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29 novembre 2010

TGV d'Alsace à la Taverne Alsacienne

Préambule

J'ai beaucoup de chances dans ma passion, la première étant probablement de ne pas être alsacien ou même de vivre en Alsace. Je pense effectivement que c'est là une des raisons pour laquelle chaque fois que j'écris quelque chose sur cette fantastique région, je n'ai pas à subir de controverse, ou alors très rarement. Ce n'est évidemment pas toujours le cas de ces passionnés alsaciens de leur région dont fait partie Thierry Meyer. Le simple fait d'écrire pour le guide Bettane et Desseauve amènera autant son lot de critiques que de louanges, pour un gars du cru, donc particulièrement.

Je n'ai jamais pensé, à commencer par moi-même, que la raison d'existence d'un critique, d'un bloggeur passionné était d'imposer ses goûts à travers ses écrits, mais simplement, et c'est déjà grande entreprise, d'informer et communiquer à travers sa passion.
Alors quand Thierry réussit à réunir, autour de très grands vins et d'un grand diner, amateurs indécrottables et vignerons de tous bord, je ne peux que dire "merci et chapeau bas, l'artiste". A noter qu'en plus des vignerons présentant leurs vins, le repas était honoré de la présence de Marc Tempé, Mélanie Pfister, Evelyne Bléger, ou Vincent Spannagel.

Je voudrais insister sur la diversité de cette évènement : Dans l'Alsace viticole secouée actuellement par des discussions passionnelles autour des AOP, tiraillée plus que toute autre entre courants novateur telles le bio, la biodynamie, les vins natures et le classicisme d'antan, réunir "grands d'Alsace", vignerons, maisons de négoce et autres, comme Marc Tempé, André Ostertag, Seppi Landmann, Olivier Humbrecht, Cathy Faller, les maisons Hugel, Trimbach et Schlumberger, sans oublier les domaines Albert Mann, René Muré, Josmeyer, le tout avec un soupçon de Deiss, et bien je vous jure, cela frise le tour de force. Les faire s'exprimer de vive voix sur des accords souvent "osés", sur une sélection hors norme de leurs vins (d'où le titre du post), cela atteint la jouissance !
Mais, après tout, quoi de plus logique que tant de vignerons de tous bords se déplacent, quand on tente, comme Thierry, de décrire depuis tant d'années, chacun de ces courants avec son objectivité, certes, ses failles, peut-être (mais qui n'en a pas?) mais, avant tout, avec sa volonté inébranlable de communiquer sur sa passion.

Plus que probablement la cuisine de Jean-Philippe Guggenbuhl a été, en plus du travail de Thierry, un élément ultra-fédérateur. Il faut avoir un jour goûté à la cuisine gastronomico-généreuse du Maître de la Taverne Alsacienne à Ingersheim pour comprendre ce que veux dire satiété dans le plaisir et le goût. C'est qu'il a dû naître sous le signe du Carême ascendant Ramadan, le bougre, pour se venger ainsi chaque jour des esprits chagrins aux assiettes faméliques qui peuplent les guides 'Duchemin" et consorts. Mais encore plus, s'il y a un titre que personne n'oserait lui contester, c'est celui de plus grand passionné de vin et des accords qui lui sont lié... cela frise la démence, la carte dont la réputation a largement franchi les limites de l'hexagone, en est le vibrant témoin.

Décidément, j'aime ces mots : passion, travail, démence quand ils se fusionnent pour devenir ... de l'art !

Dans ce qui suit, les textes en italiques et/ou en bleu (selon les browsers) ont été fournis par Thierry, avec son autorisation. Les illustrations de grande qualité sont quant à elles publiées avec l'autorisation de Fabrice Dehoche.

Réception

Avant de débuter le repas proprement dit, nous sommes accueilli pour un petit drink dans la salle "bistrot" du restaurant, ce qui permet aux soixante personnes présentes de joyeusement se rencontrer, un peu comme dans l'antichambre d'un évènement majeur. Pour accompagner ce moment hautement hétéroclite et dans l'attente des inévitables retardataires, Thierry nous propose le Crémant d'Alsace Chardonnay Extra Brut 2005 de René Muré.

Ce crémant est réalisé à partir de chardonnays récoltés sur la partie basse du Clos Saint-Landelin à Rouffach, vinifiés et élevés en barrique une année avant d'être tirés et conservés sur lattes pendant quatre années supplémentaires. Dégorgé le 20 octobre 2010 à l'occasion de ce diner et non dosé, ce crémant 2005 extra brut représente l'excellence des grands Crémants d'Alsace, qui combinent la fraîcheur et la structure d’un noble terroir avec la finesse apportée par un élevage long.

Il faut un jour avoir goûté les crémants millésimés de René Muré et de ses enfants, pour comprendre pourquoi ils sont si souvent placés au pinacle de ce type de vinification, balayant d'un revers nombreuses maisons champenoises par leur finesse, leur structure vineuse, leur volonté de rester "secs" malgré un des terroirs les plus solaires de l'Alsace. A chaque fois la finesse des bulles, l'aromatique puissante faite d'agrumes murs et de fleurs blanches m'interpelle. La longueur est ici particulièrement au rendez-vous. De par son caractère, ce in n'est pas du champagne et ne s'en revendique aucunement : c'est bien plus.

Le Carpaccio de Bar de Ligne, crème Epaisse et Caviar

Dans ce plat, deux axes s'opposent avec intérêt mutuel, d'un côté le bar qui appelle, qui hurle à un vin sec, alors que les légères touches crémeuses par leur douceur et leur onctuosité prient à plus de rondeur. Jolie scène pour un bien beau match entre le Riesling Grand Cru Hengst "Samain" 2008 de Josmeyer  et le Riesling Clos Sainte Hune 1996 - Trimbach

Archétype du grand vin alsacien, le  Clos Sainte Hune 1996 de Trimbach combine une réputation de grande qualité depuis plusieurs dizaines d'années avec une notoriété internationale, le Clos Sainte Hune est certainement le seul vin alsacien dont le nom suffit à le caractériser, le cépage et la maison qui le produit étant connus par tous les amateurs de grands vins. Vin de longue garde produit sur le terroir calcaire de Hunawihr, très réussi dans le millésime 1996 grâce à une bonne maturité, il rappelle que les rieslings de terroir calcaire évoluent sur des arômes fumés et de fleurs au vieillissement, en ne prenant que rarement des notes pétrolées.

On peut beaucoup discuter sur la "grandeur" du Ste-Hune, tout comme de la cuvée Frédéric-Emile. (voir préambule). Si le vin est probablement la résultante d'une grande technicité acquise, s'il se goûte sur beaucoup d'austérité dans sa jeunesse, sur ce 1996, c'est bien le fruit qui transparaît à travers la structure cristalline de la bouche, un fruit entremêlé d'arômes secondaires sur la finesse. Sur le bar, l'association frise la perfection, la tension du vin n'étant jamais écrasée par la douce acidité de la préparation. La forte structure saline fait aussi agréablement rebondir la rondeur de la crème.

Riesling Grand Cru Hengst "Samain" 2008 - Josmeyer

Situé à Wintzenheim, le Grand Cru Hengst repose sur un sol de conglomérats calcaires oligocènes avec des marnes interstratifiées. Si le gewurztraminer y murit parfaitement, le riesling a besoin de beaucoup de temps pour atteindre sa maturité parfaite, avec une météo clémente pour que les raisins restent sains et permettent de produire un grand vin sec. La SAMAIN est le nom donné à la plus importante fête du monde celtique. Elle avait lieu en Novembre et annonçait la fin des récoltes, le début de la période obscure. Issu de raisins sains récoltés par tris successifs, ce Riesling Samain 2008 est un vin abouti combinant la profondeur du terroir avec la finesse du riesling. Vin de grande garde, le millésime 2008 présente dans sa prime jeunesse une forte minéralité (6 g/l sucre résiduel).

Christophe Ehrahrt n'a jamais caché chercher la maturité dans les raisins issus de parcelles du Hengst qui la favorisent. Si dans certains millésimes, les adorateurs du vin ultra-sec passeront peut-être le chemin, il faut ce 2008 à la fraicheur incomparable pour comprendre comment et combien la maturité presque sur-aboutie peut aussi produire des merveilles. Ce vin est en effet un must absolu, d'une richesse aromatique incommensurable enveloppée dans une précision d'orfèvre. Quant à la longueur, on atteint ici les records absolus pour le domaine. Si cette bombe saline-riche passe évidemment bien sur les notes crémeuses du plat, elle n'a pas l'effet d'opposition que l'on aurait pu penser sur le bar. Si certes, le Ste-Hune lui est totalement fusionnel, je préfère personnellement l'interactivité avec le second vin qui permet, sans opposition, une plus grande exploration des saveurs.

Le Homard Breton dans une Nage façon Bouillabaisse et Epices Douces

Sans même me parler du contexte de cette soirée, placer deux de mes cuvées les plus adulées sur un homard revisité par la patte de Jean-Philippe, j'interromps toute activité même urgente et me tape sans attendre les 500 bornes nécessaires à la rencontre du Graal. Et pourtant, quand on y pense, combien, en dehors de ce lieu magique, iront à proposer deux tels vins sur du homard à la nage. Même si les vins ont été servis avant le plat, c'est à la chair que je veux d'abord faire honneur. Cette préparation est une véritable tuerie, les épices finement dosés relevant à souhait la perfection de la cuisson de la bestiole.

Pinot Gris Grand Cru Muenchberg 2005 - André Ostertag

Produit sur une partie de ce terroir gréso-volcanique traversée par une veine calcaire, le vin est vinifié et élevé en barrique pendant une année, lui laissant le temps de développer son style si particulier combinant finesse et longueur en bouche. Vin de tension qui ne manque pas de gras, il s’exprime longuement en bouche de l’attaque à la finale. (9 g/l de sucre résiduel)

Je me suis déjà épanché sur cette cuvée, mais, sorry sir, sorry miss, faut que je le redise : si tous les pinots gris pouvaient un tant soit peu ressembler à cette haute parcelle du Muenchberg, l'hégémonie du riesling serait largement mise en cause. Toujours sur la pureté, l'acidité maîtrise à la fois la rondeur du bois et les sucres résiduels qui paraissent complètement intégrés. C'est vineux à souhait à tel point que l'impression de tannicité appelle au verre noir pour encore plus rechercher l'émotion. Comme le dit bien Thierry la finale est incomparable de longueur...surtout sur la médiation. Sur le plat, l'accord est parfait, mais ce vin, par ses qualités n'est-il pas un vrai caméléon gastronomique ?

Grand Cru Mambourg 2005 - Domaine Marcel Deiss

Des trois Grands Crus complantés produits par le domaine Marcel Deiss, le Mambourg est le cru produisant le vin le plus sec. La famille des pinots récoltée sur ce cru sur est ici vinifiée et élevée en barrique, donnant un vin ample avec la présence tannique qui marque les vins de ce terroir marno-calcaire riche en fer. Ce 2005 offre une très bonne maturité et un excellent état sanitaire, gages d’un vin abouti. Encore marqué par son élevage sous bois, il laisse cependant déjà apparaître une bouche profonde et de grande longueur, révélant la puissance de ce terroir solaire (17 g/l sucre résiduel).

Faut oser non? Balancer un vin au millésime solaire (sans excès) sur un terroir qui n'hésite pas à exprimer les photons reçus sur un homard à la nage. On aurait pu être à mille bornes pour entendre grogner la foule, que ça l'aurait fait sans problèmes, surtout qu'en ces temps de polémique "appellatives", il n'en faut que très peu (trop peu hélas) pour associer les désaccords qu'on a avec l'homme au travers de ses vins. Par rapport au Pinot Gris d'André Ostertag, on est ici dès le nez totalement sur la puissance tant au fruit qu'au floral (belles notes de tilleul). Tactilement, l'acidité dresse le vin et comme les sucres font preuve d'une belle intégration, que le côté salin est incontournable, on comprend l'intérêt d'associer ce vin avec le jus d'épices. Osé, certes... mais pas en opposition.

Au final, deux de mes plus grands vins de la soirée, sur un plat qui est capable de "boire" pas mal d'accords... c'est le nirvana.

Le Gâteau de Foie Gras aux Pommes caramélisées au Vinaigre de Muscat

Bien que le diner soit déjà largement révolu, je me demande encore aujourd'hui s'il existe un seul autre endroit au monde où on est susceptible de vous servir, pour un plat gastronomique, une telle portion ! Pour avoir une idée un peu objective du monstre, il y a lieu de multiplier l'image au moins par 3! Si ma préférence va de loin au "poêlé" (sur le lit de pommes, c'est tuerie!), faut reconnaître que malgré sa taille, le foie gras classique ne manquait pas de finesse... loin de là

Riesling Grand Cru Schlossberg Vendange Tardive "Trie Spéciale" 2004 - Domaine Weinbach

Si 2004 fut une année délicate pour produire de grands rieslings sur terroirs calcaires, les terroirs les plus drainant comme le granit du Schlossberg ont permis une bonne maturation du riesling. Phénomène plus rare sur le Schlossberg, le climat a permis le développement rapide d’une pourriture noble de grande qualité, les baies de riesling se colorant en rose de manière rapide et homogène. Un tri tardif sur les plus vieilles parcelles du domaine situées en milieu de coteau a permis cette production unique d’une trie spéciale. Véritable essence de riesling botrytisé, le vin combine une pureté cristalline avec une fine salinité. Un vibrant hommage au premier terroir classé Grand Cru en Alsace (87 g/l sucre résiduel).

Première association du jour, ce Schlossberg en VT particulièrement réussi, profitant de la belle qualité des acidités du millésime pour maîtriser son sucre.... 87 g, pour un riesling, c'est pas obligatoirement de la dentelle. Mais au risque de me répéter, c'est le riesling qui donne souvent les VT les plus digestes et étincelantes. Et c'est le cas, ici, l'association avec le poêlé étant "magique". Malgré ce qu'en dit Thierry pour le botrytis, je trouve en plus que le côté "champignonneux" ne joue pas les fiers à bras, laissant largement la finesse s'exprimer.

Riesling Cuvée Ernest Sélection de Grains Nobles 2007 - Domaines Schlumberger

Cuvée rare réalisée précédemment en 1945, 1971 et 1999, produite en 2007 à partir de raisins passerillés récoltés sur le versant Sud du Grand Cru Kitterlé, c’est un vin qui possède toute la finesse d’un riesling liquoreux produit sur un terroir de grès. L’ampleur du vin et sa pureté en bouche, déjà expressifs sur ce vin jeune sont ici complétés par des arômes d’une complexité et d’une finesse déconcertante. La Cuvée Ernest a tout pour rejoindre le panthéon des grands vins d’Alsace, auprès de ceux qui auront eu la chance de le goûter (102 g/l sucre résiduel).

Il y a la noble origine du terroir et le fait que du riesling à de telles doses de résiduel, c'est toujours captivant, certes. Mais, désolé, je ne parviens pas à accrocher. Déjà que le vin me paraissait légèrement dévié (ce qui m'a valu les gros yeux de dame Guggenbuhl), y a rien à faire, pour moi le sucre écrase tout et sur le foie gras "compacté" , c'est vraiment too much. Probablement qu'il faut laisser à un tel vin le bénéfice de sa trop grande jeunesse, quelque chose me dit que ce n'est pas la dernière fois qu'on va se rencontrer...

Mais ce soir-là, en l'état, le domaine Weinbach décroche tous les rounds du match.

Les Fromages affinés de Jacky Quesnot

Pas de fromage à la Taverne Alsacienne sans que Jacky Quesnot soit de la partie, surtout que pour le coup, cet exemplaire artisan nous aggrémente de sa présence et de ses commentaires.

Il nous propose :

1° (en haut à gauche) un Chèvre Nature de la Chèvrerie du Bambois à Lapoutroie, Caillé Frais de sel. Lactique... la tuerie de l'assiette (quelle fraicheur !)
2° (en haut au centre) un Munster de la Ferme de Mireille et Didier Humbert, Montée du Col des Bagenelles Ste Marie aux Mines. Dense, fin et subtil
3° (en haut à droite) un Comté de Montagne, troisième plateau du Haut Jura, 16 mois d'affinage. Fruité et long en bouche sans agressivité
4° (en bas) une Fourme d'Ambert au lait cru, grasse au beau persillage. Tout en rondeur

Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé Vendanges Tardives 1983 – Seppi Landmann

Impossible de m'arrêter ici sans ne pas mettre en évidence la paire la plus "dangereuse" de toute l'Alsace, soit Seppi à gauche et Marc Tempé à droite ! Probablement, en présence de leurs vins, le meilleur antidépresseur au monde !

Produite sur un terroir calcaire comprenant des inclusions de grès, cette cuvée 1983 est une vendange tardive à l’ancienne, c'est-à-dire une récolte de raisins surmuris qui a donné un vin quasi sec. (NDLA : 1983 est la dernière année précédant la législation sur les VT alsaciennes). La qualité du Zinnkoepflé se retrouve dans ce vin à la robe brillante et aux arômes de fleurs encore très présents, mais surtout en bouche avec cette pureté de texture et cette charpente dense qui conserve une bonne structure au vin. Expression typique sans être moelleuse du gewurztraminer de grand terroir, c’est un vin qui est à son apogée et y restera encore longtemps (6 g/l sucre résiduel).

C'est la troisième fois que j'ai la chance de goûter ce vin en présence de Seppi, la troisième fois, aussi sur les fromages de Maître Quesnot, et à chaque fois, c'est la même évidence, on frise l'accord parfait, particulièrement sur le Munster. Maintenant décrire cette chose comme un Gewürztraminer, c'est une autre paire de manche. En fait dire vin de terroir conviendrait plutôt totalement, tant les côtés sec et pierre sont à l'honneur, sans que de mauvais amers viennent perturber l'incroyable longueur de la finale. Un vin qui appelle littéralement la table !

Gewurztraminer Grand Cru Goldert Vendanges Tardives 1989 en Magnum - Zind Humbrecht

Une cuvée très riche récoltée à maturité de sélection de grains nobles, qui exprime toute la puissance des calcaires du Goldert dans une version patinée par le temps. Le miel et les fruits jaunes confits qui dominaient le vin jeune ont progressivement fait place à des arômes plus complexes, la bouche prend une belle fraîcheur sans lourdeur, révélant un vin profond de grand terroir qui arrive doucement à maturité. Le potentiel de garde reste très important, surtout avec les imposants magnums (88 g/l sucre résiduel).

Avant tout, ce vin doit être pris pour lui-même et rien de plus. Parce qu'à lui seul, il exprime tout comme son prédécesseur jusqu'où dans un grand millésime un terroir peur marquer un vin, ici, dans le moelleux. Trouver un atome sous-homéopathique d'arôme variétal dans cette chose est entreprise bien difficile. Festival de fruits jaunes (ca pète l'abricot confit!) et de fleurs blanches au nez comme en bouche, salinité peu commune, longueur hors norme, demandez le programme...

Par contre sur les fromages... à nouveau faut oser. Avec le munster, c'est un choc de puissance en opposition. Le côté frais du chèvre est écrasé par le moelleux du vin. Le comté, trop fragile, ne résiste pas et est emporté sous les puissants flots aromatiques du Goldert.
Reste la fourme, plus ronde, plus grasse, elle offre un intérêt plus que certain dans l'accord. A revoir...

Les Figues fraîches de Solliès rôties à la Cannelle, Coulis de Framboises et Glace Vanille Bourbon

A ce stade, la gageure c'est encore trouver un millimètre cube de place dans ses entrailles pour accueillir cette dernière bête où l'intérêt primordial sont les figues rôties. Je sais pas pourquoi, mais je m'imagine, là, en pleine Rome antique... orgies, vous voulez des orgies.
On a beau être dans l'incapacité d'encore ingérer quoique ce soit, à peine le premier morceau de figue embarqué sous les pailles, c'est le réflexe de l'oisillon affamé qui reprend le pas. En plus, je ris sous cape.. mon voisin André, s'apprête à nous quitter pour une autre fête, une nuit prometteuse, somme toute. Moi, j'ai mon corps de phoque pour stocker, mais le mage d'Epfig, sec comme un hareng séché de six semaines, il met ça où ?

Pinot Gris Altenbourg Vendanges Tardives 2008 - Domaine Albert Mann

Si les vins moelleux sont souvent destinés à une longue garde, ils savent également révéler jeune de grandes qualités dans l’expression de leur terroir d’origine. Les remarquables VT et SGN du domaine Albert Mann possèdent une pureté d’arômes et de texture qui les rend déjà équilibrés jeunes, avec sur cette cuvée le terroir argilo-calcaire de l’Altenbourg et la vivacité du millésime 2008 qui aident à préserver une belle fraîcheur sur un vin aussi moelleux. Un tel équilibre ne s’obtient que par une qualité de raisins parfaite au moment de la vendange, et par un terroir d’exception. Parti pour une grande garde, ce vin offre déjà jeune un équilibre proche de la perfection (110 g/l sucre résiduel).

Le problème avec des PG de 110 grammes, c'est qu'on est souvent au bord de l'écœurement, particulièrement sur ces... figues ! Et là miracle du millésime allié à la précision de la vinif, plus la touche de l'Altenbourg, terroir fabuleux pour VTs en folie, on est sur un remarquable accord avec la figue. Je m'attendais à un infanticide, il n'en est rien, tant la chose est sur la grande buvabilité. Un vin qui tient son rang de la soirée... largement.

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles "S" 1989 - Hugel et Fils

Le millésime célébrant les 350 ans du domaine a eu la bonne idée d’être très grand pour les vins de botrytis, et les meilleurs gewurztraminers du domaine ont été récoltés en plusieurs passages, créant plusieurs cuvées de sélection de grains nobles, dont cette cuvée « S » de très grande richesse. Elle délivre ici tout le charme des grands vins de terroir récoltés en surmaturité et conservés patiemment en cave, avec des arômes complexes se dévoilant par palier, et une bouche d’une patine et d’une longueur si envoutantes que certains affirment que le meilleur accord reste la dégustation du vin pour lui seul (153 g/l sucre résiduel).

Pas difficile de rebondir sur les propos de Thierry... ce genre grains nobles stratosphériques a-t-il un sens en accord avec quoi que ce soit. Aromatiquement et tactilement, c'est encore terriblement jeune, riche, puissant. On est au bord de la luxure et c'est là peut-être aussi le problème... ne faudrait-il pas attendre encore 50 ans ?
En fin d'orgie alsacienne, faut être vachement bon palais pour arriver à tout piger... personnellement, je rends les armes.

Conclusions

Au terme de tout cela, je pourrais dire simplement "Burps" avec un sourire béat. Je pourrais aussi faire fermer toutes les usines de pèse-personne, l'objet devenant inutile, mais ce n'est pas ces calories démesurées qui vont me faire peur... Il reste alors en mémoire la finesse, la précision et l'incroyable variété des aromes dans l'assiette comme dans les verres, ce plaisir jouissif à côtoyer ainsi ceux qu'autrement j'admire à travers tel ou tel article ou encore noble flacon, religieusement sortie de la caverne aux miracles.

Au delà de tout, voir aux côtés de Thierry, un Jean-Philippe Guggenbuhl, plus volubile que jamais, complètement libéré de sa réserve, sourire ainsi, c'est Noël en automne. Merci messieurs !

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Commentaires
A
Dément et sublime, quel bonheur d'avoir le privilège de participer à de tels évènements et c'est un Alsacien qui parle !
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S
Merci Patrick pour ces notes.<br /> <br /> Comment ne pas être heureux de voir bras dessus, bras dessous Marc Tempé et Le Seppi ! Tout les oppose et pourtant ils sont là, ensembles, pour défendre l'image de l'Alsace au travers d'un superbe repas imaginé par Thierry et dessiné par Jean-Philippe. <br /> Le choix des vins est grandiose car ils sont tous unique dans leur style. Un crémant hors norme, une sainte droite et fine et pourtant pleine ( oops !!) un mambourg si fin et ciselé dansant sur un terroir si lourd et puissant, une VT de Weinbach, parfaite adéquation du cépage et du terroir granitique. j'arrête là car cela me donne soif.
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P
Bravo et merci...grâce à toi nous y étions un peu..<br /> <br /> @+<br /> <br /> Pierre
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T
Pour ce compte rendu. Le diner voulait rassembler des grands vins combinant qualité et aussi une certaine notoriété, sous cet angle de fut une grande réussite.<br /> Chose peut-être moins visible dans ton compte rendu, c'est effectivement que la rencontre des flacons s'est doublée d'une rencontre des vignerons, qui se sont retrouvés à table autour de grands vins, de style parfois très différents. En France les vignerons ont souvent des difficultés à agir ensemble et à dépasser leurs différences, ce diner fera partie des rares moments où l'élite du vignoble alsacien s'est retrouvée pour célébrer ses grands vins.<br /> <br /> Il faudra aussi que je m'attèle au compte rendu...<br /> <br /> Thierry
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E
Merci de donner un écho à ce véritable EVENEMENT largement sous-valorisé, heureusement que nous avons notre grand ambassadeur belge ! Merci Patrick (et pour les avantages de l'éloignement je te donne de plus en plus raison....même moi qui ne suis qu'un petit amateur...)<br /> Eric
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