VDV #57 : Vini Naturali d'Italia
Chez ces gens-là, Madame…. On ne crache pas !
Je suis un type excessif, je le sais et tout ceux qui me connaissent la savent, à commencer par le fait que quand une passion m’anime, mon entourage risque fort voire très fort d’en entendre parler. Et une de mes passions au moins actuelle, ce sont les Vins Naturels d’Italie… Pourquoi justement ces vins-là alors que la France recèle de trésors du glou ? Et bien… parce que je suis obsédé par l’idée qu’ils sont…différents… et pas qu’en acidité volatile. Je m’en expliquais ici il y a quelques jours… j’aurais peur de me répéter, hein !
Allié à l’esprit « communauté » des Vendredis du Vin, ce caractère excessif devait un jour ou l’autre se traduire par une libation extra-ordinaire ayant pour but de faire connaître haut et fort les vins naturels italiens. Bref… du lourd ! Et quand cela débarque de tous les coins de Belgique et de France pour « jouer avec », il faut s’attendre au pire… enfin, au plus mieux !
Parmi les joyeux animateurs ayant rejoint la déjà solide horde de Brusseleirs, citons :
- Pour la France : Monsieur et Madame Olif, plus communément appelés Olivier et Catherine ; Antoine Gruner et sa Justine Liégeois (qui n’est évidemment pas de Liège), Dealers de leur état (et grâce à leur nom de combat, nous voilà largement sous écoute de la NSA) ; Philippe et Mathieu Bon, « Oenophil » alsaciens, ; et… Eric et Hélène Leblanc, petits blancs sans cols
- Pour la Belgique : Paul Langlade (bien que français et vigneron à Cassis de son état) et sa dame Alisson (qui a appris à cracher) ; Aline Gérard, chef « Filles » et son sympathique binôme littéraire, Nathalie Dekeyzer
- Pour l’Italie (last but not least), una donna di vino, Laura di Collobiano de la Tenuta di Valgiano
Enfin, ça c’était pour le premier samedi après « Rue 89 »... parce qu’autant le dire directement.. y a eu des after…. et des sévères…
Studio 126
La première étape de cette journée officielle aux cinquante quilles avait lieu dans un tout nouveau petit bar à vin qui partage sa surface d’exploitation avec une boutique de décoration. Car au Interiors & Wine Studio 126 de la rue Blaes, on partage ses passions comme on partage sa vie, Madame à la déco, Monsieur aux vins, et pas n’importe quels vins, du naturel italien plein pot, origine oblige. Car Monsieur, c’est Massimo Coletti, un « vrai » œnologue formé à la prestigieuse école italienne d’œnologie de Conegliano, dans le Veneto, bref, un pur plaisir que de débarquer dans ce petit coin d’Italie où un vrai pro vous livre ses commentaires et vous fait partager ses découvertes, le tout à un jet de pierre de la Place du Jeu de Balle, épicentre d’un quartier bruxellois qui revit littéralement…. Une incontournable première étape de notre périple surtout qu’en plus des vins, des antipastis maisons nous sont annoncés.
Côté vins, pour faire les choses en beauté, en sus des découvertes de Massimo, Wim Bunnens nous offrait 9 vins sortis de sa cave « Cantucci », un des plus belles adresses en termes de caviste de vins naturels italiens… oui nous avons ça en Belgique, des cavistes de vins naturels italiens, même qu’ils sont au moins quatre… mais le plus beau, le plus grand, le plus fort... c'est Cantucci... Forza Cantucci !
On commence par un trio de bulles et à tout seigneurs, tous honneurs, deux Prosecco de l’Azienda Coletti, domaine parental de Massimo, situé près de Trévise. Le premier , Via Larghe 01, une IGT Glera Colli Trevigiani est à base de Glera, comme le dit son nom, avec un peu de Manzoni et de Pinot Grigio et il étonne par son côté terriblement sec et tendu, sans se refuser un côté résolument naturel, rien que par le côté trouble de sa robe.
Le second, le Giuse, en IGT Marca Trevigiana, est entièrement à base de Manzoni (hybride entre le riesling et le pinot blanc) et s’il paraît avoir plus de rondeur tactile, il se comporte encore avec plus de buvabilité, de fraicheur et de pureté que le vin précédent, le tout avec des bulles d’une grande finesse.
Deux vins « différents », totalement introuvable sauf au Studio 126, qui valent immanquablement le détour, surtout si le dimanche matin, vous fréquentez le Place du jeu de Balle à Bruxelles.
Pour clôturer la série des bulles, on passe à la cuvée « Despina » IGT Malvasia Emilia de chez Quarticello qui nous emmène sur des sentiers bien moins conventionnels et plus extrêmes sur la notion de vin naturel, le domaine étant un porte-drapeau du genre en Emilie Romagne. On reste toutefois clairement sur un Frizzante non filtré totalement sur le sec, mais ici en plus d’une tension très marquée, l’aromatique est plus levurée, avec des notes de Cantillon. Ce côté hypernaturel ne prive cependant pas le vin de fruit (principalement citrique) et surtout d’une énorme buvabilité fraiche. Bien sûr, sa puissance perturbe par rapport au côté très soyeux des deux Prosecco. Un vin résolument à ne pas mettre en toutes les mains, mais incontournable pour ceux qui sont avides d’expériences nouvelles à travers les sens.
Dans le registre « naturel », le premier blanc tranquille marque terriblement son territoire. Il faut dire que ce Gavi 2012, une DOCG Cortese di Gavi de la Cascina degli Ulivi est un digne descendant de son géniteur, Stefano Belotti, un des pionniers des vins naturels et de la biodynamie en Italie, pour qui toutes formes de concession avec le soufre ou l’interventionnisme en cave est à oublier de toute urgence. Le Cortese, cépage blanc typique du Piémont, traité ainsi peut surprendre, évidemment. A côté d’une acidité tranchante, le fruit, presque surmaturé domine les débats, le tout sous un fond tannique qui rappelle les vins oranges, bien qu’ici, point de macération. Comme pour tous les vins de chez Stefano Belotti, même les plus surprenants aromatiquement, le fait marquant, ici, est l’énorme buvabilité.
Le suivant de ces blancs messieurs est une petite merveille issue de la Cantina Giardino en Campanie, le Paski 2010 IGT Campania Coda di Volpe , un cépage rare et ancestral, mis ici à la sauce vignes de 50 ans d’âge. Il y a énormément à dire sur ce domaine et ses vins de « garage », (un article va suivre sur ce blog), mais je m’arrêterai ici à la robe dorée, tournée vers l’orange, à ce nez tellement puissant et original où le floral s’associe à des notes de cire et de térébenthine très puissantes, mais par-dessous tout à cette bouche qui a un équilibre et un toucher remarquable, avec en dehors des sensations tanniques, une fraicheur et une salinité incomparables. Un petit bijou.
On passe ensuite au Lamoresca Bianco 2010 une IGT Sicilia du domaine éponyme, un blend entre du Vermentino et de la Roussanne qui, autant le dire, a plu énormément aux convives, principalement par son fruit et surtout sa fraicheur qui atteint celles des blancs d’Occhipinti, que ce soit ceux de Giusto de COS ou de sa nièce Arianna. Un vin clairement orange, avec une malo de rouge, mais où la tannicité est tellement soyeuse qu’elle est presque imperceptible. A nouveau aussi et certainement, un vin « différent », mais doit-on s’attendre à autre chose, quand un portugais d’origine rencontre une flamande et fait du vin dans le Sud-Est de la Sicile ?
Pour terminer la série des “blancs” cap sur un vin super “orange”, où seul le nom de l’étiquette rappelle le vin... blanc. Il risque d’en faire encore causer beaucoup, ce Bianco 2011 Vino di Tavola du piémontais Ezio Trinchero. A base de Malvoisie, Chardonnay et Arneis, ce vin blanc de macération extrême est à ranger dans la catégorie apéro extraterrestre plutôt que vin blanc classique. Malgré une amertume qui rappellerait bien le Spritz, on est captivé par ses notes orangées, sa fraicheur géniale et son caractère inouï, ce vin faisant partie des découvertes à ne pas manquer, surtout si on associe le vin blanc italien au Vernaccia di San Giminiano…. FA-CE-TIOEUX !
On ne quitte pas le producteur pour entamer les rouges avec sa Barbera d’Asti Superiore 2007, une Barbera d’entrée de gamme modèle de fraicheur, de tanins suaves et de buvabilité. Un vin ni extrême, ni classique, à la fois de table gastronomique et de haute buvabilité qui aux environ de 13 euros représente une des meilleurs introductions possibles aux vins naturels du Piémont, son producteur étant passé dans la légende pour offrir des vins aussi abordables dans tous les sens du terme.
Cap ensuite sur la Toscane pour le vin suivant avec un domaine cher à mon cœur tant Elena et Dante de Colombaia représentent, dans cette noble région, mes modèles de producteurs de vins purement « naturels », modèles de recherche de ce que la nature peut et doit offrir à un vin, modèles de passion pour la biodynamie et la terre, modèles aussi d’un total anticonformisme qui donnerait certainement des cauchemars aux classiques toscans comme ceux de Mazzei.
Ce Colombaia Rosso 2011 IGT Toscana issu des vieilles vignes du domaine répond totalement à cette image puisque ce vin s’est vu amputer de deux ans d’élevage.... tout simplement parce que le couple trouvait qu’il exprimait déjà parfaitement son fruit après un an.. d’élevage, que les tanins n’avaient pas besoin de plus d’intégration et surtout que le buvabilité était déjà clairement présente. Tout est dit… bien sûr, cela peut paraître dur, rustique, terriblement acide à certains palais, mais je pense qu’il est vraiment là, le sangiovese ancestral ! Il faut un jour rencontrer Helena et Dante…. vraiment, car rarement j’ai vu des vins tellement à l’image de leurs géniteurs, même si eux prétendront que c’est la nature qui a tout fait. Autant dire qu’ici aussi, un article sur mon blog sur ce domaine est imminent…. et qu’il sera hautement subjectif !
On redescend encore (sur la carte, pas dans la cave) pour retrouver sur les deux derniers vins, le domaine Lamoresca avec deux cuvées spéciales.
La première de ces cuvées, le Mascalisi IGT Sicilia Rosso 2012 est un assemblage de Nerello Mascalese, un cépage sicilen ancestral, de Frappato et... de Grenache. Clairement, ici, on ne cherche pas de vendanger trop tôt et le résultat est d’une puissance terrible, avec des tanins encore très (voire trop) jeunes…. Mais la fraicheur et l’ébauche de haute buvabilité annonce ici un vin qui appelle la table. A éviter aux fillettes.
Plus accessible, plus vif, malgré des tanins qui déménagent encore très fort, le Nerocapitano IGT Frappatto di Sicilia 2011 qui termine la série reste un de mes coups de cœur siciliens. Bien sûr, c’est du « Lamoresca » et si on recherche le côté juteux pur des Frappato des Occhipinti, on risque de se bloquer la mâchoire, mais qu’on ne se trompe pas, cette rusticité relative a du bon sens, elle rappelle les origines du vin et le soleil de plomb sous lequel il a grandi. Et puis, et surtout, ce qui est magique, c’est que malgré toute cette puissance rustique, on réussit ici à vous faire un vin où l’alcool est à peine perceptible et où la volatile est totalement maitrisée.
Basin, Marot… et Valgiano
L’heure tourne et en ce premier jour de marathon vendredivinesque à la sauce Brusseleirs, il nous faut quitter Massimo et son Studio 126 pour aller à la rencontre d’une grande dame de Toscane en visite à l’incontournable cave de Jean-François Basin, soit chez Basin & Marot.
Et cette grande dame qui a décidé d’honorer de sa visite nos « Vendredis du Vin », c’est Laura di Collobiano de la Tenuta di Valgiano, véritable porte drapeau des grands vins sur les hauteurs de Lucca (Lucques), une des plus belles villes de Toscane, et un domaine sur lequel je me suis déjà largement épanché ici.
Mine de rien, le père Basin (qui en cette fin de printemps pourri lorgne sur le look stalinien de Super Mario), il est en train de se construire un petit jardin d’Eden italien sur son tarif, parce qu’après les Padovani Sisters de Fonterenza et Elisabetta Foradori, voici que Valgiano y est à l’honneur.
Revenons à Laura… En dehors de sa grâce et de son regard d’une vivacité hors norme, elle dégage une vraie personnalité avec une langue qui ne réside certainement pas au fond de sa poche. Le résultat, c’est qu’il ne faut pas s’attendre, avec elle, à un discours bien rond et bien poli (dans le sens abrasif du terme) sur ses vins et ceux des autres. En fait, pas trop besoin d’arrondir les angles, quand à coup de 15 ans de passion, d’obstination et de questionnement, elle a fait de sa Tenuta di Valgiano une petite merveille où les vins ont évolué d’un classicisme moderne vers une suavité et une buvabilité d’une rare évidence, marchant clairement, de façon très proche, sur les pas de sa chère amie Elisabetta Foradori.
C’est donc toujours un plaisir de découvrir ses nouvelles cuvées, tant on se doute, on espère et on n’est pas déçu de percevoir une nouvelle évolution vers la classe et le plaisir réunis.
Dans le registre du vin de fruit, à haute buvabilité mais qui en a derrière, en termes de structure, la cuvée Palistroti di Valgiano IGT Colli Lucchesi 2010 fait office de modèle absolu. Ce vin a tant au nez qu’en bouche une fraicheur fruitée réellement gourmande sans jamais tomber dans le piège de la surmaturation ou du surjuteux, parce la structure globale et les tanins, même très intégrés, sont là pour donner au vin une consistance gastronomique. Ce vin est un véritable danger pour les festoyeurs en tout genre tant ils pourront en abuser de l’apéro à tard dans les profondes nuits d’été. Pas étonnant que les buveurs de glou lui mettent souvent même une petite préférence par rapport à la cuvée classique.
Parlons-en donc de la cuvée classique, la Tenuta di Valgiano IGT Colli Lucchesi 2010. Comme je l’ai dit plus haut, pour comprendre, il faudrait presque goûter tous les millésimes précédents et ainsi ressentir combien grande est l’évolution vers la complexité, vers une minéralité extrême, avec un fruit désormais tout aussi omniprésent mais jamais solaire, une rondeur tout en finesse et enfin des tanins structurant mais d’une grande élégance. Si l’édifice 2010 est encore en pleine jeunesse et a certainement besoin de deux ans pour se fusionner, on reste pantois de son accessibilité actuelle… Indéniablement (selon moi, évidemment) un des plus grands vins de Toscane…. Bref, tout cela est assez monumental…et mon petit doigt me dit que…. cela va encore devenir plus grand dans les prochains millésimes, si la météo n’est pas trop capricieuse.
Quittons les Etablissements Basin & Marot pour nous diriger vers le gros morceau de la journée, soit le diner façon « Brusseleir » au temple belge des vins naturels italiens, le Caffè al Dente, incontournable association d’un Negozzo, d’une Enoteca et d’une Osteria, bref, ma deuxième maison, tant elle me permet de réprimer mon spleen de ne pas vivre en Italie.
Et la réputation de notre groupe d’irréductibles sauteurs de quilles, la nouvelle de la présence de poids lourds de la glousphère, la grâce représentée par la présence concomitante de Laura avaient décidé le propriétaire des lieux, Michele Rosa, de nous privatiser son Enoteca… même un samedi soir, n’ayant point peur de faire affronter à son équipe l’idée d’une dégustation marathon dont seuls les Brusseleirs détiennent le secret, secret qui, en fait, tient en une règle : quand on te dit d’apporter une bouteille par personne, t’en apporte quatre.
Salute… Michele !
Et quand on est plus de trente convives… ça fait mal, ça, j’en ai bien peur. Bref, conclusion de cette excessive way of tasting, vous trouverez ci-dessous, offerts sur l’autel du glou… 27 quilles qui ont mérité une « petit » commentaire. On vous parle pas de celles qui étaient pas en forme, ni de celles qu’on a pas réussi à boire, parce que d’une part, le Caffè al Dente a quand même des horaires, comme on dit, et que d’autre part, il fallait rester vigilent à ne pas envoyer certains convives directement aux urgences.
Le temps d’expliquer au plus jeunes et moins expérimentés de nos agapes que le fait de ne pas cracher était une forme de gageure… on était donc partis. Oui, je sais, je vois les plus italiens de mes amis sourciller… « Comment ça « cracher » à table ? Ils sont fous ces franscillons ! ». Car c’est bien vrai ça, et j’espère que mes amis de la botte nous pardonneront, chez ces gens-là, Madame, à table (et même ailleurs), on ne crache pas, on boit, Madame, parce que le vin y est un aliment comme les autres, culturellement indissociablement lié à l’assiette et son contenu.
Allez, trêve de bavardages… Dai, Dai…. Andiamo !
On commence les hostilités avec le Solare 2011 IGT Vermentino di Toscana de la Fattoria di Castellina, un domaine en biodynamie proche de Florence, peu connu en France et en Belgique (ce qui ne représente en rien une référence). Et elles commencent drôlement bien ces hostilités, parce que s’il ne recherche aucune ambition de complexité, ce vin est très frais, superbement tendu malgré un gras bien présent, le tout avec un joli fruit, tant au nez qu’en bouche. Et pour finir, la belle petite amertume de la finale ajoute pas mal de caractère au vin…. Une excellente surprise, donc !
Comme deuxième vin, nous voilà confrontés à un domaine d’Alto Adige aussi assez peu connu, en Belgique, du moins, soit Manincor avec ici sa Réserve della Contessa 2012 IGT Bianco Terlano Alto Adige à base de pinot blanc, de chardonnay et de sauvignon. Pour avaliser notre ignorance, Laura di Collobiano nous indique qu’en fait le domaine fait énormément parler de lui dans le Nord de l’Italie, ne fut-ce que par ses énormes investissements pour obtenir des sols en parfaite adéquation avec la biodynamie et pour tenter de produire de vrais vins naturels. Si clairement ce vin ne cache pas une certaine technicité et vogue sur la vague du boisé maitrisé, il dégage aussi, par sa fraicheur et sa salinité, énormément d’énergie, comme si la biodynamie réussissait bien à passer au-dessus du travail de la cave. Il y aura donc lieu de suivre l’évolution de ce domaine…
Pour suivre, un coup de cœur presque unanime de la soirée : le SP68 Bianco2010 IGT Terre Siciliane d’Arianna Occhipinti. Quand on a fini de boire ce vin, on en redemande et surtout, on comprend que la médiatisation de la belle et jeune sicilienne n’est pas uniquement due à sa plastique corporelle. A part son oncle, Giusto Occhipinti de COS, je ne connais absolument personne dans le Sud de la Sicile (région de Vittoria) qui a la capacité de donner à ses blancs (comme à ses rouges) autant de fraicheur et de tension. Ajoutons-y une complexité sèveuse, une puissance aromatique marquée et surtout une énorme buvabilité, on obtient un modèle de plaisir obtenu sous un soleil de plomb. Vraiment cela fait réfléchir…
Difficile de parler de l’Italie des vins naturels sans citer le nom d’Elena Panteleoni et de sa “Stoppa”. Ce domaine est, en fait, totalement indissociable de sa deuxième clé de voute, Giulio Armani, partenaire professionnel d’Elena mais aussi propriétaire du petit domaine voisin, l’Azienda Agricola Denavolo. Allez savoir pourquoi, mais on le voit partout chez les glouglouteurs franscillons, son Dinavolino 2010 IGT Emilia à base 25 % Malvasie , 25% Marsanne, 25% d’Ortrugo et 25% de cépages anciens de la région. Enfin, allez savoir, pas difficile de trop s’étonner. En matière de vin orange, Giulio fait en effet très fort quand il s’agit de proposer un vin ultra sec, d’une très grosse fraicheur, avec une telle longueur sur une mâche tannique indéniable. Ce machin-là, à 12°C dans un verre noir, c’est un tueur d’œnologue, que je dis. Et puis, au niveau aromatique, attendez-vous aussi à être perturbés. Bref, un vin avec une très forte identité.
Pour le cinquième vin, c’est une seconde rencontre de la journée entre le vigneron, Stefano Bellotti et son cépage blanc piémontais favori, le Cortese. Mais à l’inverse de la cuvée Gavi, clairement orientée pour la garde, l’objectif de ce Vino Bellotti Bianco 2011 sans autre appellation que «Semplicimente » Vino Bianco , c’est de balancer une bombe biodynamique, naturelle et authentique de glou, comme le dit bien l’étiquette. Un alcool présent mais pas excessif, un très gros fruit bien gras qui rappelle très certainement le coing, une belle fraicheur, et surtout une buvabilité absolue. Objectif apéritif atteint. Et tant pis si c’est un peu court, le but n’est pas là. C’est du Belotti, 100%. Au fait, si vous ne l’avez pas encore rencontré, l’oiseau… il est vraiment temps.
Il y a maintenant plusieurs dizaines de mois, votre serviteur est arrivé par le plus grand des hasards, sans rendez-vous, dans une toute petite propriété de Montalcino. La vigneronne qui l’y a accueilli avec un sourire rayonnant lui a proposé d’emblée de goûter sur fût et a commencé par un blanc, assez trouble, plein de caractère… C’était mon premier vin orange italien et c’était totalement innatendu. En même temps je rentrais pleinement sans le savoir dans le vrai monde des vins naturels de ce pays. J’étais face à Francesca Padovani, une des jumelles de Fonterenza. De ce fût furent tirés ces bouteilles de Bianco Spino 2010 en Vino Bianco di Toscana à base de Trebbiano, Ravanese, Procanico et Malvasia. Si j’étais agréablement surpris à l’époque, que dire maintenant que le vin a mûri… Si le nez reste discret, la bouche est énorme, extrêmement profonde avec une fraicheur intense qui s’équilibre parfaitement avec les tanins et le fruit, le tout avec un fond très épicé ; et même constat pour la longueur… et… pas un soupçon d’oxydation. Une idée de la perfection pour un blanc en macération.
Si les premiers blancs rencontrés en ce début de dégustation étaient plutôt de nature classique, on reste avec ce vin clairement dans le monde des blancs en macération. Sommelier alsacien au début des années 2000, Bertrand Habsiger a le rêve de devenir vigneron, un vigneron comme ceux qui font bouger les choses autour de Mittelbergheim avec leurs vins "libres". Cette occasion lui est donnée au sud-est du Chianti, près de Montevarchi au domaine Fattoria di Caspri dont les propriétaires suisses cherchent un régisseur. Aidé de son mentor, Patrick Meyer qui redonne vie aux sols de Montevarchi, il donne vie à des vins naturels, sans la moindre concession. Ce Luna Blu 2010 en IGT Toscana est un bel exemple du mariage entre un vin blanc de macération à l'italienne et l'esprit frondeur de l'équipe Meyer-Habsiger. S'il abandonne à l’esprit « libre » une légère sensation de boisé, il garde de l'Italie une matière puissante, de gros tanins, alors qu'il hérite des alsaciens une tension de riesling et une énergie saline typique. Ses notes de noix de coco achèvent de placer ce très beau et captivant vin dans la catégorie OVNI.
A l'heure d'aborder le vin suivant, on pourrait s'attendre à retrouver un vin tannique, trouble, à l'acidité marquée, d'autant plus qu'à la macération classique est venu ici s'ajouter un contenant avec lequel ces slovènes du Frioul font des vins archétypes de la notion "orange". Or, c'est à tout le contraire qu'avec son Fontanasanta Nosiola 2011 IGT Vigneti delle Dolomiti qu'Elisabetta Foradorinous convie ici. Pas de recherche de puissance ni dans l'acidité, ni dans l'aromatique, mais un vin pur, équilibré, aérien, au doré brillant, à la tension parfaite, au gras délicat et au soyeux incomparable avec une impression de fraicheur totale. Rarement complexité, classe et buvabilité atteignent ce niveau d'interaction. Ne cherchez pas plus loin… l'intensité de ma passion !
Parler Abruzzes et vins naturels oblige inévitablement de mettre un Trebbiano d’Abruzzo d'Emidio Pepe, ici sous le millésime 2010, tant ce vin fait icône dans le genre. Il est vrai que si la Nosiola d'Elisabetta a des arguments pour rassurer Michou Bettane, ce vin a toutes les qualités pour le faire déguerpir à grandes enjambées... A croire qu'ici, on chasse même le soufre naturel.... non je blague, mais c'est vrai qu'on retrouve ici un peu de gaz, des notes fermentaires à la Cantillon, bref, un nez terriblement extrêmement nature. Ce qui frappe, c'est le gras incomparable, la texture soyeuse, les tanins fins et ces pèches blanches juteuses tellement envahissantes, associées à des notes d'abricot et de tabac. Impossible de rester... indifférent.
Si Giusto Occhipinti s'est fait connaître mondialement comme le maître insulairedes amphores, nous transportant oniriquement dans l’antique Sicile hellénique, donc, plus de deux siècles en arrière, le colosse de Vittoria dans son antre de COS fait aussi des vins qui ne connaissent pas la terre cuite comme ce Rami 2011 en IGT Sicilia à base de Grecanico et d'Inzolia. Alors, ici, plutôt que de partir dans mes habituelles envolées lyriques, je préfèrerai un style télégraphique probablement tout aussi "parlant" : vin brillant au doré subtil, pas de sensation d'alcool, fraicheur, fruit (citron confit), sensation tannique légère, fluidité, longueur et surtout.... plaisir.
Un très grand vin pour finir cette longue série de blancs, souvent surprenante, quelquefois perturbante mais tellement captivante et si "différente" !
Si l'ampélographie sicilienne est au moins aussi complexe, plurielle que dans le reste de l'Italie, si le plus souvent les cuvées présentées sont ici aussi des assemblages, deux cépages emblématiques sortent clairement du lot de l'île volcanique : le Nero d'Avola et le Frappato. Toutes les variantes coexistent, dont sûrement les pires, mais il est clair aux yeux de tous que si il y en a une d'incontournable, c'est Il Frappato d'Arianna Occhipinti.
Pour entamer la série des rouges, quoi de mieux donc que ce très jeune 2011 qui nous est proposé ici, en un saut de puce géographique. Alors, comment résoudre l'équation d'un cépage qui donne clairement du résiduel, de la puissance sphérique en associant cela à du relief tannique, de la fraicheur et de la haute buvabilité.... demandez à Arianna ! C'est purement imparable... et quand on a la chance de tomber sur un millésime qui a calmé la fougue de la jeunesse comme le fantastique 2008, on pleure... quand la bouteille est vide ! Gourmandise, quand tu nous tiens !
Si les vins d'Ezio Trinchero sont parmi les plus immédiats et torchables du Piémont, ce "Le Taragne 2006" qui porte l'appellation Vino da Tavola Rosso parce que le merlot s'y unit avec le Dolcetto local, surprend un peu par sa dureté, du moins par ses tanins très marqués. Et comme la matière est très présente, difficile de classer ce vin en catégorie juteux. Probablement que le temps modifiera cette dureté perçue.... patience, donc !
Le Lacrima di Morro d’Alba 2011 des Conti di Buscareto qui suit a le mérite de nous transporter à presque mille bornes plus bas, dans les Marches, et non à Alba, comme le suggère l'appellation. Le souci, ici, aussi, c'est qu'en dehors du côté "naturel" affirmé, les tanins le sont aussi et les perceptions d'eau de rose sur un tapis de rondeur solaire interrogent. Difficile, en l'état d'être laudatif..... le temps fera-t-il mentir le présent ?
On remonte dans le nord, plus exactement dans le Frioul avec une grosse originalité découverte par le susnommé Massimo Coletti, le Rosso IGT del Friuli Venezia Giulia 2009 de l'Azienda La Ganga d'Alfio Lovisa. Avec son beau nez truffé, ses tanins d'une grande souplesse et sa belle torchabilité, ce vin tranche littéralement avec ses deux prédécesseurs. Et puis, il y a cette minéralité si biodynamique! Ce vin très naturel fait surtout figure de nouvel OVNI si on prend les merlots du fumeur de cigarillo comme modèles. Ici, on est plutôt sur fumeur de ganja, si vous voyez ce que je veux dire... Mais plus que tout, cette quille met terriblement en valeur cette manière qu'on les italiens de faire « autre » avec des cépages pas forcément historiques, même s'ils sont impériaux.
Les DOCG piémontaises sont nombreuses et le Dolcetto en génère une un peu moins connue : Dogliani. Fer de lance de cette appellation pour les vins naturels, la Cascina Corte nous propose ici son Pirochetta Vecchie Vigne 2009 dont la non moindre originalité sont ses vignes de plus de 60 ans. Pour rappel, dans l'Italie moderne, on arrache le plus souvent au-delà de 35 ans. Le nez de ce vin est gourmand, clairement sur le fruit, très net, aussi. La bouche est plus sur la puissance, tant pour l'acidité et les tanins que pour le fruit en surmaturité. Mais, comme par miracle, à côté d'une telle puissance solaire, l'équilibre est présent, le vin y gagnant en buvabilité, probablement grâce à cette même acidité. Intéressant et à revoir dans 2-3 ans.
Si vous croyez que le Piémont est essentiellement Nebbiolo, Barbera et Dolcetto, détrompez-vous, il y a aussi des cépages nettement axés plaisir immédiat et texture légère comme le Grignolino, très répandu dans la région de Monferrato. Catégorie vins naturels, Silvio Morando fait beaucoup parler de lui pour ses bombes torchables à la robe pinot noir translucide et cela plus particulièrement avec cet Anarchico Grignolino del Monferrato Casalese 2011. Oubliez les trois vins précédents, oubliez même peut-être la table et pensez tonnelle et barbec... Certes, à côté de la fluidité, il y a bien des tanins encore un peu rustiques, certes, on ressent bien une certaine solarité, mais c'est surtout gourmand et pour un vin aux notes très sanguines, ça descend vachement tout seul. A conseiller fortement aux vampires dépressifs.
Massa Vecchia est incontestablement un domaine porte drapeau des vins naturels toscans et plus particulièrement de la région maritime de la mMremme, région qui fait tellement penser à la Camargue. Son La Querciola Rosso 2009, uneIGTmajoritairement Sangiovese, s'est probablement déjà bien mieux comporté que lors de cette dégustation, en cause, peut-être le perfide bouchon, dans sa déviance pas flagrante ; on y pense à ce liège funeste principalement à cause de la volatile excessivement perçue. Dommage, parce que derrière cette perturbation, on ressent une belle matière, un grand équilibre, des tanins très soyeux, une belle complexité, aussi. A revoir, donc !
Il me tarde de rencontrer Elena Pantaleoni sur ses terres d’Emilie-Romagne en son domaine de La Stoppa. Mis depuis plusieurs semaines en appétit par les Troncheurs de Vin, j’avoue avoir un petit faible pour les vins d’Elena, les mauvaises langues diront : « normal encore une Donna di Vino ! ». Peut-être que dans mon inconscient non collectif… mais pas que ! Plus principalement parce que ses vins sont addictifs dans le sens qu’ils marquent toujours l’esprit rien que par leur contraste, rien que par le fait de travailler avec des cépages d’autres régions qu’Elena estime plus adaptés à ses sols. Cette IGT Emilia « Macchiona » 2006 ne déroge pas à la règle, avec plein de petites choses extrêmes comme son fruit solaire avec un sucre résiduel bien présent, sa richesse en matière. Ajoutez-y même une légère sensation oxydative presque rock’n’roll. Mais… au final, cela reste équilibré, gourmand et surtout apte à une très belle descente. Ne jamais chercher à comprendre à tout prix, simplement profiter !
Bref retour sur le Tenuta di Valgiano 2010 Colline Lucchesi de la Tenuta di Valgiano rencontré plus haut où la présentation en magnum semble procurer encore plus de profondeur, de complexité et de saveur à ce très grand vin avec une sensation aussi légèrement plus épicée mais surtout une plus grande sensation de fusion des forces en présence. Un modèle !
Si Helena et Dante Lomazzi, heureux propriétaires de Colombaia avaient avancé de deux ans une partie des mises de leurs vieilles vignes sur le millésime 2011 (voir plus haut), sur cette IGT Colombaia Vigna Nuova 2011, la puissance et la sphéricité du fruit confirment qu’il n’y a pas toujours lieu d’attendre si on est à la recherche de plaisir, un plaisir très sudiste, proche du mourvèdre, avec une acidité forte à la limite du pétillant mais dont se dégage beaucoup de finesse. Un vin qui devrait figurer à quelques fêtes estivales, si l’été vient….
Le Rosso di Montalcino 2009 de Fonterenza qui suit doit être la bouteille toscane que j’ai le plus souvent commenté sur mon blog…. La raison majeure, en dehors du coup de cœur humain pour ses viticultrices, c’est que ce Rosso a toujours été pour moi une véritable parenthèse de fraicheur fruitée dans une appellation qui n’hésite pas à serrer les boulons des tanins et de l’élevage. Toujours équilibrée, toujours parfaitement buvable, toujours fraiche, cette bouteille est ici néanmoins un poil plus fermée que d’habitude, ce qui tranche avec le côté très sphérique du vin précédent. Il est vrai qu’en jour racine, on peut avoir des surprises.
Avec ce Poggio Cuccule 2008 IGT Toscana de la Fattoria di Caspri, on retrouve le côté naturel sans concessions de Bertrand Habsiger, même si ici on perçoit aussi beaucoup de finesse, un côté sanguin du sangiovese au moins aussi affirmé que le fruit, une impression de vin très sec par rapport à la moyenne des vins rouges de la soirée, et, point le plus intéressant, une superbe longueur en bouche. Si vous êtes fan des pinots noirs de Meyer, de Rietsch et de Rieffel, vous devriez être charmés !
Il ne faut jamais contrarier un sommelier de profession, surtout s’il a été proclamé, sans possibilités de refuser, mon assistant pour la préparation du service des vins de cette gargantuesque dégustation. Alors si le Dealer de Vins, Antoine Gruner, a décidé de faire un break dans les rouges avec un vin « orange », on ne sourcille pas, Mademoiselle.
Et si son choix s’est porté sur le Dinavolo 2010 de l’Azienda Agricola Denavolo de Giulio Armani, ce n’est certes pas innocent, puisqu’il le connait bien, en assurant la distribution en France. Comme vous avez bonne mémoire, vous vous rappellerez aussi avoir déjà rencontré son petit frère, Dinavolino, dans la série des blancs de la soirée. Petite prise de risque, tout de même, parce si ce vin possède une structure tannique qui permet de s’insérer dans les rouges, il nous balance aussi un gros upgrading d’acidité avec tout ce que ce genre d’effet de séquence peut faire causer une assemblée. La faute de ces causeries en est plus, selon moi, à l’incroyable jeunesse de ce vin, à son aromatique peu commune, peut-être pas si abordable en soirée avancée. Bref un vin qui a besoin de plus de sérénité et de temps pour être pleinement apprécié.
Si vous cherchez un vin profond, vivant, pur, avec une minéralité renversante, vous direz sans doute avec votre serviteur que ce Morei Teroldego 2010 IGT Vigneti delle Dolomiti d’Elisabetta Foradori est le plus grand vin d’Italie que vous n’avez jamais bu, surtout servi en magnum. Que pourrais-je dire d’autre d’excessif vis-à-vis d’un vin qui continue indéfiniment à m’émotionner ? Essayez de le goûter partous les moyens, au moins… une fois !
Le Chianti Colli Senesi 2008 de chez Pacina, domaine à Castelnuovo Berardenga animé par Giovanna Tiezi et Stefano Borsa, clame d’emblée par son nez le nom de son Sangiovese de cépage majoritaire, tant l’impression charnue sanguine est puissante, sans pour autant se refuser un bon gros fruit rouge et une légère sensation de truffe un soupçon oxydative. Du lourd, vraie signature de la maison (qu’il me tarde de découvrir in situ), tant ici aussi, le naturel est souvent sans concessions. Toute aussi forte est la structure de la bouche, avec une très belle fraicheur et un fruit bien présent qui parviennent à équilibrer des tanins assez rustiques, encore un peu granuleux. Fougue de la jeunesse et sans concessions, on vous dit, car ici, le but est bien l’authenticité sans le travail de polissage et la marque du bois. Du Chianti qui doit en réveiller des souvenirs aux locataires des bancs publics. Au fait, vous avez dit, torchable, malgré tout ? Bien sûr !
Puis… il y a peut-être la déception de la soirée. Depuis ma récente visite à Montalcino, en compagnie de l’ineffable Jean-François Basin, je pense souvent Il Paradiso di Manfredi, je rêve souvent Il Paradiso di Manfredi, tellement les cuvées goûtées sur place nous ont charmées, tellement les vignerons rencontrés nous ont semblé placer ce domaine au pinacle de la région. Alors, on attendait beaucoup de ce Brunello di Montalcino 2005, mais comme Madeleine, la matière n’était pas là. Clairement. Effet de séquence avec le Morei ? Effet « racine ». ? Peut-être, mais plus probablement, effet millésime. A revoir donc, sur une autre cuvée.
En forme de confirmation sur la précédente impression le Barolo Brunate - Le Coste 2008 de Giuseppe Rinaldi, le Beppe, nous fige de bonheur, de respect et d’admiration pour un vin. Tout ce qu’on peut espérer d’un grand Nebbiolo naturel se retrouve ici : suavité des tanins, profondeur de la minéralité, douceur mais gourmandise du fruit rouge, complexité aromatique fulgurante à l’évolution, avec une finale truffée magnifique, longueur incommensurable. Un gros concurrent à la médaille d’or de la journée avec le Morei d’Elisabetta et le Valgiano 2010. Pas à dire, Beppe, c’est bien un des magiciens du Barolo.
Bref, un vrai bouquet final de feu d’artifice pour terminer une soirée riche en surprises, enseignements et émotions, le tout évidemment avec le plaisir d’avoir une aussi belle assemblée dans un lieu comme le Caffè al Dente. DONC… Un énorme merci à toute l’équipe de ce paradis sur terre et plus particulièrement à Olivier Cavadino, le maître de la salle qui, à mon avis a très bien dormi… après. Olivier t’es un grand pro !
L’esprit « Brusseleir à la sauce VDVs », ça dure au moins 24 heures et c’est donc très logiquement que j’ai été pêcher mes franscillons favoris de tôt matin pour attaquer l’apéro en lieu et place du petit-déj. Ce qui m’inquiète un tantinet, c’est que mes hôtes, cela n’a plus l’air de les étonner.
Pour mettre les papilles à zéro et effacer les sévices d’une éventuelle torréfaction matinale, rien de tel qu’un Sekt Früstück à l’italienne, comprenez un petit Prosecco facile de potron minet, bien à jeun, pour certains. Pour cela, mon choix s’est porté sur le Valdobiaddene Prosecco 2012 de Frozza, n’ayant pas de Coletti sous la main. Si le but original était de balancer une bombe de fraicheur tendue pour réveiller tout le monde, c’est assez loupé, mais ce vin n’en reste pas moins intéressant par son côté Prosecco classique, avec des sucres maîtrisés, plus sur la finesse que la puissance ou pire, la lourdeur. En fait, ce vin, ce jour-là était d’une très grande (trop grande?) simplicité. L’autre objectif, celui de réparer les pailles au vin suivant, était, lui, particulièrement réussi.
De fait, tout ce subterfuge n’était là que pour préparer mes hôtes à dégoupiller une quille de Luca Roagna, parce que, la veille, l’heure avancée nous avait privés de son Barbaresco Pajé 2003 pourtant apporté par Monsieur Olif, petit père de tous les blogueurs à tendance naturiste. Une vraie forme de crime de lèse-majesté en pays plat, même si la bestiole de Pontarlier ne semble pas trop rancunière… Dès lors, rapide passage en carafe pour le Barolo La Rocca e la Pira Barolo 2004 version choisie pour effacer l’ignominie. Si ce 2004 paraît encore jeune dans sa structure, il ne souffre pas de son carafage rapide, ni de l’heure matinale, parce qu’il allie à merveille finesse et fruit, avec une acidité qui persiste sur la très belle longueur. Un des responsables de cette buvabilité matinale est sans contexte la structure des tanins, totalement intégrés, veloutés à l’extrême et la forte salinité perçue. Bref, un très beau vin.
Friture René
Voici donc ma petite équipe parée au niveau des papilles pour affronter un temple anderlechtois (mauve commune de Bruxelles qui abrite une pharmacie réputée) de la gastronomie du déjeuner dominical, une adresse assurément roborative, une fois, j’ai nommé « Friture René »
Et Nicolas Piolon, fils de la maison et responsable des vins (même si le thé le passionne tout autant), d’avoir craqué, sans trop besoin de persuasion pour Elisabetta Foradori et son IGT Fontanasanta Manzoni Bianco 2011.
L’homme a du flair…. Surtout pour agrémenter ses tueries de croquettes aux crevettes. S’il n’a pas connu l’amphore, à l’instar de sa sœur Nosiola, et qu’il n’a connu qu’une macération très courte, cet hybride entre pinot blanc et riesling réussit toujours à tendre les zygomatiques, tant sa fraicheur, sa pureté et ses puissants agrumes citriques enrobés par un beau gras qui arrondit bien les angles, donnent de la buvabilité à cette bouteille, le tout avec cette salinité marque de fabrique de la muse du Trentino. Incontournable.
A la fin de ce repas, il faut hélas passer à la série officielle de clôture de ces VDVs, le jurassique terroiriste ayant son train et avec ça, on ne rigole pas. Dernier carré représentant l’hexagone, Antoine et Justine, Ze Dealers, ont toutefois décidé de jouer les prolongations, question d’aller à la rencontre d’un autre produit de fermentation. Comme avec toute prolongation, il y a souvent un botté de penalty, pendant que les tricolores se font dézinguer par un Brésil revigoré, on décide de tester la résistance ultime des zouaves avec un Barbera d’Alba 2011 de Giuseppe Rinaldi.
Bien qu’il s’agisse de l’entrée de gamme au domaine et d’un cépage plus rond que le Nebbiolo du Brunate le Coste, ce vinsemble idéal pour finir la journée, tranquille, façon british, tapi dans son divan. Comme classiquement chez Rinaldi, la souplesse des tanins rend cette Barbera complètement abordable malgré sa jeunesse, et il y a cette sensation de cerise noire croquante et acidulée qui déménage, non peut-être. C’est pas hyper long, mais c’est pas le but, parce que la bouteille est trop vite … vide. Buvez Rinaldi… buvez.
Le Retour des Brusseleirs : le Barbec
Je sais, cette bouteille de Rinaldi aurait dû marquer la fin de cet article… mais à Bruxelles, on est rarement rassasié et le fait de n’avoir pu terminer la série de toutes les bouteilles apportées par la communauté des vendredivinistes, avait provoquer la décision de jouer les afters… On va tout de même pas s’arrêter à un mètre du bol de sangria comme on dit. Appel donc 7 jours plus tard à l’équipe régulière des Brusseleirs pour agrémenter un barbec à la belge d’une belle nouvelle série de quilles, l’évènement étant orchestré de main de maître par le soldat Basin, toujours prêt !
On commence les festivités avec un vin icône de nos agapes bruxelloises, un petit bijou de carbonique non filtré mais hélas désormais totalement épuisé : dans la famille Fonterenza à Montalcino, je demande le Petti Rosso 2010. Impossible, avec ce vin, de se situer à Montalcino, même d’imaginer qu’on est face à du Sangiovese. Cependant, on n’est pas non plus sur un jus typique de carbonique, il y a des tanins bien présents et on serait presque tenté de parler d’un cabernet franc de glou. Quoiqu’il en soit, les éléments fraicheur, fruit et suavité sont là et bien là, et c’est bien l’essentiel !
Retour sur Arianna Occhipinti avec deux cuvées que nous n’avions pas encore visitées pour cet article, enfin, je veux dire, là, ici, maintenant. On commence par le SP68 2011 avec, SP68 qui fait référence à la route qui borde les vignes près de Vittoria. On est ici face à un assemblage de Nero d’Avola et de Frappato, plutôt sur les plus jeunes vignes. Le nez est discret marqué par les fruits rouges et la garrigue. La bouche est nettement plus intense avec, avant tout, une fraicheur qui étonne par son côté septentrional alors qu’on est totalement au sud du sud. Les épices, une bonne profondeur et un fruit rouge marqué complètent le bien beau tableau d’un vin axé autant soif que table.
Le second vin d’Arianna Occhipinti est sa cuvée Siccagno en 2009, qui correspond, dans sa gamme, à une de ses plus hautes cuvées, celle à base de ses vieilles vignes de Nero d’Avola. A nouveau, de par la magnifique acidité, le vin atteint des sommets de fraicheur pour un sudiste. Côté tanins et fruits, c’est encore très jeune, évidemment, et cela a donc certainement besoin de temps encore pour se mettre en forme. Deux sensations semblent déterminantes pour l’avenir de ce vin : son côté vibrant et surtout sa déjà très grande buvabilité. Du grand art en avenir !
Faut-il carafer longtemps le Trebbiolo Rosso 2010 de La Stoppa ? La question est intéressante parce que, clairement, ce vin après une petite et probablement trop courte période d’aération, développe une acidité volatile tant au nez qu’en bouche un peu trop prenante. Avec le temps et l’aération dans le verre, cette impression s’apaise pour aller vers la buvabilité. A revoir.
Dans le Chanti Classico « Le Trame » 2006 du Podere le Boncie qui fait suite, on change nettement de registre. Si Giovanna Morganti recherche une expression naturelle à ses vins, entre autres, à travers la biodynamie et un minimum minimorum de soufre, elle tient aussi à ce que ses vins gardent l’image classique des Chianti Classico, rien que par respect pour son père qui fut un des grands artisans du Consortio du Gallo Nero. Le résultat de ces compromis est un vin au nez assez classique et intense, avec un bois marqué, mais de la façon la plus noble qui soit, avec des notes lactées maîtrisées, en sus d’une belle complexité aromatique qui va des fruits rouges au charnu sanguin. La bouche respire de la même classe, avec une acidité d’orfèvre, des tanins structurants mais complètement intégrés, une grande impression de finesse surtout sur la remarquable longueur. Un vin capable de réunir dans le même plaisir disciples extrêmes des vins naturels et dégustateurs à la trajectoire plus conservatrice.
Si pour le Chianti du Podere le Boncie, on tendait à conserver du classiscisme, avec son Grignolino del Monferrato Casalese 2011, Silvio Morando nous propose là probablement un des vins les plus naturels à la française, terriblement proche d’un pinot noir ou d’un gamay ultra-glou. Avec le nez est discret, et, avec, en bouche, la présence d’une relative sucrosité alliée à des tanins ultrasofts et une matière d’une grande légèreté, la couleur (très peu intense, au demeurant) est clairement annoncée. Soif. Et pour la soif, c’est parfait…. Certains alsaciens en ont déjà peur….
On est entré en Piémont, on va y rester pour un bon moment avec, autant le dire à l’avance, une série de bouteilles assez remarquables l’une autant que l’autre.
Côté qualité, Bartolo Mascarello est rarement en reste, surtout sur les vins plus d’entrée de gamme, plus sages aussi, au niveau prix, comme ce Barbera d'Alba 2010 qui, au nez, allie un peu de boisé à de la complexité entre fruit et floral, le tout sur un plan de grande profondeur En bouche, on est clairement, malgré la belle matière et l’intensité de la robe, sur un vin de pur torchabilité, le tout, et comme souvent grâce à une acidité tendue mais parfaitement adaptée et grâce à des tanins au soft magique. Un très grand vin, indéniablement.
On retrouve un vieux pote, sur cet article, soit Ezio Trinchero, avec une de ses plus belles cuvées, la Vigna del Noce Barbera d'Asti 2006. Si le nez est plus monolithique, plus marqué par l’élevage que son prédécesseur, la bouche propose ce velouté qui est clairement LA carte d’identité du mouvement naturel en Piémont. Comparé aux classiques comme La Spina, vins surbodybuildés avec des tanins à faire peur à un régiment de Cosaques ou comparé aux tendances ultramodernes comme les vins de laboratoire de Gaia , ce genre de vin peut donner l’impression de surfer sur une texture de jus de fruit. Mais sa vinosité,sa finesse et sa longueur ne trompe pas, il fait partie des vins qui allient une grande classe et une buvabilité énorme…. Ils sont tout simplement authentiques.
On passe ensuite au Nebbiolo, le prince du Piémont, même si son royaume ne s’étend plus que sur 10% de la surface de la région, avec une majorité sur les petites appellations (en superficie) Barbaresco et Barolo. Pour entamer la dégustation de ce cépage, rien de tel que la bouteille que le « père » Olif avait ahané en deux exemplaires au péril de son dos de sa bonne ville jurassienne de Pontarlier vers la trépidante Bruxelles-les-bains-sur-Flandre. Cette quille, un Barbaresco, c’est un Pajé 2003 que Luca Roagna a signé de son épée. La parcelle de Pajé est clairement une des plus grande du domaine, la plus productive aussi, car les vignes y sont plus jeunes. Alors, on pourrait craindre que jeunesse et un millésime fournaise aient favorisé un vin trop chaud… Il n’en est rien ! Certes, le nez est serré, assez marqué par une sensation d’élevage plus proche de la riserva que du copeau de bois neuf, amis, ce qui met ici à genoux, c’est la fraicheur de la bouche puissante, sanguine, épicée et terriblement longue. Et dire que le Nebbiolo est considéré comme un cépage tannique, je me ferais bien microbe pour connaître le secret de la fusion si invraisemblable de ces tanins dans le vin.
Si la majorité des parcelles de Luca Roagna et de son père sont localisées à Barbaresco, ils en possèdent quelques-unes à Barolo, d’où provient cette « La Pira » en 2007. Au nez, c’est presque la copie conforme du vin précédent, on s’y tromperait volontiers, même relative discrétion, même boisé. En bouche, par contre, si c’est étonnement légèrement plus solaire que le 2003, le niveau de maitrise de la suavité embarquée est absolument remarquable. On est au niveau texture sur l’équivalent de très grands pinots noirs !
Ignorant à l’époque que cet « off » ne serait pas le dernier, j’avais envie de terminer le parcours avec un monstre absolu, le Barolo Cannubi & San Lorenzo 2008 de Giuseppe Rinaldi, question de défouler mon excessif tempérament en litanie de superlatif, ceci donnant sur mes notes prises au vol : bandant, énorme, bombe de fruit noble, tanins énormes de finesse, dentelle, fraicheur de source, classe totale…. Si vous avez quelques économies, n’hésitez pas, et vérifiez par vous-même, vous verrez que je n’exagère même pas.
Cette première « Off » donnera probablement raison à ceux qui ont sourcillé et qui sourcillent encore de l’armada de quilles qu’on leur a fait subir à rythme d’enfer au Caffè al Dente. Il est vrai que particulièrement ces grands vins du Piémont ont besoin d’une animation assez calme, permettant à tous nos sens de profiter de telles bombes de classe, pour réellement atteindre ce que nous cherchons tous dans notre passion partagée : l’émotion En cela, ce barbec tout gentil nous en a donné beaucoup.
Comme quelque chose dans ma tête faisait que j’avais envie de transformer cet article en encyclopédie du glou italien, j’ai aussi bondi sur l’occasion qui m’était présentée de faire le diner annuel du Club des Vieilles Copines (parce que dans le modèle zinzin, il n’y a pas que les Brusseleirs) au … Caffè al Dente, à son Osteria, plus exactement avec le but de favoriser réellement le contact des vins naturels italiens avec ce pour quoi ils sont fait : LA TAVOLA !
Voici donc le compte-rendu de l’After2 :
« Una Sera Naturale da Caffè al Dente »
Et en guise de table, on a été gâtés, le restaurant nous ayant concocté un menu avec l’entièreté des plats à la carte…
Aperitivo
En guise d’apéro, Olivier Cavadino, vous savez, le pro susnommé,nous a accueilli dans la partie « Enoteca » du Caffè al Dente pour nous proposer une récente acquisition à la carte, le Spumante Extra-Brut 2006 de Bruno Giacosa. Une bulle piémontaise à base de 100% de pinot noir vinifiée par une icône locale. A propos, le savez-vous, les italiens distinguent trois sortes de vins effervescents, les Champagnes (en italien dans le texte), les Spumante, proches des méthodes champenoises et les Frizzante, proches des Pet Nat. Revenons à cet extra-brut au nez très expressif, plein de fruits blancs et de floral et à la bouche plaisante, équilibrée où le gras est au moins aussi présent que la tension. La finale à la fois amère et fruitée reste très rafraichissante sans pour autant atteindre des longueurs extrêmes.
Antipasti Misti et Polipetti alla Luciana
Pour attaquer les antipasti très variés et dont la qualité de produit est un secret de nos hôtes, rien de tel qu’une seconde bulle. Avec ses Franciacorta Dossagio Zero à base de chardonnay, Andrea Arici s’est taillé une solide réputation sous le ciel de la Lombardie. Grand adepte des vins naturels, il nous offre ici un vin au nez fin, délicat, d’abord très floral, évoluant ensuite sur une grande complexité. En bouche, si les bulles sont plus fines que pour le premier effervescent, la matière est bien plus ample, plus fraiche avec un fruit blanc très juteux qui domine, mais aussi, avec une indéniable minéralité perçue. La longueur à la très belle amertume est, elle-aussi, remarquable. Vraiment très intéressant.
Pour suivre, le sommelier nous propose un Rosato di Toscana 2012 de Rocca di Montegrossi , un domaine en biodynamie près de Gaiole in Chianti, vin qui contient 90% de sangiovese, 5% de merlot et 5% canaiolo. D’emblée, le nez frappe par sa puissance très vineuse, légèrement volatile et très gourmandise. On perçoit un peu d’alcool, ce que la bouche confirme, mais cette solarité est très bien compensée par une acidité vibrante et une structure fruitée très épicée. Mine de rien, ça descend tout seul… Y avait-il un autre but ? Par contre, sur les plats, là, je suis moins persuadé.
Cap “Orange” ensuite avec un domaine en Veneto dont on parle de plus en plus sur la glousphère, celui de Daniele Piccinin, un disciple accompli du pape des vins naturels de la région, Angiolino Maule. Son Bianco dei Muni 2009 à base de 50% de Chardonnay et de 50 % de Durella, un antique cépage local, ne déroge pas à la règle dictée par de nombreux vins blancs en macération dans le Nord de l’Italie (ni collage, ni filtration oblige), une robe bien orange et bien trouble, un nez clairement fermentaire à la Cantillon qui ferait fuir des armées bettanienes. Mais tout autant respectueuse des meilleures règles, la bouche très puissante éclate de noblesse avec un solide trio composé de l’acidité, de la tannicité et du fruit charnu, le tout drappé par de beaux zestes d’oranges et clairement une perception de vin ultra sec qui rappelle le toucher de savagnins oxydatifs. Un modèle du genre, à très petit prix….
Je ne sais pas vous, mais il y a peu de choses culinaires qui m’excitent autant qu’un assortiment de pâtes à l’italienne, comprenez servies dans la sauteuse, littéralement imbibées par la sauce qui a remplacé l’eau en fin de cuisson, ce qui a pour conséquence de faire exploser les arômes et relever les épices présents. J’échangerais de nombreux macarons contre cela, d’autant c’est probablement sur cette cuisine simple et roborative que les vins de la botte se marient le mieux, la Pasta appelant Il Vino, Il Vino appelant la Pasta. Et dire que pour nos amis, ceci est une forme d’entrée…
Misto di Pasta Rigatoni con Pollipetti, Spaghetti al Ragu, Trofie con Asparagi
Pour accompagner le trio de pâtes, on entame les festivités par le Dolcetto d’Alba “Brico Mirasole” 2011 de Giuseppe Mascarello, un des plus grands noms des vins naturels piémontais et qui, avec Beppe Rinaldi et Luca Roagna, a l’art de me déchirer le cœur ! Rien que la vue de ses étiquettes un peu chargées et qui ressemblent presque à un générique de film, rien que la vue de ses étiquettes, donc, a raison chez moi d’une augmentation de fréquence cardiaque et d’une soudaine hypersalivation. Pas étonnant, en fait, car même ici, sur un cépage censé être assez simple et léger, le domaine réussit un merveilleux vin au nez plein, puissant, plus sur les fruits noirs gourmands que sur les rouges et dont la complexité gagne à l’aération avec des notes même minérales. La bouche aussi est tout en puissance, tendue, ample, épicée, sanguine, minérale à nouveau avec, en plus, ces tanins lovés a la piémontaise qui vous laissent sur une sensation imparable de soyeux et de pureté. Idéal pour découvrir le Dolcetto naturel.
Parmi les grands domaines de Montalcino, résolument axés vers la biodynamie, il y a le Pian dell’Orino de Jan Erbach, un allemand d’origine passionné par les expressions des terroirs et par la discipline de Steiner, passion qu’il partage encore avec ses collègues au sein du groupement SPA (Sangiovese per Amico) qu’il a créé (voir ici). Avec son Rosso Piandorino 2011 en IGT, il s’amuse à associer des terroirs de Montalcino à ceux du proche Monte Amiata où de nombreuses parcelles de vins sortent de terre depuis pe. Le Monte Amiata, un peu isolé de la chaine des Apennins domine la Toscane et fait office de garde majestueux de la frontière entre les plaines de la Maremme et les mamelons des vallées de l'Orcia. C Pour ce vin, cap sur les fruits noirs et rouges, le sanguin exubérant avec ce nez très puissant qui ne se refuse pas un certain élevage, même si aucunes barriques neuves n’y ont participé. En bouche, si on retrouve l’élevage et la grosse sensation de matière, on a un fruit sanguin très mûr qui domine et qui est encadré par des tanins encore jeunes, structurés, et une légère solarité sans jamais perdre en buvabilité. Un vin assez « universel ».
Bistecca e Dorada
Pour accompagner les secondi piatti, on monte encore en structure avec une des cuvées phares de Giusto Occhipinti (même si elle n’a pas connu l’amphore, comme le Rami, en blanc). Il est certain qu’elle trône en maître dans le sud de la Sicile, cette DOCG Cerasuolo di Vittoria de COS, surtout sur un millésime aussi gourmand que 2008. C’est toujours marrant de voir la tête que peuvent tirer les convives, angoissés à l’idée de boire un vin rustique, solaire et alcooleux, quand ils attaquent un tel vin : Le nez y est en fait animal, sanguin, mais aussi fruité, un peu comme des airelles qui accompagnent un gibier puissant, sauf qu’ici, le gibier est encore bien vivant ! La bouche est tout aussi admirable d’équilibre et de velours, avec des tanins incorporés comme en Piémont, une acidité ligérienne et un joyeux melting pot d’arômes tantôt fruit, tantôt venaison, tantôt chocolat, tantôt café. Et puis enfin, il y a cette longueur jamais alcooleuse. Un top en Sicile !
Les Troncheurs de Vin devront au moins laisser à ce marathon italo-naturel que la part belle a été faite aux vignerons qu’ils mettent en évidence, Elena Pantaleoni, Arianna Occhipinti, Giulio Armani et… Luca Roagna. Avec son Langhe Rosso 2006, on entame un des premiers Nebbiolo de la soirée. Si la robe est légèrement tuilée et surtout d’une légèreté qui en surprend plus d’un, le nez très sanguin et truffé fait directement taire les craintes suggérées par cette texture de robe. Mais là où la vraie partie se joue, c’est en bouche, où même avec une entrée de gamme, Luca réussit un vin d’une si belle noblesse, tellement fin, aux tanins si soyeux, d’un équilibre impec… Ajoutons-y encore cette belle finale qui dans la finesse et la pureté sans artifices rappelle l’austérité des plus belles églises romanes. Du grand art, et abordable en plus.
Si dans le Barbera d’Asti Superiore 2007 d’Ezio Trinchero, on retrouve la robe tuilée et légère, et le nez entre sang et champignon, c’est avec moins de puissance que pour le Roagna. La bouche a tout autant de parentés, même si le cépage est ici de la Barbera, principalement par le soyeux des tanins, mais par contre, ici, sur la longueur, c’est le fruit gourmand qui domine plus les débats de façon finalement et heureusement très cohérente avec la bouteille dégustée au Studio 126 (voir début d’article).
Si on reste sur le registre du charnu et de la truffe avec le Montepulciano d’Abruzzo 2009 Emidio Pepe, l’impression générale du nez est plus de rusticité même si la chose ne manque pas de profondeur. En bouche, c’est l’acidité qui paraît un peu rustique, aussi, de par son intensité, probablement. Et puis, il y a aussi une sensation très vin naturel sans concession qui change le cap finesse des piémontais. Mais le fruit frais, rond, gourmand et la maîtrise des tanins donne vraiment beaucoup de peps, de buvabilité à ce finalement très beau vin naturel.
De par la dégustation au Studio 126, nous avions déjà eu l’occasion d’aborder le cas « Cantina Giardino », ce domaine qui au début de son histoire n’en était pas un puisque les vinifs se faisaient dans un garage à partir de très vieilles vignes appartenant à des vignerons partenaires et tout aussi âgés. Sauf que la cuvée Clown Œnologue, ici en 2008 représente une forme d’aboutissement pour cette Cantina Giardino puisqu’on a ici affaire aux propres vieilles vignes d’Aglianico du domaine, le nom du vin rappelant combien les idées de son géniteur furent, en ses débuts, moquées. Et comme on recherche l’authenticité à tout prix, sur un cépage assez rustique, il ‘y a pas lieu ici de s’attendre à un nez « international », au contraire, on vogue bien sur la volatilité à l’italienne, l’animal voire même un soupçon de réduction. Oui, on vogue,mais, en bouche, on comprend qu’il y a aussi un œnologue de formation qui avec ses airs de ne pas y toucher a su accompagner avec talent l’élevage de son vin. Le résultat est spectaculaire, car, malgré la puissance rustique de l’acidité et les tanins serrés des vignes septentenaires, malgré les accents sudistes assumés, la fraicheur vibrante du fruit emporte le vin du milieu de bouche jusqu’au bout de la longue, très longue finale. Un vin totalement authentique…
Misto di Formaggi
Non, vous ne rêvez pas, pour finir le repas et accompagner les fromages (dont un au Nebbiolo), c’est bien un des plus grands vins d’Italie qui entame les hostilités, un vin de tous les superlatifs, de toutes les émotions. Et pourtant, quand la robe de ce Barolo Monprivato 2008 de Giuseppe Mascarello se découvre, elle est simple, terriblement claire et légère. Quand son nez veut parler, il le fait avec humilité, avec la pureté d’une jeune communiante, lâchant par çi, par là de fines touches chocolatées. On pense grand Bourgogne, de façon très intuitive. Et puis arrive cette bouche, tout simplement hallucinante de perfection de soyeux, de profondeur, comme si on était happé par un océan. Il y a aussi ces tanins qui rappellent les premières caresses d’un premier amour. Comment est-il possible de faire d’un cépage tannique et très acide, une perle aussi magnifique. C’est magique à pleurer d’émotion. Mon jeune voisin qui pourtant n’en est pas à sa première grande bouteille en est complètement retourné. Ça aussi, c’est terriblement beau à voir ! OK, cette bouteille est chère, très chère, mais alors mettez-y-vous à 5, à dix, ET goûtez cela au moins une fois dans votre vie.
Tssss, on se calme, le bouquet final de ce marathon n’est pas fini, puisque pour fêter son intronisation dans le club des Vieilles Copines, à la fête en cette soirée, un couple de passionnés de Bourgogne nous offre deux des plus grandes cuvées de Giuseppe Rinaldi, sur 2006. On commence avec le Barolo Cannubi San Lorenzo - Ravera au nez plus puissant, plus dense et plus épicé que le Monprivato. Et si en bouche, on ne vogue pas sur les eaux tranquilles de son prédécesseur, rien que par les tanins plus marqués, c’est ici la minéralité qui fait la différence, conférant à ce vin le plein de structure et d’équilibre qui termine par une profondeur abyssale et austère.
Suit dans la foulée le Barolo Brunate - Le Coste toujours en 2006. Pour tenter de donner une image à ce vin, imaginons qu’avec le Monprivato de Mascarello, on était sur un Côtes de Beaune géant de finesse. Imaginez alors, en opposition, un Côtes de Nuit, puissant, au terroir surexpressif, à la profondeur austère, à la droiture d’une flèche de cathédrale, vous avez une idée de la bestiole que nous tenons en mains, enfin plutôt en bouche, et cela pour un long, très long moment. Colossal et Pur.
A ce stade, parce que oui… c’est fini…tout notre petit groupe de cette soirée tient à remercier Michele et Lakhdar pour nous avoir préparé ce divin repas. Je pense vraiment que pour ceux qui désirent, en Belgique, faire un diner thématique sur l’Italie, il n’y a pas de meilleur endroit que le Caffè al Dente ! Un énorme merci aussi à toute l’équipe laborieuse qui allie bonne humeur et efficacité... Et,comment ne pas passer sous silence le fait que les bouteilles avaient été choisies par « LE » sommelier de la maison, Federico Mazzoni… Avecc lui, il y a toujours de l’art sur la table ! Une énorme bise, enfin à Marine qui nous a chouchouté toute la soirée, de qui, tout notre groupe était bouche bée pour son énergie !
Olivier et Federico
Conclusion
Pas facile d’émettre une conclusion après tant de vins, et pourtant, une chose est certaine, j’en sors encore plus captivé après que je ne l’étais déjà avant, parce que de tant de bouteilles se dégage des presque évidences :
En proclamant leur adhésion au mouvement des vins naturels, les vignerons italiens ne cherchent pas à suivre des règles, ni à imposer une dose minimale de soufre, ni à suivre la biodynamie Demeter de manière religieuse, ni à faire des vins vitrines. Ils ne cherchent pas à définir à tout prix l’usage de cépages bien précis, bien historiques sur des terroirs donnés, ils ne recherchent pas non plus une expression définie d’un terroir, en fait, je suis persuadé qu’ils cherchent par tous les moyens à faire que le vin qui sortira des baies soit le meilleur possible, le plus expressif possible, sans jamais rechercher le polissage international, sans jamais rechercher la surmaturité sudiste.
La meilleure expression possible passe avant tout pour eux, non pas par du minéral à tout prix, mais bien par la buvabilité à la fois dans le plaisir et la finesse, tout en recherchant frénétiquement un « goût » à faire pleurer les plus anciens de leurs pairs, pleurer de se retrouver plongé dans un passé où le vin n’était pas commerce mais plaisir simple.
Et puis, je crois bien qu’aussi cultivés soient-ils, en chacun de ces vignerons que j’ai appris à connaître ou tenter de connaître sommeille encore un révolutionnaire, une énergie aspirant à la liberté, une âme qui voudrait tant crier à tous vents : on arrête là cette folie destructrice de l’homme et de la nature, on arrête là cette folie égoïste d’écraser les autres par sa puissance et son image comme au temps des tours de Florence ou de San Giminiano, toujours plus hautes, toujours plus vides d’émotion et de rires, on arrête là et on s’assied, à même le sol, on boit un coup et on essaie de reprendre contact avec cette nature, on essaie de se relaisser dompter par elle plutôt que de la dompter.
Finalement plus que tout, je pense que dans le mot naturel, ils n’ont pas voulu définir de sous-entendu, ils ont simplement voulu relier un serment d’allégeance à cette nature, cette mère de toutes les vies.
Il en résulte pour nous que la très grande majorité des vins rencontrés au fil de ce mois de juin consacré aux Vini Naturali d’ Italia ont montré avant tout de l’évidence dans les perceptions et de la pluralité dans les émotions, comme dans … la nature… authentique.
Merci à tous ceux qui m’ont accompagné dans cette folle aventure.... en voici un florilège de tronches
Domaines et cuvées cités dans cet article
Abruzzes
Emidio Pepe : www.emidiopepe.com
- Trebbiano d’Abruzzo 2010 DOC
- Montepulciano d’Abruzzo 2009 DOC
Alto Adige
Tenuta Manincor : www.manincor.com
- Réserve della Contessa 2012 IGT Bianco Terlano Alto Adige
Campanie
Cantina Giardino : www.cantinagiardino.com
- Paski 2010 IGT Campania Coda di Volpe
- Clown Oenologue 2008 IGT Campania Aglianico
Emillie Romagne
Azienda Agricola Denavolo : http://denavolo.blogspot.be
- Dinavolino 2010 IGT Emilia
- Dinavolo 2010 IGT Emilia
Azienda Agricola Quarticello : www.quarticello.it
- « Despina » IGT Malvasia Emilia
Azienda Vinicola La Stoppa : www.lastoppa.it
- Macchiona 2006 IGT Emilia
- Trebbiolo Rosso 2010 IGT Emilia
Frioul – Vénétie Julienne
Azienda Agricola La Ganga : www.lagangawines.it
- Rosso 2009 IGT del Friuli Venezia Giulia
Lombardie
Andrea Arici (Colline della Stella) : www.collinedellastella.com
- Franciacorta Dossagio Zero
Marches
Conti di Buscareto : www.contidibuscareto.com
- Lacrima di Morro d’Alba 2011
Piemont
Azienda Vitivinicola Cascina Corte : http://cascinacorte.it
- Dogliani Pirochetta Vecchie Vigne 2009 DOCG
Casa Vinicola Bruno Giacosa : www.brunogiacosa.it
- Spumante Extra-Brut 2006
Bartolo Mascarello : www.barolodibarolo.com
- Barbera d'Alba 2010
Giuseppe Mascarello : www.mascarello1881.com
- Dolcetto d’Alba “Brico Mirasole” 2011Barolo Monprivato 2008
Azienda Agricola Silvio Morando : www.morandosilvio.it
- Grignolino del Monferrato Casalese 2011
- Anarchico Grignolino del Monferrato Casalese 2011
Giuseppe Rinaldi : www.ilvinobuono.com/giuseppe-rinaldi
- Barbera d’Alba 2011
- Barolo Brunate - Le Coste 2006
- Barolo Brunate - Le Coste 2008
- Barolo Cannubi San Lorenzo - Ravera 2006
- Barolo Cannubi & San Lorenzo - Ravera 2008
Azienda Agricola I Paglieri Roagna : www.roagna.com
- Langhe Rosso 2006
- Barbaresco Pajé 2003
- Barolo La Pira 2007
- Barolo La Rocca e la Pira Barolo 2004
Azienda Agricola Trinchero : www.trinchero.it
- Bianco 2011 Vino di Tavola
- Le Taragne 2006 Vino da Tavola Rosso
- Barbera d’Asti Superiore 2007
- Barbera d'Asti “Vigna del Noce” 2006
Cascina degli Ulivi (Stefano Bellotti) : www.cascinadegliulivi.it
- Gavi 2012 DOCG Cortese di Gavi
- Vino Bellotti Bianco 2011
Sicile
Azienda Agricola COS (Giusto Occhipinti) : www.cosvittoria.it
- Rami 2011 IGT Sicilia
- Cerasuolo di Vittoria 2008 DOCG
Azienda Agricola Lamoresca : www.agrimoresca.it
- Lamoresca Bianco 2010 IGT Sicilia
- Mascalisi IGT Sicilia Rosso 2012
- Nerocapitano IGT Frappatto di Sicilia 2011
Azienda agricola Arianna Occhipinti : www.agricolaocchipinti.it
- SP68 Bianco2010 IGT Terre Siciliane
- SP68 Rosso 2011 IGT Sicilia
- Il Frappato 2011 IGT Sicilia
- Siccagno 2009 IGT Sicilia
Toscane
Podere le Boncie (Giovanna Morganti) : www.ilvinobuono.com/podere-le-boncie
- Chianti Classico “Le Trame” 2006
Fattoria di Caspri : www.fattoriadicaspri.com
- Luna Blu 2010 IGT Bianco di Toscana
- Poggio Cuccule 2008 IGT Toscana
Fattoria di Castellina : www.fattoriacastellina.com
- Solare 2011 IGT Vermentino di Toscana
Colombaia : www.colombaia.it
- Colombaia Vigna Nuova 2011IGT Rosso Toscana
- Colombaia 2011 IGT Rosso Toscana
Azienda Agricola Campi di Fonterenza : www.fonterenza.it
- Bianco Spino 2010 Vino Bianco di Toscana
- Petti Rosso 2010 Vino Rosso
- Rosso di Montalcino 2009 DOC
Azienda Agricola Massa Vecchia : www.massa-vecchia.com
- La Querciola Rosso 2009 IGT Maremma Toscana
Pacina : https://www.facebook.com/vinoeagriturismo
- Chianti Colli Senesi 2008
Il Paradiso di Manfredi : www.ilparadisodimanfredi.com
- Brunello di Montalcino 2005
Pian dell’Orino : www.piandellorino.com
- Rosso Piandorino 2011
Rocca di Montegrossi : www.roccadimontegrossi.it
- Rosato di Toscana 2012
Tenuta di Valgiano : www.valgiano.it
- Palistroti di Valgiano IGT Colli Lucchesi 2010
- Tenuta di Valgiano IGT Colli Lucchesi 2010
Trentino
Azienda Agricola Elisabetta Foradori : www.elisabettaforadori.com
- Fontanasanta Manzoni Bianco 2011 IGT Vigneti delle Dolomiti
- Fontanasanta Nosiola 2011 IGT Vigneti delle Dolomiti
- Morei Teroldego 2010 IGT Vigneti delle Dolomiti
Veneto
Azienda Coletti IGT Colli Trevigiani : www.vini-coletti.com
- Via Larghe 01 IGT Glera Colli Trevigiani
- Giuse IGT Marca Trevigiana
Azienda Agricola Frozza : http://www.frozza.it
- Valdobiaddene Prosecco 2012
Azienda Agricola Piccinin Daniele : www.vinnatur.org/produttore/piccinindaniele
- Bianco dei Muni 2009 IGT Bianco del Veneto