Haro sur le bio !
Pas envie de rire, ces derniers jours, et pourtant, ce ne sont pas les dégustations festives qui ont manqué…
Le responsable de la paralysie de mes zygomatiques : les haro sur le baudet bio…
Car il ne fait plus uniquement bon ménage dans le marketing, le bio, aujourd’hui, il nourrit et égaye de plus en plus les faiseurs de bruits et de controverses. Somme toute logique, en fonction de la part grandissante de l’intérêt qu’il suscite…
OUI, MAIS…
Que le marketing se soit largement emparé de la chose, il n’y a rien d’étonnant; on a la société qu’on mérite et le pouvoir d’achat se retrouve aujourd’hui largement dans les mains de personnes qui vont d’anciens soixante-huitards à de jeunes et très jeunes consommateurs, qui de plus en plus, ont grandi dans un éveil à vouloir au moins tenter de respecter cette bonne vieille croute qui nous supporte tant bien que mal. C’est donc l’aubaine absolue pour tous ces gens dont la mission, du matin au soir, est de trouver de la nouvelle part de marché, surtout qu’aubaine en second, le bio, on peut vendre cela plus cher, pas la peine de placer cela en produit d’appel, à droite, en rentrant dans le supermarché.
Et on ne va donc reculer devant rien pour un peu plus victimiser ces masses de bio-addicts qui fleurissent toujours plus nombreux à chaque millésime. Parce que l’essentiel, quand on ouvre un nouveau marché, c’est de fidéliser un max avant qu’il ne s’épuise.
Alors, il n’y a rien d’étonnant à avoir vu ce marketing balancer, en veux-tu, en voilà, des arguments, à mon avisa ussi très fallacieux, du type, le bio, c’est bon pour votre santé, avec son corollaire imbécile, si tu bouffes pas et tu bois pas bio… « TUMEUR ».
Et bien évidemment aussi, qu’il fallait s’attendre à ce que des âmes en peine de croyance, dans l’attente de quelque prévision maya (Raël, faisant moins recette, ces temps derniers), se jettent à corps perdus dans les thématiques du type, sauvez vos vies, mangez, buvez, fumez bio, c’est votre seule chance de salut, join the army now. Je ne vais pas à Hyde Park tous les jours, mais une fois suffit pour avoir sa dose… A propos de dose, notez bien que tout cela marche aussi très bien pour le soufre.
Et bien évidemment, encore, que la situation a largement changé, dans la viticulture, par exemple, entre le vigneron qui se faisait crever les pneus parce qu’il lançait le bio au village et celle du jour où on ajouterait bien trop souvent par tous les moyens, un petit label bio aux quatre coins de l’étiquette… ce genre de dérive est inévitable, elle a eu lieu dans l’agriculture chimique aussi, après-guerre. Et dans toutes formes de commerce. Je vends du médicament, j’en connais un rayon. Là, c’est souvent plus du marketing, c’est un besoin inhérent à chaque individu, survivre et mieux, si possible!
Et donc…
… donc, forcément, on offre ainsi trop l’occasion aux charognards en mal de presse de se déchainer avec des arguments qui tiennent la route du type, z’avez vu, ils nous font croire qu’avec leurs tomates bio, on va vivre plus longtemps… EVIDEMMENT.
Et que ce genre d’arguments soit balancé dans la presse généraliste à grands cris, comme dans le Monde, récemment, y a rien d’étonnant, le buzz, ça fait toujours vendre…
Y en a même qui finiront par démontrer que le Bio est plus dangereux pour la santé que le traditionnel… qu’on aurait dû asperger des germes de soja bio sur les forêts viets il y a quarante ans, que pas un de ces sales rouges n’aurait survécu plus d’une semaine. Vous voyez bien le tableau, non ? Après le tabac, l’alcool, le chicunmachin, voici le soja bio tueur et les affameurs de tiers-monde.
Alors, la mission de ces nouveaux chevaliers, de ces Men in Black improvisés, devient la traque à tous vents des dangereux pervers bio qui cuivrent leurs vignes… et qui vous mentent à coups d’arguments fallacieux pour encore mieux écouler leur jus insipide.
Pause, enfin plutôt mise au point à ce stade
Qu’on me lise bien ici, sur ce qui suit, je ne m’en prendrai à personne en particulier, ni à quoi que ce soit, qu’il soit blog, forum, journaliste, facebookien ou que sais-je, ce n’est pas le but…
Il fallait bien s’attendre à lire donc un article qui fait la joie des abrutis en mal de manège, comme celui récent du Monde, article que, si vous fréquentez un peu le web du glou, vous avez dû lire immanquablement. Il fallait donc s’attendre aussi à ce qu’un quidam réussisse à reprocher à un organisme comme le Syndicat National des Entreprises Bio de susciter l’inscription d’adhérents avec des arguments aussi horribles que « la valorisation de la qualité spécifique nutritionnelle, sanitaire, environnementale de vos produits biologiques ». Parce que, c’est bien connu, ma bonne dame, ce genre d’arguments n’a jamais été utilisé par aucune autre forme de syndicats agricoles, d’industrie agro-alimentaire, voire du marché des voitures ou des sex-toys.
Tout cela est somme toute logique ET ne me dérangerait pas le moins du monde si ce genre de prises de position n’émanait pas aussi de gens qui se prétendent vivre une certaine forme de passion autour du vin, et plus particulièrement de gens qui prétendent prendre plaisir à le boire.
Car c’est là que je regrette que la liberté que nous donne notre monde d’hypercommunication ne parvienne pas à éditer les moindres règles de déontologie du moins dans la portée de nos propos. C’est sûr que la déontologie (j’en sais quelque chose), c’est souvent un peu chiant, ça balise, ça empêche d’aller pisser dans le jardin du voisin, mais ça peut aussi empêcher des gens qui se battent dans leur vie professionnelle et leur passion, souvent avec une interaction profonde, de se sentir meurtris, parce qu’il lisent, du fait de passionnés, que s’ils ont choisi une voie de culture (qu’elle soit bio ou traditionnelle), c’est pour mieux vendre, en vous intoxicant, au moins, à coup de mensonges.
Parce qu’en fait, vous comme moi, dans vos rencontres avec les vignerons, on vous l’a fait souvent de vous dire à l’accueil que s’ils ont choisi le bio ou la bioD, c’est pour préserver d’horribles mutations les fœtus en formation ?
C’est vrai, moi, sur un bon quart de millier de fois que j’ai rencontré différents vignerons, on me l’a fait, une fois, dans une conférence, et j’ai été pris d’une soudaine envie de quitter les lieux…
Non mais, voilà, moi, ce qu’on me dit dans l'immense majorité des cas, comme à vous, je pense bien, c’est que leur choix est justement motivé par « la valorisation de la qualité spécifique nutritionnelle, sanitaire, environnementale de vos produits biologiques ».
Et où est le mal là-dedans… au contraire !
Et ce choix est-il facile ? Le travail que cela exige a presque doublé, les couts de production sont souvent reconnus comme plus importants… le prix du vin en a-t-il augmenté pour autant ?
Mais c’est tellement facile de dénigrer, surtout quand il y a de l’humain derrière, y a de la passion, y a même de l’art, c’est donc bien plus rigolo dès lors… En plus, cela n’a que tellement peu de risques, même si dans sa cave, on a au moins 50% de bio ou bioD, le vigneron, il ne sortira jamais de la bouteille avec un gourdin ou avec sa déprime… La quille, on pourra l’ouvrir sans danger, non mais !
Alors, je sais, ceci est un plaidoyer aussi beau qu’inutile et utopique, mais si vous aimez le vin, par pitié, modérez-vous, arrêtez de mettre trop facilement en doute ceux qui font ce que vous aimez, qu’ils soient bio ou non, arrêtez de vous trémousser les zygomatiques au premier jeu de mots sur un canard quelconque, pensez une seconde à ce qu’il y a derrière, et n’oubliez pas que pendant vos vacances, vous irez plus que probablement serrer la pince à des gens dont vous avez tant souri de la philosophie de profession et de vie.
N’oubliez jamais que la plupart de ces vignerons que vous appréciez, ils ne font jamais que du vin pour procurer du plaisir, celui d’être ensemble, de déconner d’autre chose que d’un germe de soja, de faire autre chose que de déstructurer le vin que l’on boit, de laisser descendre, tout simplement.
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout….