Verticale des Côte-Rôtie de Jamet 2007-1994
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A l’initiative de Laurent Lab, s’est réuni chez lui un petit groupe de féroces adorateurs de la syrah dont un administrateur particulièrement cartésien (aussi appelé Bourreau d’Audouze), deux jeunes et pétillantes damoiselles, Anne et Lucy, Eric D., Didier D. et votre serviteur Le but de cette rencontre était de régler son compte à quelques millésimes de Côte-Rôtie de Jamet, ce qui fut fait avec un bonheur immodéré. Petit rappel s’il y a lieu Situées sur les communes d’Ampuis, de Saint-Cyr-sur-Rhône et de Tupins-Sémons dans l’extrémité Nord de la vallée du Rhône à 7 kilomètre de Vienne, les vignes de l’Appellation Côte-Rôtie se répartissent sur 235 hectares de terrasses caillouteuses de 150 à 350 mètres d’altitude sur des pentes vertigineuses plongeant vers le fleuve. Les terrasses sont maintenues tant bien que mal par des murets de pierre et obligent les vignerons à un travail uniquement manuel. | ||||
Le vignoble est constitué de deux terroirs : la Côte Brune, en amont du ruisseau du Reynard et la Côte Blonde, située en aval. La Côte Blonde est majoritairement composée de sables argileux, riche en silice. La Côte Brune est quant à elle caractérisée par des sols plus schisteux avec une forte teneur en fer qui lui donne une couleur plus sombre et confère aux vins un caractère plus masculin. Occupant actuellement des installations situées sur un plateau dominant le village d’Ampuis, le domaine tenu par Jean-Paul et Jean-Luc Jamet depuis les années 80 a été fondé au début des fifties par leur père, Joseph. | ||||
Si la production des vins est originellement vendue au négoce, le succès de l’Appellation des les années 70 amène la famille à vendre directement sa production avec une première mise en bouteille en 1976. Lentement, les vins se sont hissés au firmament de l’appellation avec une cuvée micro-parcellaire sur la Côte Brune qui fait aujourd’hui briller beaucoup de regards adorateurs de syrah. On distingue trois cuvées :
La dégustation Après une petite rampe de lancement avec la cuvée Elégance 2006, nous avons dégusté dans l’ordre, les Côte-Rôtie de 2007 à 1994 avec une impasse sur 2002 et 2000. a l’exception du premier vin, tous sont servis par trois. Les bouteilles ont été ouvertes quatre à cinq heures avant le service. Elles n’ont pas fait l’objet d’un carafage. Côte-Rôtie Elégance 2006 (bouteille de 50 cl) La robe est d’un violet très soutenu. Le nez est puissant, frais, très toasté avec un fruit assez vif et quelques notes herbacées. | ||||
Côte-Rôtie 2007 La robe est à nouveau très sombre, d’un violet à couper au couteau. Le nez est bien ouvert, intense et fait débat : La plèbe crie au végétal, au poivre vert, au goudron sans pour autant que cela soit déplaisant. Face à la meute ignare, le Javaux, colosse inébranlable dans toute sa noblesse, ne faiblit pas : Pauvres Béotiens ! C’est du fruit, du beau et du bon ! Côte-Rôtie 2006 Même robe que pour le 2007… mais nez résolument plus discret. A l’aération, la puissance « géant vert » du 2007 fait ici place à plus de finesse et de complexité avec des fruits noirs, de la cerise, quelques notes animales et une très légère empreinte herbacée. Côte-Rôtie 2005 La robe est toujours aussi jeune, d’un violet radieux. Le nez est à nouveau un peu fermé, discret avec une première et légère impression de réduction qui s’estompe assez vite au profit d’un beau duo de fruits noirs et rouges ainsi que de la violette. Côte-Rôtie 2004 La robe commence à évoluer du violet vers des notes de prune. Au nez, à nouveau plus ouvert, si on retrouve un côté végétal qui rappelle le 2007, on est sur plus d’évolution qui rend le terrain bien plus complexe avec du fruit noir, des notes viandées, de la réglisse, du floral et quelques épices. Côte-Rôtie 2003 La robe est nettement plus brune même si le côté violet est encore de la partie. Le nez est très puissant, ouvert avec une légère pointe de volatile. On retrouve les notes de violette, de viande épicée et bien sûr, du fruit avec de belles cerises compotées. Côte-Rôtie 2001 La robe est de nouveau plus jeune, plus sur le rubis que la prune du 2003. D’emblée, le nez accroche tout le groupe par sa finesse, sa complexité qui font déballer à chacun l’arsenal complet des aromes qui caractérisent ce stade d’évolution du vin. On retrouve en vrac des notes animales de chair fraiche, du floral, de la réglisse et des fruits rouges et noirs, quelques notes de champignons, aussi. Signe des temps, je mets bien 5 minutes avant de porter le vin à la bouche, tellement c’est beau. A mes côtés, Lucy… plane dans le ciel, des diamants étincelants dans les yeux ! Côte-Rôtie 1999 La robe est rubis foncé, très brillante (Faut dire que Laurent a augmenté fameusement l’éclairage sur ce coup). Le nez est bien ouvert, avec une puissance plus marquée que pour le 2001, une pointe d’austérité de prime abord qui évolue ensuite sur beaucoup de complexité avec des fruits noirs et rouge, des épices, du fumé, des notes giboyeuses, toastées, du cuir, bref, d’une richesse incroyable. | ||||
Côte-Rôtie 1998 A ce stade, le lecteur commence à s’ennuyer sous l’avalanche de superlatifs. On se dit sûrement, voilà un évènement digne d’une lapalissade héroïque avec un public gagné à la cause des Jamet de façon aveugle. Et bien, non ! Côte-Rôtie 1997 Robe à nouveau très évoluée, rubis avec des reflets brunâtres marqués. Cette robe nous accompagnera jusqu’à la fin de la dégustation. Le nez est fermé, peu expressif, à la limite de la réduction, avec, après agitation, une prédominance animale et végétale herbeuse. Côte-Rôtie 1996 Le nez est très ouvert avec un côté animal suage et végétal très marqué. Si cela reste complexe, il semble qu’on ai un peu perdu la finesse durant le parcours. Confirmation en bouche, où si matière et équilibre sont de la partie, c’est le côté austère qui s’impose un peu trop, d’autant que l’acidité, assez forte, ne fait rien pour apporter du soyeux. Sur la fin de bouche, on retrouve ce côté structuré un peu monolithique, même si le fruit et les notes sanguines pointent du nez. A nouveau, c’est globalement pas mal, mais on a l’impression que le plaisir juteux n’est plus de la partie. Fatigue de la bouche ou ressenti d’un autre style, d’une autre manière de vinifier ? 15/20 Côte-Rôtie 1995 Confirmation presque mots pour mots par rapport au 1996. C’est bien globalement et si la fraicheur est à nouveau de la partie avec une acidité marquée, globalement, c’est trop rustique avec des tanins trop mis en valeur. Petit bémol positif, ici, pour le nez qui paraît plus complexe avec des notes florales plus marquées qui me donne finalement un chouia de plus de plaisir que pour le vin précédent. 15,5/20 Côte-Rôtie 1994 On termine par un gros contraste entre nez et bouche. En effet, si le nez est bien ouvert, qu’il donne à nouveau de la complexité et de la finesse avec de la rose, de la violette, des fruits un peu compotés et des notes de viande fumée, en bouche, c’est le drame. L’acidité comme semelles Eram, elle s’est barrée, point barre, ce qui donne une impression de vin exprimant son dernier souffle. Amen. 11/20 Conclusion Faut-il penser, au vu de ces notes, que les vins du domaine se gardent idéalement 10 ans, ce qui s’accorde avec ce qu’en disent leurs géniteurs. En fait, je ne le pense pas, sauf pour les millésimes plus anciens où le côté rustique, austère a tendance a prendre le pas sur le fruit. Mais ce qui n’est pas explicable, c’est l’évolution des tanins. Comme si on était sur un monde à l’envers où plus les vins sont jeunes, plus ceux-ci s’expriment en finesse, en dentelle et surtout en intégration. Au final de cette magnifique dégustation, il me faut, en plus des frères Jamet, remercier vivement notre hôte, Laurent Lab qui nous a gâtés comme pas deux avec des plats mitonnés pour la circonstance, le tout dans une ambiance plus que sympathique où j’ai eu plaisir à découvrir de la féminité dans le groupe avec Anne et Lucy qui ont beaucoup apporté au débat. Merci aussi à tous ceux qui ont apportés vins Off (Rieslings pour Laurent en tir de barrage, Syrah des iles lointaines pour Didier et ce petit Vin Santo plus que parfait qu’Anne nous a sorti en fin de parcours). J’avais vraiment envie de dire, en se quittant : on recommence demain ? Ca dit tout ! |