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26 mars 2014

Christine Marzani : de l’utopie au partage

Christine Marzani : de l’utopie au partage

Petit encart sur les habitudes de ce blog, puisque ce n’est, comme tel,  ni de vigneron, ni de bouteilles que je vais vous causer aujourd’hui, mais bien d’une personne qui un beau jour a décidé de faire du monde du vin sa vie et qui le fait admirablement bien si l’on entend ses très nombreux amis, j’ai nommé Christine Marzani. 

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« Toute ma vie, j’ai rêvé d’être hôtesse de l’air » disait un certain Jacques D. Certes non, avoir des talons hauts n’est pas vraiment une de mes obsessions, vivre les fesses en l’air, non plus, bien qu’au vu des températures de ce dernier hiver, certains seraient en droit de rêver…. Non, mais je l’aime bien cette chanson de Jacques D, parce qu’on rêve tous un jour de donner un tournant à sa vie, même si celle qu’on mène n’est pas à proprement dit ni goulag, ni métro boulot dodo.
Mais ces choses-là n’arrivent pas comme un billet de Lotto gagnant, il faut les provoquer, et dans le monde du vin, et Christine Marzani l’a décidé ainsi, un beau jour, et aujourd’hui, au sein de nombreuses association et plus particulièrement au sein de son « Vini di Vignaioli », elle est devenue un véritable trait d’union entre tous ces vigneron s du Vino Naturale d’Italia qui me fascinent tant.

A une époque où les gens respectueux d’une viticulture proche des racines ancestrales, de l’artisanat et de vins sans artifices évoluent chacun dans leur pays, dans leur associations locales, à une époque où trop souvent les amateurs ne regardent pas plus loin que leurs frontières par je ne sais quel besoin de protectionnisme, il me paraissait plus qu’utile de parler de cette ancienne restauratrice parisienne qui a fait de sa vie un tournant orienté vers les autres, qui a fait de sa vie quelque chose d’utile à la communauté. Et cela, quitte à susciter quelques vocations, à commencer peut-être par la mienne, car dans le portrait qui suit, je me retrouve tellement, sans avoir pour autant encore franchi le Rubicon et crié alea jacta est !

Marie-Christine Cogen-Marzani, Christine pour les amis, est originaire de Montparnasse et termine une licence de sociologie quand elle rencontre son futur mari, son « fougueux »italien d’Emilie-Romagne qui va être pour elle bien plus qu’une passion amoureuse. Une presque évidence que cette rencontre passionnelle, tant les jeunes italiens avaient marqué son enfance lors de nombreuses vacances passées dans la botte.
Ses premières expériences professionnelles, elle les fait dans de grandes chaînes hôtelières, ce qui va lui permettre de développer plusieurs facettes de son caractère, à commencer par la créativité, la capacité d’organisation, la notion de contact avec les autres et plus que tout, la curiosité. Ces piliers de vie vont lui permettre de fructifier humainement de nombreuses rencontres quand, avec son mari, elle ouvre le restaurant « L’Appennino », un restaurant qu’ils veulent totalement orienté vers l’Italie, une Italie naturelle, proche de ses racines à commencer par les vins qu’ils désirent
naturels, digestes, faits avec le raisin, « des vins qui devaient faire rêver pour leur fraîcheur » comme ils les avaient découvert bien avant quelque mode que ce soit dans des œnothèques parisiennes comme le « Bistro d’Envièrges ».
Grâce à leur restaurant et leurs ballades oenophiliques, le couple va connaître des gens fascinants, universitaires, artistes qui sont tous devenus l’objet d’amitiés solides, à commencer par le taulier du Bistrot d’Envièrges, François Morel qui allait plus tard fonder la revue le Rouge et le Blanc mais aussi par ces vignerons qui allient donner naissance à l’AVN.
A l’inverse des vins français que François avec découvert pour eux, se procurer des vins italiens équivalents relevait à l’époque (déjà qu’aujourd’hui, ce n’est toujours pas si facile (NDLA)) d’une véritable gageure et il s’est très vite imposé le fait d’aller les chercher sur place.
Et là arrive ce que beaucoup d’entre vous connaissent aujourd’hui, en tous cas, ce qui est largement mon cas, le fait de connaître un vigneron et de lier une amitié avec lui amène très vite à en connaître d’autres, d’autant que les italiens ont cette qualité essentielle de diriger des passionnés vers d’autres de leurs collègues, même si le monde du vin naturel étant ce qu’il était à l’époque, on prenait souvent cette française de Christine pour une douce dingue pour venir chercher du vin en rase campagne, à des années lumières des buzz italiens de l’époque.
Mais la curiosité de Christine est un moteur sans faille, il cristallise ce besoin de savoir ce qu’il y a derrière les choses donc « naturellement de savoir ce qu’il y avait derrière une bouteille de vin et surtout connaître la femme ou l’homme qui l’avait bercée ».

Et plus les rencontres se passent, plus Christine se sent de plus en plus attachée aux valeurs de ces vignerons : sincérité, honnêteté, équilibre, respect et par-dessus tout « boire bon », boire en communauté ces vins qui ne donnent pas mal de tête, ces vins qui ont les arômes de la terre.

Petit à petit, l’Appennino est devenu un véritable porte-parole des Vins Naturels Italiens en France. 
Par ses voyages, Christine est de plus en plus liée physiquement à l'Italie, et, pour aller encore de l’avant, pour aller au plus près de ce pays qui lui bouffe les tripes de la passion et enfin, pour pour se donner le nouveau défi de devenir un véritable chainon entre les deux pays, elle s'installe à Parme, cette ville dont le coeur bat à coup de gastronomie et de vin.

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La construction de ce chainon surtout va mener à une fantastique mise en commun d’amitiés vigneronnes, le premier salon « OFF » d’Italie lié aux vins naturels, Vini di Vignaioli (Vins de Vignerons) qui a lieu pour la première fois à Fornovo dans la province de Parme, un beau jour de décembre 2002, avec en tout et pour tout 10 vignerons français, 4 italiens alors qu’au même moment, Luigi Veronello,  un grand journaliste du vin créait le salon “Critical Wine Terra e Liberta” à Milan.
A l’origine de ce salon, une utopie qui a pris vie grâce à
un groupe de femmes et d'hommes qui y ont cru, une utopie imaginée par un « étrangère » avec ses vins « naturels » suite à une conversation de café, devant un verre de Beaujolais avec un maire, hôte de la table de Christine qui lui demande : « Veux-tu organiser une manifestation ? Je je mets à disposition une salle et des personnes qui puissent travailler avec toi ».
Quatre mois avant l’évènement, Christine n’a pas la moindre idée de comment l’organiser ; c’est sans compter sur l’aide providentielles des amis de France, Binner, Larmandier, Foillard, Breton, Guyot, Venier et les quatre nouveaux amis italiens.
Et probablement que cette image forte de l’AVN, en Italie, a convaincu, tout comme cette « française » qui rappelait par ses origines à ces vignaioli, le berceau de leur philosophie.

Quand il y a deux ans, j’ai demandé à Elisabetta Foradori quel était le plus beau salon d’Italie pour faire de belles rencontres humaines, elle m’a tout de suite répondu Fornovo, c’est tout dire…
En treize ans, Vini di Vignaioli est aujourd’hui une « institution », le lieu qu’aucun de ces vignerons dont je vous rabat les oreilles sur mon blog ne veulent rater sous aucun prétexte, au point que lors de ces deux dernières années, il a fait des petits à Orvieto, à Rome et à Milan.
 

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Pourquoi une telle réussite ? Autant demander pourquoi j’écris aujourd’hui cet article de retour de la première à Milan : tout simplement parce que Christine Marzani a réussi à travers ses salons à faire communiquer entre eux les vignerons de régions différentes (ce qui en Italie était une vraie gageure, mais plus encore de pays différents, abattant ainsi les frontières que Vinitaly recherchait avec obsession, mais surtout parce que ce salon respire de ce qui fait battre son cœur, la curiosité de l’autre, l’échange humain, l’enrichissement par la diversité. Si d’autres salons pratiquant ces valeurs comme Vinatur ou Vini Veri ont vu le jour au même rythme que la passion des vins naturels explosait en Italie, Vini di Vignaioli reste leur porte-étendard la fête où va pour se retrouver.

En abattant ces frontières, Christine participe aussi largement à éliminer ce qui pourrait être ressenti comme une forme d’ostracisme du Nord pour le Sud, elle participe à la renaissance de ces vins de plaisir, de table, de soif que sont les le Grignolino, le Lambrusco et certains Sangiovese de Romagne qui peuvent en produire et même maintenant des Aglianico de Campanie, ces Frappato de Sicile, ces mêmes vins qui redorent le blason du Sud.

Un pour tous, tous pour un… aime-t-elle crier haut et fort ! Parce que Christine, c’est aussi une militante. Elle ne croît pas que les vins naturels soient une mode de bobos, une différence pratiquée par des paysans néo-intellectuels, elle y voit des réponses à la question de notre avenir :

« Je crois que ce n’est pas seulement dans le monde du vin où se marque un tournant dans tout le monde paysan, beaucoup de questions se font jour ;  on le voit à travers différents procès en France et ces questions surgissent dans un milieu où la puissance de l’argent a toujours été très forte et je pense qu’il faut absolument soutenir toutes les luttes paysannes agricoles et vinicoles. En Italie, aussi, on a vu des amendes hors normes infligées à des vignerons pour avoir utilisé le mot “naturel”.
Souvent on se dit que nous ne sommes pas nombreux et pourtant la grande industrie s’intéresse à nous ou pour écraser ou pour utiliser.
Je ne pense pas que ce soit une nouvelle classe qui naît, c’est surtout une multitude de mouvements qui se lèvent pour essayer d’être utile à la lutte qui s’organise contre la destruction de la planète. Aujourd’hui cette lutte est entrée dans les médias, ce n’est plus une utopie. »

Même si je ne l’ai rencontrée à ce jour qu’une seule fois, Christine est déjà pour moi une évidence de passion de vie.
Cette évidence de vie qui a marqué de sa patte, de ses rencontres le monde du Vin Naturel comme celles de François Morel, de tous les vignerons qu’elle a côtoyé mais aussi de Jean Paul Rocher, éditeur aujourd’hui disparu et cher à nos « Tronches de Vin », de Marie, la fille de Paul qui continue le travail de son père comme la publication des écrits de Jules Chauvet et de tous ces bistrots rejetons des Envièrges comme le Baratin, le Verre Volé, ces endroits on parle de ce merveilleux monde des vins naturels sans que la nuit ne nous arrête.

Merci à toi, Christine d’incarner dans la réalité mes rêves, mes passions mes utopies aussi, puisque celle-ci s’appelle Vini di Vignaoli à… Bruxelles et qu’elle pourrait bien m’aider à rendre réalité, elle et ses « amis » de Fornovo, ça tombe bien, les défis et les batailles, elle aime ça !

Cet article est basé sur un texte en italien que Christine avait écrit sur sa vie, ainsi que de deux entretiens  que nous avons eu, un à Milan, l’autre par courriel.

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