VDVs #55 : le Vin à Contrepied
A n’en pas douter, David Faria est l’homme- orchestre du mois. Déjà qu’il était Bicéphale et Buveur, le voilà autocatapulté président des Vendredis du Mois d’Avril 2012, avec un thème aussi évident que le bon sens, « Le Contre-Pied ».
Il avait dû bien sentir son poulpe, l’oiseau, mais pouvait-il vraiment à ce point deviner qu’au même moment les phalanges teutonnes nettoieraient la planète foot de ses ibères, vraiment pas assez rudes, ce printemps.
Et je ne vais pas m’appesantir sur le ballon rond… j’ai un tant soit peu remarqué que la chose n’avait pas trop la cote chez les adorateurs du glou, en tous cas chez les vendredivinistes bruxellois, qui chaque mois, se réunissent pour honorer la Vestale Iris de leurs oenodélires.
Et pourtant, c’est dommage, le foot, moi, j’adore. Surtout le contre-pied, le contrepet, n’étant lui point mon fort. J’adore parce que le contre-pied reste définitivement la meilleure façon de surprendre, donc d’arriver le plus vite à son but. Et un gars qui prend son pied à contrer les idées reçues pour arriver vite au but…. J’appelle ça un jouisseur, Madâme, un bon vieux ‘tain de jouisseur.
Donc Môssieur Faria, en plus d’être le Remy Brica de la toile, vous êtes assurément un ‘tain de jouisseur pour nous avoir jeté ce thème en pâture dans l’arène du glou..
Ça tombe bien, nous aussi, on est des ‘tain de … à Bruxelles. Et on va, une fois de plus, pas se priver, non peut-être, parce que des chrétiens de vins à dézinguer à contre-pied, ça manque pas…. visiblement.
"Force et honneur, j’en ai bien peur"
Alleï, une fois, Bicephallus, Imperator Naturalovinorum, Bibituri Bruocselli te salutant.Elle pas belle mon intro, hein, Faria ?
Dans la notion de contrepied, deux directions sont évidemment possibles : soit on parle de déceptions qui ont pris nos neurones de buvabilité en défaut, soit on cause de machins, ovnis ou originalités qui nous ont mis tous les axones en surexcitation d’interconnexion, provoquant des raz de marée de plaisir dans le tube digestif et surtout ailleurs.
Afin d’éviter de parler des vins du futur catalogue des 3 intrants de B&D (la version épurée sans levures indigènes), nous avons choisi ici l’option surexcitation neuronale ou, quand le vin à contre-pied devient l’endorphine du pôvre c… (comme ne manquera pas de le dire Nicolas de Rouyn, en lisant ces lignes).
Pour ce qui suit...en italique, un peu de sérieux, mesdemoiselles, je vous proposerai quelques réflexions sur le mot thème du jour… Ne cherchez pas la relation avec les vins, il n’y en a pas… et il y en a tellement à la fois.
Attendez-vous à du bien subjectif, du poncif, du téléphoné, du guerrier, bref du défaut à 100%.
Départ en fanfare avec des bulles royales puisqu’il n’y a pas lieu de faire la fête sans une petite bulle du domaine Francis Boulard, dans sa version Rachais 2006.Chez les Boulard, c’est un peu comme le cochon, tout y est bon, mais il y a des morceaux d’anthologie, c’est sûr, et ces Rachais, en sont, assurément. Des bulles parfaites, étincelantes, un nez splendide, puissant, complexe avec du fruit mais surtout un floral énaurme…
Tout ça vous met déjà le Casillas à genoux, à une seconde du cébut du match!
Mais, surtout, dans c'te vin, il y a cette bouche, ample, complète, longue, slurpissime de fruit et de tension…
C’est trop bon !
Evidemment, les Zabitués de mes délires se demanderont en quoi le choix des Rachais est susceptible de prendre en défaut un Messi du Mondoglou…
Mais c’est qu’il faut le répéter : pour moi, les vins de la famille Boulard, ça a été comme la naissance d’un bon gros Jésus... et il y aura av FB et ap FB…
Tout ça pour dire qu’av FB, je trouvais les Champagnes emmerdants au possible, aussi intéressants en diversité qu’un Pepsi versus un Coca. Et puis, il y a eu l’ap Fb, la découverte qu’il y avait chez Francis et ses potes, Tarlant et consorts, de véritables bulles d’âmes qui avaient réussi et continueront à prendre mes conneries de préjugés en défaut.
Le contrepied, c’est quand des vignerons cherchent à conserver une dimension artisanale, plein de contraste et de risque, aussi anarchique que la vie dans son essence biologique, alors que le monde va à vaut l’eau pour permettre à une minorité de se sucrer grâce à l’abus de produits formatés.
Quittons les bulles pour une surface plus tranquille avec le candidat au titre suivant. Il a un bien beau nez citrique plein de pamplemousse mais aussi quelque note anisée. Il a surtout une bouche parfaite d’équilibre, tendue et enrobée, fruitée, presque mielleuse mais toujours fraiche, ce Muscadet « Miss Terre » 2012 de Marc Pesnot. Un vrai vin d’été, hors norme, que sont ces extraits de vieilles vignes, complètement sans soufre, à base de Melon de Bourgogne et élevées dans des cuves en verre sous la terre…. Quand Altobelli dribble les chardos du Tarriquet… quoi !
Le contrepied, c’est quand une revue trimestrielle comme le Rouge et le Blanc impose du contenu de qualité, sans intégrisme et surtout sans publicité, donc sans besoin de quelconque retour si ce n’est de plaire aux passionnés qui par leur suivi soutiennent l’existence de la revue alors que trop souvent la presse cherche à préfinancer la sortie de ses opuscules à coups d’encarts publicitaires qui ne font qu’alourdir dans tous les sens du terme ce que le lecteur attend d’eux.
La quille suivante est de prime abord plus fermée au nez, mais c’est parce qu’elle aime les prémices avant de se livrer dans sa complexité, florale et épicée.
Tout aussi complexe est la bouche, nette, pure, pleine de fruit, fraiche avec ici aussi un léger miel qui cohabite avec une kolossale sensation de minéralité saline. Il y a tout cela dans ce Sylvaner Vielles Vignes 2010 de Jean-Pierre Rietsch, un vrai vigneron qui s’y connait en termes de contrepied, que ce soit par ses cuvées quelquefois expérimentales, sa réflexion permanente, sa dimension artistique, sa « naturalité » proclamée et bien entendu cette volonté de s’accrocher au sylvaner, rejoignant ainsi les défenseurs du cépage mythique de Mittelbergheim.
Le contrepied, c’est quand un dénommé Albert Seltz fédère tout un village autour de son combat, de sa rébellion pour défendre le sylvaner, un cépage délaissé, en voie d’extinction, et allant jusqu’à faire de la tôle, obtient l’appellation Grand Cru Zotzenberg, alors qu’il aurait été si facile de faire pisser du jus de crémant.
On continue dans les blancs avec un vin au nez complètement déroutant, un peu avancé, entre caramel et hydrocarbures. En bouche, même si la limite de maturité se précise, même si l’alcool un peu capiteux est de la partie, cela reste soyeux et frais, l’acidité n’ayant perdu, quant à elle, aucune vigueur. Véritable OVNI de la viticulture champenoise, voici le Bouzeron 2005 d’Aubert de Villaine, qui nous prouve qu’il n’y a pas lieu de chercher dans le chardonnay, ce qu’on peut faire avec un cépage qui n’a hélas que trop la vocation de recevoir de la crème de cassis.
Le contrepied, c’est quand un vigneron, en plus de faire des grands vins, se met à se casser le cul pour concevoir avec d’autres artistes, de vraies étiquette, qui anime et décrivent le vin avant même de l’avoir humé, qui provoquent de la réflexion, cette première étape vers l’émotion, allant ainsi à total contre-courant du sacrosaint « label » de nos société industrielles.
Next one , White toujours … Nez puissant, presque un peu vert, mais qui à l’aération part sur le citrique, l’anis, puis un énorme vague florale,et, plus ça va, plus la complexité se marque, en fait.
De par l’acidité très présente, la bouche est extrêmement fraiche et si le fruit ne domine pas, c’est tout profit d'une salinité qui surprend pour une … jacquère, plus exactement la cuvée Marius et Simone 2011 du domaine Giachino, des potes savoyards au Berlioz qui vont faire parler d’eux.
Certes c’est encore très voire trop jeune, mais, purée, une telle salinité, si c’est pas du contrepied total pour ce cépage, alors qu’est-ce que c’est ? Au passage, merci à Stéphane de Zabonprés pour avoir déniché ce petit trésor qu’on trouve désormais chez un célèbre caviste de la capitale européenne.
Le contrepied, c’est quand un vigneron ou encore plus une vigneronne vous emmène pour une longue promenade bucolique dans ses vignes, se livrant totalement, en douceur mais sans pudeur, alors que vous n’avez rien à lui acheter, juste votre passion à lui offrir. Ce genre d’émotion que j’espère vous connaissez toutes et tous, ça vous la met la chair de poule, quand vous y repensez, et surtout, ça vous téléporte grave à des années-lumière d’une quille dans un rayonnage de grande surface.
Pour le vin suivant, on se retrouve à nouveau sur un vin fermé mais qui, lui aussi, laisse présager une belle complexité. En fait, ce nez est déroutant, très difficile à cerner, presque faisant penser à un chenin de Savennières.
La bouche est riche, puissante, un peu carbonique, mais aussi grasse, fruitée, épicées avec une salinité qui éclabousse littéralement la longue finale.Ca sent le terroir à donf et personne ne parvient à trouver le sauvignon dans cette cuvée « Silex » 2011 du Domaine des Eminades en Languedoc .
Tout, ici, nous prend à contrepied, le variétal inexistant, la structure presque nordique et l’absence de sensation de bois, bien que bien présent (vieilles barriques).
Le contrepied, c’est aussi quand une bien jolie bande de gugusses dont l’ainé pourrait être le père de la plus jeune vous balance dans la gueule un recueil de plus de 100 Tronches de Vin où le fait de basiquement décrire des vins voire une propriété est balayé pour mettre de l’âme, de la vie, simplement en parlant «humains »… A vous de juger par vous-même pour la suite… Il n’y a aucune ligne directrice, ici, juste du vécu…
On retiendra du vin suivant qu’il a toujours transcendé nos palais par son expression de salinité, totalement à l’ouest de ce qui se fait généralement en blancs du Roussillon. Hélas, dans la bien nommée cuvée « Fleur de Cailloux 2011 de Jean-Philippe Padié, ce soir, un ptit défaut de bouchon s’était inséré, juste ce qui faut pour pervertir ce bon jus.
Le contrepied, c’est quand un caviste s’investit, se mouille, prend des risques et devient un acteur positif en vous faisant découvrir et/ou aimer ce qui vous faisait peur, ce pour quoi vous aviez des préjugés, et cela, sans lignes directrices, à nouveau, si ce n’est celle de faire partager son plaisir. Vous avez dit Nicolas….. Non, pas vraiment, chef…
Toujours en blanc, voici venir un nez bien chardonnay avec du beurre, des agrumes et de la pierre à fusil. En bouche, point de déni, le beurré signe le cépage, mais pas de boisé ici, juste un gras ultraminéral avec une tension qui vous la fait trop buvable !
Même s’il est léger et que l’âge se fait sentir ; il descend vraiment tout seul, ce Moutheron, chardonnay 2007 en VDP de Franche-Comté…
Bien sûr, on vous voit venir… y en a d’autre de bons chardos comme ça….mais soyez honnêtes, avec une étiquette dans ce genre là et une telle appellation, il fallait vraiment oser l'acheter, hein,... Et qui l'a acheté... Ben, nous… et, pan, dans la lucarne !
Le contrepied, c’est arrêter de trouver des liens de cause à effet quand un vin n’a pas l’aromatique formatée à laquelle vous espérez vous attendre, en incriminant je ne sais quel non soufre, quelle levure, quelle manière de travailler; le contrepied,c’est quand vous arrêtez de dire que ça pue, parce que VOUS n’aimez pas, et surtout quand vous acceptez que vos goûts ne sont pas universels, que d’autres sont libres d’aimer autre chose et par-dessus tout que vous les laissiez LIBRES, les autres,d’exister comme ils le désirent.
Alors maintenant, Faria… t’en veux un bon gros de contrepied, le truc qui fait peur même aux martiens tellement qu’il surprend…. ? Alors en veux-tu en vlà, et c’est du bon, celui-là, ce vin du nord du Douro qui porte le doux nom de Quinta do Ameal Escolha 2008…
Un pif royal de complexité, de fruits murs, presque joyeusement surmuris, une bouche à la fois ronde et droite, parce que le soleil joue ici les bons équilibres avec la fraicheur... Et puis, il ya cette aromatique qui laisse interdit et cette classe qui vous place la barre à plus de 6 mètres… su’l cul !
Le contrepied c’est quand des humains fiers de leurs traditions, défenseurs des variétés de la vie font résistance aux lobbies de la graine, ces lobbies qui vont même jusqu’à tenter de corrompre les politiques pour empêcher les agriculteurs de replanter leurs propres graines… Un comble...
Un clone pour les gouverner tous, c'est ça... le Mordor Moderne….
Le contrepied, c’est quand on revient aux sélections massales, malgré tous les risques que cela comprend, juste pour éviter qu’un jour, tout goûte la même chose.
Allez… les rouges, une fois !
On débute avec une véritable révélation du récent salon de Seclin, soit Les Bonichons 2011, une Côte Roannaise du Domaine de Perrière. Par ce que là, faut-être honnête, dans un salon comme Seclin, il y a tellement de truc de dingues que tu te rues pas directement à la table de Roanne locale, surtout qu’à la place de la nana super bien roulée ou d’un gars « genre livreur de Pizza », t’as le tôlier, Philippe Peulet, à côté de qui le Francis Boulard paraît décharné.
Mais il y a ce foutu nom…. « Bonichons », ça, ça accroche et comme sous l’étiquette, il y a pas la plage mais un putain de vrai jus vineux qui déchire, avec de la matière et une fraicheur de malade…. On en devient vachement libidineux (enfin encore plus)….
Du grand et bon bonnet !
Le contrepied, c’est quand un resto abandonne sa cuisine prétentieuse juste bonne à égayer les prime time sur TF1 pour balancer des mets gouteux et des vins, pas ceux qu’on trouve partout, du chariot d’un avion aux tables du groupe Accord, mais ceux qui descendent tous seuls, ceux sur lesquels on empoche pas triplette ou quadriplette, ceux qui font réadorer la gastronomie, même aux petits portefeuilles.
Les deux vins suivants, on se doit de les commenter ensemble parce que, mine de rien, leurs géniteurs ont balancé un fameux pavé dans la mare en s’attaquant à l’amphore et en lui conférant ses lettres de noblesses. Ce soir pour nos avides papilles, c’étaient le Terlodego Sgarzon 2010 d’Elisabetta Foradori et le Cerasuolo di Vittoria Classico 2009 de COS qui nous ont prouvé que malgré un climat sensiblement différent, il est possible de faire des vins énormes, fins, minéraux, gouteux, ultrasalins, de purs vins de terroirs selon moi, bref de véritables petits bijoux.
Si Sgarzon et Morei sont ce que j’ai goûté, à ce jour, comme meilleur vins de Nord-Est de l’Italie, ce Cerasuolo est tout simplement mon meilleur vin sicilien de tous les temps… Je dis je...mais... les autrescompères, ils étaient bien d’accord, avec moi, même notre nouveau joyeux membre, un œnologue italien qui vient de se recaser à Bruxelles, 126 rue Blaes pour y partager ses coups de cœur dans son bar à vin…. Quelle bien bonne idée !
Le contrepied, c’est quand tu utilises les connaissances modernes, par pour faire plus vite, moins cher et plus formaté, mais pour comprendre… pour comprendre mieux et utiliser l’héritage millénaire que nous ont laissé nos aïeux. Avant que Giusto Occhipinti de Cos et Elisabetta Fordadori ne fassent éclater au grand jour des vins de qualité, élevés dans des amphores, tout le monde se demandait… « Oui, d’accord, mais.. », parce que c’est un fait, pas une amphore est la même, rien ne sera obligatoirement écrit à l’avance, mais quand tu goûtes des vins aussi précis, purs, go^teuxt, pleins et surtout vibrants, tu y penses de plus en plus souvent aux aïeux….
Et la chanson des Wallons de résonner…. « Et fiers de nos aïeux, nom de Dieu, disciples de Bacchus et du Roi Gambrinus… »
Allez hop, on arrive à la fin…. si, si…
Retour au bon jeu de mot, avec, après les pénos multiples, l’art du coup franc enveloppé et flottant, le ballon pourri à la Ronaldo qui tue….
Sauf, qu’ici, avec ce Franc Tireur Carignan 100 % VDP Cötes Catalanes 2010 du domaine Réveille, c’est pas pourri, que nenni, c’est pas flottant, que nenni, c’est juste le jus sudiste parfait pour finir une soirée, le truc puissant qui malgré les tanins, le bois, la matière, le soleil, vous balance un upercut de buvabilité… faut juste l’aérer, hein, parce jeune padawan, encore, il est !
Le contrepied… de nos jours…en fait, ce n’est que du bon sens….le sens de la marche de la vie….
Faria, si t’as encore des sujets comme çô en rayons, c’est quand tu veux, ma poule !
Et pour finir en beauté… un seul « portrait », pour une fois mais pas le moindre…. Celui de Mamzelle la photographe…. Et son regard qui tue !
PS : Bon, c'est vrai, en rouge, on a aussi dégusté Le Marginal 2011 du Domaine Tour Trencavel et Rozeta 2010 de Maxime Magnon … ils étaient très bons, juste pas trop en forme, ce soir-là.
Ou alors c’est nous qui commencions vachement… parce que qu’à Bruxelles, chez ces gens-là, Monsieur Faria, on ne crache pas, on cause pas, on flingue… les quilles !