Les vins sont servis carafés plus ou moins deux heures avant le service du millésime le plus récent au plus ancien.
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2005
La robe est grenat violacé intense, robe qui dominera toute la dégustation, les millésimes plus anciens perdant à peine en intensité.
Le nez est d’abord assez fermé puis à l’aération on perçoit des notes de Cuir, de fruits noirs, de cacao et de vanille. Ce serait pas mal si l’alcool ne venait pas un peu perturber l’assemblée.
La bouche est globalement bien équilibrée mais très sérieuse avec un relief tannique marqué. On y perçoit à nouveau des fruits noirs et de la garrigue mais aussi la pointe alcooleuse du nez. L’acidité, quant à elle semble un peu en recul ce qui donne une impression de fraicheur assez limitée. La finale est elle aussi un peu serrée, sur l’alcool et une sensation métallique qui s’installe au long des caudalies, appréciables quant à elles.
A attendre, sans nul doute. 14/20
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2004
Le nez est bien plus ouvert que pour le 2005. on y retrouve des aromes de fruits rouges, noirs (mûres), de la garrigue, à nouveau, et de la vanille. L’alcool est moins présent et le plaisir est plus évident. L’attaque de bouche est plus fraiche, puis on a plus de rondeur, de fruit (surtout des fruits noirs) et de soyeux avec des tanins nettement plus intégrés que pour le 2005. La finale est plus juteuse et on retrouve aussi le côté sanguin métallique du 2005, mais cela aurait pu être plus long, certes, ce qui limite l’appréciation globale. 15/20
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2003
Le nez est assez intense avec des fruits noirs compotés, un peu alcooleux, du cuir, du cacao et de la vanille, le tout dans une ambiance nettement sur la chaleur.
La bouche confirme (effet du millésime plus que probablement) par son alcool, son manque d’ouverture et de fraicheur, ainsi qu’une plus grande dureté tannique. La finale est marquée par les tannins, brûlés par le soleil, mais, étonnamment, cela reste assez buvable. 13/20
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2002
Amusant comme séquence, où on se rend assez vite compte que les paramètres climatiques sont ici inversement influençant que pour le 2003. Résultat, le nez est plus proche du 2004, bien que plus fermé avec des notes animales et de sous-bois supplémentaires aux fruits noirs plus classiquement perçus. Pas question d’alcool perçu, ici. La bouche est assez équilibrée, plus fraiche avec une acidité d’attaque à la limite du piquant. Si ce vin paraît d’une grande buvabilité, il semble aussi un peu dilué, maigre, légèrement sur les amers en finale. Pas mal quand même pour le millésime. 14/20
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2001
Retour à un très beau millésime et, dès le nez, le vin semble bien au diapason. Il est intense et d’une très belle complexité avec les fruits noirs qui se disputent le parloir avec de aromes plus animaux et torréfiés. L’attaque de bouche est fraiche et agréable et très vite, on se complaît du très bel équilibre entre cette fraicheur, le fruit et les tanins très soyeux, complètement intégrés. L’impression de matière est très présente, tant en milieu de bouche que sur la longue finale, où, en plus des aromes déjà rencontrés, le côté sanguin repointe du nez. Un très beau vin qui marque son rang. 16,5/20
Pour le vin suivant, c’est un couple de carafes qui nous est servi, sans autre précision si ce n’est qu’un des deux vins est un pirate.
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 2000
La robe est ici bien plus avancée, presque brunâtre. Le nez est… comment dire… très space… enfin… surprenant, quoi ! C’est en fait le légume qui domine, une espèce de compromis entre la poudre de céleri et un gazpacho, pas trop de fruit, un peu d’alcool. Et en bouche, ce n’est pas mieux, on part sur le madérisé sans fraicheur avec de l’alcool. D’avoir goûté ce vin en magnum, deux fois, l’an passé, et de l’avoir trouvé en ces occasions purement excellent, une seule idée me vient en tête : la bouteille, là, elle a fait combien de fois l’Atlantique en solitaire ? 12/20 (et c’est complaisant !)
Côtes du Roussillon Villages « La Torre » 2000
Retour sur terre avec une robe plus conventionnelle et un nez bien plus agréable qui rappelle la filiation des « Falaises » précédent avec un cacao plus affirmé et un animal plus marqué. Sans savoir, tout le monde tombe dans le piège et dit « Falaises » ! Drame sur la place, c’est « Torre », enfin il s’avèrera que…
La bouche est fraiche structurée et soyeuse, avec un fruit très marqué. C’est bon et cela donne envie de boire. La finale est à la hauteur. Un vin taillé pour le plaisir solitaire ou la gastronomie, tout ira ! Mon coup de cœur de la soirée… zut, c’est la Torre… enfin, zut, c’est à voir, le mourvèdre et moi, on est vieux potes. 17/20
Côtes du Roussillon Villages « Les Falaises » 1998
Que dire… si la robe est encore jeune, le nez très sur les arômes secondaires semble montrer des signes de faiblesse. La bouche confirme hélas un peu le boxeur battu après des rounds endiablés. C’est encore bien, équilibré, mais on sent trop le coup de fatigue et le côté sanguin, souvent rencontré dans les autres finales s’impose ici démesurément dès le milieu de bouche. Trop tard ou mauvaise conservation, je ne saurais dire. 14,5/20, par respect pour une noble dame qu’on enterre.
Conclusions
Pas facile, aujourd’hui, d’aborder de quoi conclure. Historiquement, j’ai toujours été accroc à ce domaine, rien que pour ses vieilles vignes et surtout sa cuvée « La Torre », véritable roc aux épaules de demi de mêlée voué au mourvèdre qui me rappelle la puissance des premières syrahs de Gauby.
J’avais toujours aussi émis de la réserve vis à vis des Falaises, parce que je trouvais cette cuvée un peu serrée, sévère, jusqu’à ce que j’aie le plaisir doublé de goûter le 2000 deux fois en Magnum et d’y trouver plus que mon compte, au point d’arriver une demi-heure avant tout le monde à la présente dégustation. Et puis, crac, à nouveau, c’est le goût de trop peu ou de trop terne qui domine, sauf pour la 2004 et surtout la 2001. Pour 2005, je me réserve, je pense qu’il était trop tôt, le dernier Clos du voisin Hervé goûté au début de l’hiver n’était pas plus ouvert.
Mais… les autres, je sais pas, disons que je préfère penser qu’elles n’ont pas connu la meilleure conservation, ces petiotes.
Donc, avant de juger, j’aimerais qu’on se revoie en 2e session, peut-être aussi avec une 1999.
Je me demande aussi, et ce n’est pas la première fois, si ces grandes cuvées du Roussillon aux prix quelquefois plus qu’appréciables sont taillées pour ces exercices de masturbation dégustative où l’accompagnement se limite à une tranchette de pain. Franchement j’hésite et vos avis seront les bienvenus, parce que moi, je vois tout cela bien mieux sur de la gastronomie…
Infos pratiques sur le domaine
DOMAINE GARDIES
Chemin de Montpins
66600 Espira de l’Agly
Tél : 00.33.4.68.64.61.16