VDV #60 : Oxygène !
Oxygène ! … Ah, le beau sujet de réflexion vendredivinique que nous propose le petit Guillaume Deschamps, jeune apprenti président normal autoproclamé de la session plénière des Vendredis du Vin d’Octobre 2013 et aussi, à ses heures perdues, animateur de son blog « Découvertes Vins ».
Beau sujet, parce qu’on perçoit directement qu’on va bien s’amuser avec les pro, les anti et les « je m’en moque » d’une notion qui couvre en vin, tout et son contraire… parce qu’il y a moyen de causer, de s’enflammer entre les vins naturels (option non ou micro-sulfités), la micro-oxygénation à travers le bois, les vins de voile, les ouillés ou pas ouillés (on remerciera les anges au passage), les madérisés ou pas, j’en passe et des meilleures…
D’autant qu’il insiste …. le bougre :
Moi Président des Vendredis du Vin, je préciserai qu’un mot, un seul et simple mot, suffira amplement à exciter l’imagination fertile des participants. J’ajouterai qu’il ne sera pas donné de plus ample consigne, et que chacun sera libre de contribuer à notre ambitieux édifice sans contrainte ni pression d’aucune sorte
Il y en aura donc pour tous les goûts comme chez les Papous….
Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papas. Il y a aussi des Papous à poux et des Papous pas à poux. Et aussi des poux papas et des poux pas papas. Et même des poux papous et des poux pas papous. Tous les Papous papas à poux papous pas papas sont des Papous à poux papous pas papas, mais les Papous papas pas à poux papous pas papas ne sont pas des Papous à poux papous pas papas, ce sont des Papous pas à poux papous pas papas…
Bref, on va pas s’emmerder, c’est sûr, peut-être même aussi sortir le fleuret, question de bretter un coup (poke SDG).
Et… il y aura certainement des absents…. Pour paraphraser Laurent Ruquier, on regrettera évidemment l’absence de Michou Bichou qui aurait certainement plus d’un papou à dire sur la question, lui qui préfère le vide transsidéral aux joyeux effets du gaz vital, ou, encore Eric Bosschman, qui ne nous fera pas part de ses découvertes de grande distribution, découvertes qui rejoignent souvent le même vide que pour le premier intéressé.
Ah, les absents…. Je ferais bien de la fermer, vite fait, tellement une épidémie de fatigue subite et de spleen automnal avait frappé la horde sauvage des Brusseleirs…
Toutefois… je ne doute pas qu’au lu peroxydé de ce qui suit, leur flemme ne sera point ravivée (repoke SDG).
Donc… malgré les absents, reste le dernier carré, la garde maure, mais ne se rend pas.
Pour la première quille de la soirée, notre petite Graziella nous propose une bulle, se rappelant que si l’oxygène est un atome, le dioxygène est lui un gaz, tout comme, quand, après avoir copulé avec le carbone, on le trouve dans les bulles. Les plantes pourraient vous en dire plus, selon qu’elles soient en mode hibou ou non.
Bref, revenons à nos bubulles, quoi qu’en pense Mouton, mon poison rouge, et observons le Ferrando 2011 de l’IGT Lambrusco Emilia de l’Azienda Agricola Quarticello que la donzelle nous propose. Certes, la bulle n’est pas pâle (temps mort) mais d’un rouge orange bien intense, elle a la robe prometteuse de fruits pas défendus. Après avoir eu la brett fugace, le nez confirme la fraise des bois plein pot… et si la bouche commence un peu fermée, probable volonté du producteur de ne pas laisser à l’oxygène trop de place*, à l’aération-évolution, la chose procure un méga-plaisir sanguin, très orange sanguine amère, plein de fraicheur sur la longueur. Chouette quoi
(* : « Réduire pour moins souffrir » par Laure et al., nous le valons bien. Nature,2013).
Pour suivre, vient le fruit ultime d’une longue mais pas âpre campagne d’un plus trop jeune belgo-helvète au pays de Candi Jean Van Roy, campagne qu’il narre avec talent et audace dans son ouvrage De Bello Gueusico.
Et oui, gentes dames, une bière au pays de Candi des Vendredis du vin… Mais pas n’importe laquelle… La seule, si l’on excepte celles de quelque microbrasserie naissante, qui s’ensemence en plein oxygène, même si dans l’air, il y a surtout de l’azote.
Une bière qui revendique haut et fort ses Brettanomycès Brusselensis, n’en déplaise à Michou Bichou….
Une bière qui se fait attendre deux à trois ans en fût avant de régaler nos palais avides de ce jubilatoire amalgame de fraicheur que représente l’union sacrée de l’acidité et de l’amertume.
Une bière bien surtout qui sait voir « venir », comme le montre de façon prodigieuse cette Gueuze Cantillon « Cuvée Florian » 1996… si !
Tant au nez qu’en bouche, à côté d’une tension énorme qui ferait fuir des rieslings du même millésime, à côté de ces touches « bière artisanalement amère » bien affirmées, il y a ces bulles qui n’ont pas pris une ride, il y a ce fruit gigantesque, déchirant, le tout avec une sensation d’équilibre parfait, sur une longueur tout aussi invraisemblable pour une … bière, enfin invraisemblable pour qui ne connaît pas … LA bière. Et puis, il y a cette buvabilité ENAURME !
Pour suivre, Jef d’Hoeilaart nous propose d’aller chercher l’oxygène là où il n’est pas, dans le firmament où brillent les étoiles avec un Constellations 2010, Vin de Pays de l’Aude du Domaine Mamaruta (choix assez logique, ma fois, après Papaoùté, le mois précédent).
Côté positif, il y a ce miel gourmand et puissant au nez ; il y a aussi cette impression de muscat juteux et frais même si ici point de muscat mais bien maccabeu à 70% et carignan blanc à 30%. Il y a enfin une belle petite descente facile. Côté moins positif, il y a le fait qu’on devrait se méfier de placer un vin derrière une Cantillon 96, l’effet de séquence ayant pour résultat de nous priver de sensation de tension, laissant dès lors à la chaleur grassouillette trop de place. A revoir… avant la gueuze…
Dans le même état d’esprit, Brigitte, notre petite photographe qui aime Totti et Totti Quanti, nous amène, en Savoie, chacun son chemin, en hauteur, donc, là où la molécule se raréfie au profit de la Tome. (re-re poke Steph).
Certes, elle aime… Totti mais pas que, à la lumière de cette cuvée El Ehm 2011, pour qui elle abandonne ce soir le beau Francesco (alors que la Roma pulvérise en direct les méchants… pétrolifères de Napoli). Lui, du coup et, pas trop jaloux pour le coup, se serait exclamé à la fin du match « elle ne veut que Berlioz et moi ! ». Grande fripouille, va !
De cette roussanne qui point ne soufre mais bien souffre aussi et encore des effets de l’acidité de la Cantillon, au point d’être un peu mise en bière, on retiendra beaucoup de fruit, allant de la poire et la banane, une belle minéralité aussi ou encore une sensation de matière indéniable… mais cette cuvée a, par le passé, bien plus réveillé nos palais qu’en ce jour. A revoir… toujours avant la gueuze…
You are on the Piccadilly Line.
The next Station is Hyde Park Corner.
Please, …. mind the Gap !
Dans la famille « idées préconçues» au sujet de la facilité à l’oxygène, donnez-moi un vigneron assimilé à « naturel », une région où le voile n’est pas burka, ajoutons-y un cépage réputé pour ses qualités oxydatives et finissons le tout par un petit coup d’amphore et toute la « réputation » joyeusement orange qui l’accompagne…
Menhir montant….. Eh, oui, madame
Et au centre de toutes ces considérations sans le moindre sens de la marche, l’helvéticobelge suiné vous balance une Cuvée Amphore 2011 de Stéphane Tissot, le tout avec un sourire narquois...
Et bien allons-y, donc, une fois ! Parce que je pense qu’il y a effectivement tout à dire ou non, tout à adorer ou non dans ce vin. Selon ce qu’on aime… d’un vin… évidemment !
Oui, il s’agit d’une micro-cuvée que seuls certains privilégiés auront la chance de connaître.
Oui, l’amphore est en train de devenir une mode, le vintage, l’est aussi, au fait.
Oui, le savagnin est un cépage pas toujours aussi abordable surtout au lecteur d’Eric Bosschman.
Oui, il y a probablement, vu le minimum de soufre ajouté et le séjour en amphore, des traces minimes d’oxydation embarquées.
Oui, il y a bien quelques notes « orangées dans cteu pinard….
Oui, il y a des tanins marqués…
Mais… ’tain, qu’est-ce que c’est bon !
Au sommet de la complexité, de ce mot minéralité que les bien-pensants se refusent à prononcer de peur qu’on les catalogue d’usagers de mots qui n’ont que leur sens et non leur goût.
Qu’on le veuille ou non, ce magnifique savagnin, ouillé est une petite merveille qui à chaque seconde révèle une autre face de sa personnalité, même si la « terre » est omniprésente. Incontournable.
Le saviez-vous ? Le Sauvignon Gris, à l’inverse de notre président autoproclamé n’aime pas l’oxygène. Nous, pour tout dire, on l’ignorait aussi, mais pas notre vrai « oenologue » Massimo, parce qu’il a fait des études, lui. Et quand il propose une quille, ce n’est ou ne sera jamais anodin, par Thor et par Hasard…. Une sorte de professeur Rollin de la vigne, vous savez, celui qui a toujours quelque chose à dire… et à l’instar de « Palace », c’est toujours aussi passionnant !
Bref quand Massimo nous propose un Sauvignon Gris 2007 de chez Lassolle (en Sud-Ouest), il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on aille à la rencontre d’un vin au nez et à la bouche denses, complexes, avec une acidité qui fait penser aux grands vins du Frioul, un équilibre parfait entre gras et fraicheur.
Coup de chapeau, Monsieur Colletti… avec votre bouteille vous avez réussi à résumer toute la soirée, et ça grâce à un OVNI entre Cantillon et Tissot….
Et comme en plus ses antipasti et ses pasta all’amatriciana sont aussi « torchables », que demande le peuple ?
A ce stade, l’humble conteur que je suis vous fait gentiment remarquer que de vin oxydatif pur et dur, il n’y en a point eu au programme… enfin, pas encore, mais comme nous sommes aussi universels que l’Ovomaltine est dynamique, il n’y a pas lieu de se refuser un de ces liquides étranges et jurassiens aussi qui ont fait couler souvent beaucoup d’encre. Certes, au liquide de seiche je préfère nettement la Cancoillotte, même si j’admets que c’est moins facile d’écrire avec cette dernière.
Terminer avec un tel liquide fut le choix de Jef pas de Bruges mais d’Hoeilaart (prononcez Ouille, Lard et le T de tudjuu, ou envoyez-vous deux kilos de lard sur le pied).
Et dans la famille savagnin sous voile, il a choisi l’ogre de la Combe de Rotalier, Fanfan Ganevat et sa Cuvée de Garde.
Bien sûr, il y a la noix… bien sûr, il y a ce côté ultra-sec qui fait trembler les meilleurs Sherrys, ceux qu’on aime et qu’on adore. Mais à l’instar des héros flingueurs, il y a autre chose, et cette autre chose s’appelle matière, fraicheur, profondeur et même fruit. Splendide et totalement au-dessus du lot !
C’est là-dessus qu’arrive le père JF, dit Basin, pour les intimes. Il aurait pas dû être là, mais il était là quand même, et c’est pas pour nous déplaire… Pour jouer avec, il nous choisit une belle quille au tarif de l’Enoteca de Massimo : Un Cerasuolo di Vittoria 2010 de COS. Et bien lui en prend…. Les vins de Giusto Occhipinti, c’est mon oxygène à moi, surtout celui-là.
Et voilà, c’est fini… c’était bien, Oxygène, on y retournera. Longue vie aux VDVs !!!!