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23 mai 2010

Verticale des Côte-Rôtie de Jamet 2007-1994

Ever say Jamet Again
Verticale 1994-2007

A l’initiative de Laurent Lab, s’est réuni chez lui un petit groupe de féroces adorateurs de la syrah dont un administrateur  particulièrement cartésien (aussi appelé Bourreau d’Audouze), deux jeunes et pétillantes damoiselles, Anne et Lucy, Eric D., Didier D. et votre serviteur

Le but de cette rencontre était de régler son compte à quelques millésimes de Côte-Rôtie de Jamet, ce qui fut fait avec un bonheur immodéré.

Petit rappel s’il y a lieu 

Situées sur les communes d’Ampuis, de Saint-Cyr-sur-Rhône et de Tupins-Sémons dans l’extrémité Nord de la vallée du Rhône à 7 kilomètre de Vienne, les vignes de l’Appellation Côte-Rôtie se répartissent sur 235 hectares de terrasses caillouteuses de 150 à 350 mètres d’altitude sur des pentes vertigineuses plongeant vers le fleuve. Les terrasses sont maintenues tant bien que mal par des murets de pierre et obligent les vignerons à un travail uniquement manuel.

Le vignoble est constitué de deux terroirs : la Côte Brune, en amont du ruisseau du Reynard et la Côte Blonde, située en aval. La Côte Blonde est majoritairement composée  de sables argileux, riche en silice. La Côte Brune est quant à elle caractérisée par des sols plus schisteux avec une forte teneur en fer qui lui donne une couleur plus sombre et confère aux vins un caractère plus masculin.
Principalement exposées au Sud Sud-est, les vignes sont rafraichies par un vent du Nord qui tempère les fortes chaleurs qu’elle doit subir, conjonction qui est particulièrement favorable à la culture du vin.

Occupant actuellement des installations situées sur un plateau dominant le village d’Ampuis, le domaine tenu par Jean-Paul et Jean-Luc Jamet depuis les années 80 a été fondé au début des fifties par leur père, Joseph.

Si la production des vins est originellement vendue au négoce, le succès de l’Appellation des les années 70 amène la famille à vendre directement sa production avec une première mise en bouteille en 1976. Lentement, les vins se sont hissés au firmament de l’appellation avec une cuvée micro-parcellaire sur la Côte Brune qui fait aujourd’hui briller beaucoup de regards adorateurs de syrah.
La production est très faible liée principalement à la petite taille du domaine (8 hectares sur Côte-Rotie). Si la réglementation autorise jusqu’à 10% de viognier dans l’assemblage avec la syrah, le domaine restreint l’utilisation de ce cépage blanc à une peau de chagrin.
Les vendanges sont forcément manuelles et les raisins ne font pas l’objet d’un égrappage systématique. Celui-ci dépend de l’âge des vignes, de l’état des rafles et du millésime.
Les vins sont vieillis deux ans en petits fûts (avec 20 à 25% de bois neuf) et en foudres puis sont mis en bouteille sans filtration ni collage. Leur caractère est le plus souvent riche, puissant et complexe.

On distingue trois cuvées :

  • Côte-Rôtie issue de 22 parcelles sur 12 lieux-dits avec une forte teneur en schistes avec un assemblage de celles-ci  de viognier ; pas de mise parcelle par parcelle pour créer un produit d’une qualité globale très constante

  • Côte-Rôtie Côte Brune : issue d’une parcelle unique de schiste orientée plein sud ; c’est en 1979 qu’elle fut produite la première fois.

  • Côte-Rôtie Elégance : issue de 2 parcelles particulières de granit et calcaire ; réalisée seulement dans les années exceptionnelles (1996, 1997, 2000, 2004, 2006) avec une majorité de jeunes vignes et jamais en cas de déficit de volume; pas de fûts neufs ; élevage réduit à 18 mois avec une priorité à la finesse. 

La dégustation 

Après une petite rampe de lancement avec la cuvée Elégance 2006, nous avons dégusté dans l’ordre, les Côte-Rôtie de 2007 à 1994 avec une impasse sur 2002 et 2000. a l’exception du premier vin, tous sont servis par trois. Les bouteilles ont été ouvertes quatre à cinq heures avant le service. Elles n’ont pas fait l’objet d’un carafage.

Côte-Rôtie Elégance 2006 (bouteille de 50 cl)

La robe est d’un violet très soutenu. Le nez est puissant, frais, très toasté avec un fruit assez vif et quelques notes herbacées.
La bouche, bien équilibrée, est elle aussi marquée par la fraicheur avec une acidité soutenue, beaucoup de fruit (impossible de louper le cépage), des tanins extrêmement souples et intégrés. C’est extrêmement gourmand !
La finale est très belle, longue sur le fruit frais et juteux et les épices doux…. Du plaisir à l’état pur ! 17,5/20

Côte-Rôtie 2007

La robe est à nouveau très sombre, d’un violet à couper au couteau. Le nez est bien ouvert, intense et fait débat : La plèbe crie au végétal, au poivre vert, au goudron sans pour autant que cela soit déplaisant. Face à la meute ignare, le Javaux, colosse inébranlable dans toute sa noblesse, ne faiblit pas : Pauvres Béotiens ! C’est du fruit, du beau et du bon !
Plus d’unanimité sur la bouche, à nouveau caractérisée par son équilibre frais sur les fruits noirs, le tout, avec, à nouveau, des tanins d’une élégance et un soyeux inouï ! Sur la finale, toutefois, ces tanins remontrent un peu du nez, renforçant les impressions plébéiennes de végétal. Il n’en reste pas moins que longueur et concentration sont de le partie et qu’il est clair qu’il faudra un peu attendre avant de dépuceler un nouveau flacon. 15/20 (hic en nunc).

Côte-Rôtie 2006

Même robe que pour le 2007… mais nez résolument plus discret. A l’aération, la puissance « géant vert » du 2007 fait ici place à plus de finesse et de complexité avec des fruits noirs, de la cerise, quelques notes animales et une très légère empreinte herbacée.
La bouche est subtilement équilibrée jouant entre fraicheur de l’acidité, fruits juteux et croquant et tanins un peu plus en relief que pour le 2007, bien que toujours aussi parfaitement intégrés. La finale est structurée autour du même axe tanins-fraicheur-fruit avec une longueur phénoménale et une impression de plaisir et surtout d’un vin bien plus abordable maintenant que le 2007. 16,5/20

Côte-Rôtie 2005

La robe est toujours aussi jeune, d’un violet radieux. Le nez est à nouveau un peu fermé, discret avec une première et légère impression de réduction qui s’estompe assez vite au profit d’un beau duo de fruits noirs et rouges ainsi que de la violette.
La bouche est remarquablement fine avec un équilibre parfait, presque en dentelle de Bruges, un fruit suave. Le responsable de ce bijou sont sûrement les tanins, archétypes de la définition du soyeux.La finale est aussi croquante, fraiche et juteuse tout en faisant comprendre qu’elle en a largement sous la pédale, rien que par sa longueur. Un vin d’exception ! 18,5/20

Côte-Rôtie 2004

La robe commence à évoluer du violet vers des notes de prune. Au nez, à nouveau plus ouvert, si on retrouve un côté végétal qui rappelle le 2007, on est sur plus d’évolution qui rend le terrain bien plus complexe avec du fruit noir, des notes viandées, de la réglisse, du floral et quelques épices.
La bouche est à nouveau tout en équilibre, en harmonie fine avec un fruit viandeux et gourmand qui domine, des tanins soyeux qui augmentent encore l’impression de finesse et une finale qui ne fait que rappeler à se resservir tellement elle est succulente. 18/20

Côte-Rôtie 2003

La robe est nettement plus brune même si le côté violet est encore de la partie. Le nez est très puissant, ouvert avec une légère pointe de volatile. On retrouve les notes de violette, de viande épicée et bien sûr, du fruit avec de belles cerises compotées.
Si l’équilibre est encore notable, l’acidité est en retrait par rapport aux vins précédents, tout en restant bien présente, surtout vu le millésime. Elle reste suffisante pour imprimer un côté un peu acidulé à l’aspect confituré de la bouche ce qui lui permet d’exprimer du juteux en lieu et place d’une éventuelle impression sirupeuse.
La finale est plus légère, toujours aussi plaisante et juteuse mais avec moins de corps et de longueur que pour les vins précédents. 15,5/20

Côte-Rôtie 2001

La robe est de nouveau plus jeune, plus sur le rubis que la prune du 2003. D’emblée, le nez accroche tout le groupe par sa finesse, sa complexité qui font déballer à chacun l’arsenal complet des aromes qui caractérisent ce stade d’évolution du vin. On retrouve en vrac des notes animales de chair fraiche, du floral, de la réglisse et des fruits rouges et noirs, quelques notes de champignons, aussi. Signe des temps, je mets bien 5 minutes avant de porter le vin à la bouche, tellement c’est beau. A mes côtés, Lucy… plane dans le ciel, des diamants étincelants dans les yeux !
La bouche appelle le même recueillement. Puissance et finesse s’entremêlent dans ce vin d’une fraicheur incomparable pour presque 10 années de vécu. Tout y est fusionnel. Rien ne dépasse, mais rien ne s’efface. La longueur est prodigieuse… ce vin est une tuerie ! 20/20, sans la moindre hésitation !

Côte-Rôtie 1999

La robe est rubis foncé, très brillante (Faut dire que Laurent a augmenté fameusement l’éclairage sur ce coup). Le nez est bien ouvert, avec une puissance plus marquée que pour le 2001, une pointe d’austérité de prime abord qui évolue ensuite sur beaucoup de complexité avec des fruits noirs et rouge, des épices, du fumé, des notes giboyeuses, toastées, du cuir, bref, d’une richesse incroyable.
La bouche est très structurée avec une matière immense, une belle tension mais des tanins nettement plus marqués qui donnent un style un peu plus rustique au vin, cela, comparé aux millésimes précédents parce que cela reste très harmonieux. Les notes animales, le côté viandeux particulièrement domine la fin de bouche d’une longueur invraisemblable et avec une structure telle que tous le monde s’accorde à dire que le 2001 est nettement plus prêt à boire que ce 1999. 18,5/20

Côte-Rôtie 1998

A ce stade, le lecteur commence à s’ennuyer sous l’avalanche de superlatifs. On se dit sûrement, voilà un évènement digne d’une lapalissade héroïque avec un public gagné à la cause des Jamet de façon aveugle. Et bien, non !
La preuve avec ce 1998. La robe est brunâtre avec des signes d’évolution marqués. Le nez est puissant mais végétal avec du poivron, du céleri et des asperges (on sait, c’est la saison !). Tout cela n’est pas très invitatif. Ma voisine Lucy qui en était toujours au vol à voile dans le sky with diamonds fait appel à l’équipe pour ne pas s’écraser au sol. Parce que, en plus, si on ne peut pas parler de déséquilibre en bouche, cela n’apporte qu’impression de sécheresse, de rafle, le tout avec un côté sanguin métallique qui rappelle les premiers jours du port d’un appareil dentaire. Peut-être un défaut, en fait, avec cette bouteille. Bof… 13/20

Côte-Rôtie 1997

Robe à nouveau très évoluée, rubis avec des reflets brunâtres marqués. Cette robe nous accompagnera jusqu’à la fin de la dégustation. Le nez est fermé, peu expressif, à la limite de la réduction, avec, après agitation, une prédominance animale et végétale herbeuse.
La bouche est plus soyeuse que pour le 1998, avec un équilibre plus marqué sur les notes viandeuses et la fraicheur. Le fruit par contre est plus en retrait, surtout sur la finale où les tanins finissent par s’imposer avec un relief très peu rencontré dans les millésimes plus jeunes. Si cela reste très bien foutu, il se dégage une impression d’austérité aux dépens du côté juteux qui nous a précédemment tant emballés ! 15/20

Côte-Rôtie 1996

Le nez est très ouvert avec un côté animal suage et végétal très marqué. Si cela reste complexe, il semble qu’on ai un peu perdu la finesse durant le parcours. Confirmation en bouche, où si matière et équilibre sont de la partie, c’est le côté austère qui s’impose un peu trop, d’autant que l’acidité, assez forte, ne fait rien pour apporter du soyeux. Sur la fin de bouche, on retrouve ce côté structuré un peu monolithique, même si le fruit et les notes sanguines pointent du nez. A nouveau, c’est globalement pas mal, mais on a l’impression que le plaisir juteux n’est plus de la partie. Fatigue de la bouche ou ressenti d’un autre style, d’une autre manière de vinifier ? 15/20

Côte-Rôtie 1995

Confirmation presque mots pour mots par rapport au 1996. C’est bien globalement et si la fraicheur est à nouveau de la partie avec une acidité marquée, globalement, c’est trop rustique avec des tanins trop mis en valeur. Petit bémol positif, ici, pour le nez qui paraît plus complexe avec des notes florales plus marquées qui me donne finalement un chouia de plus de plaisir que pour le vin précédent. 15,5/20

Côte-Rôtie 1994

On termine par un gros contraste entre nez et bouche. En effet, si le nez est bien ouvert, qu’il donne à nouveau de la complexité et de la finesse avec de la rose, de la violette, des fruits un peu compotés et des notes de viande fumée, en bouche, c’est le drame. L’acidité comme semelles Eram, elle s’est barrée, point barre, ce qui donne une impression de vin exprimant son dernier souffle. Amen. 11/20

Conclusion

Faut-il penser, au vu de ces notes, que les vins du domaine se gardent idéalement 10 ans, ce qui s’accorde avec ce qu’en disent leurs géniteurs. En fait, je ne le pense pas, sauf pour les millésimes plus anciens où le côté rustique, austère a tendance a prendre le pas sur le fruit. Mais ce qui n’est pas explicable, c’est l’évolution des tanins. Comme si on était sur un monde à l’envers où plus les vins sont jeunes, plus ceux-ci s’expriment en finesse, en dentelle et surtout en intégration.
En fait, c’est surtout un changement de style qu’on ressent à l’aube du troisième millénaire avec des vins nettement plus gourmands, fins, frais. Et c’est tant mieux finalement, parce que avec ce nouveau style, les frères Jamet nous livrent de petites bombes de plaisir, particulièrement avec lequel j’ai littéralement décollé !

Au final de cette magnifique dégustation, il me faut, en plus des frères Jamet, remercier vivement notre hôte, Laurent Lab qui nous a gâtés comme pas deux avec des plats mitonnés pour la circonstance, le tout dans une ambiance plus que sympathique où j’ai eu plaisir à découvrir de la féminité dans le groupe avec Anne et Lucy qui ont beaucoup apporté au débat. Merci aussi à tous ceux qui ont apportés vins Off (Rieslings pour Laurent en tir de barrage, Syrah des iles lointaines pour Didier et ce petit Vin Santo plus que parfait qu’Anne nous a sorti en fin de parcours).

J’avais vraiment envie de dire, en se quittant : on recommence demain ? Ca dit tout !

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