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6 octobre 2014

Verticale 2012-1994 du Grand Cru Altenberg de Bergheim du Domaine Marcel Deiss

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« L’élaboration de ce vin marque une étape dans ma vie de vigneron et une rupture avec le primat du Cépage dominant le Terroir dont l’Alsace a tant souffert au cours de ces cent dernières années »
Jean-Michel Deiss

Avant-propos

Quand on descend la route des vins d’Alsace vers le Sud, le village de Bergheim est assurément, le premier que l’on rencontre en Haut-Rhin pour abriter un des plus magiques terroirs, l’Altenberg de Bergheim… « L’Ancienne Colline ».
De superficie assez modeste (35,6 hectares), la réputation du lieu remonte tout de même au 12 siècle.
C’est toutefois à la fin de 20
ième siècle qu’on a assisté à un véritable renouveau qualitatif de ce Grand Cru, grâce à la volonté de vignerons comme Gustave Lorentz ou Sylvie Spielmann.
Mais, personne ne le niera, et sans minimiser le travail de ces vignerons, c’est surtout au Domaine Marcel Deiss que l’on doit aujourd’hui cette reconnaissance mondiale et… qui dit Domaine Marcel Deiss, dit évidemment son incontournable tôlier, Jean-Michel Deiss, même s’il serait injuste de ne pas lui associer son fils Mathieu de plus en plus présent aux côtés de son père.

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A l’origine de cette reconnaissance, il y a non seulement les vins hors normes produits au domaine, mais aussi les combats que Jean-Michel a mené au service des terroirs et pour le retour à la complantation, imposant son caractère trempé comme image forte parmi les vignerons alsaciens.

Cet article décrit une dégustation unique telle qu’elle me l’a été proposée au domaine, soit la verticale de l’entièreté des Altenberg de Bergheim depuis que les terroirs du Grand Cru y sont menés en complantation.
Il est probablement le plus beau témoignage de reconnaissance dont je puisse être humblement capable vis-à-vis tout ce qui a été accompli en trente ans au Domaine Marcel Deiss.

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Géologie et climat

Situé au Nord du Haut-Rhin, le Grand Cru Altenberg de Bergheim s’appuie les pentes du mont Grasberg, entre 220 et 330 mètres d’altitude, au-dessus du le village éponyme Il est au cœur du champ de failles de Ribeauvillé, un des plus beaux exemples de la mosaïque géologique qui résulte du double effondrement du fossé rhénan à l’Oligocène.

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L’assise est majoritairement constituée de calcaires durs du Jurassique et des marnes du Lias d’où résulte un sol argilo-calcaire pauvre, ferrugineux (de couleur rouge), riche en roches et fossiles calcaires.

De par son exposition plein Sud ainsi qu’une position qui le protège des vents froids vosgiens ainsi que de l’humidité de la plaine du Ried, l’Altenberg possède un microclimat extrêmement solaire et très sec qui favorise les maturités du raisin qui sont fréquemment amplifiées par la présence de pourriture noble.

Complantation

Il est impossible de parler de l’Altenberg de Bergheim du domaine Deiss sans s’intéresser un peu à la notion de complantation, même si pour ceux qui sont passionnés des vins d’alsace ou œnophiles confirmés, il a de très fortes chances que les lignes ci-dessous n’apprennent rien, tant ne vous est pas étrangère cette viticulture défendue par Jean-Michel Deiss et sa tribu, déjà que là, il est plus exact d’écrire, tant y est défendue la notion de « retour à la complantation ».

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Pour lancer le sujet, rien ne vaut les mots de Jean-Michel Deiss concernant le sujet, plus particulièrement sur ses parcelles de l’Altenberg de Bergheim :

Le retour à la pratique ancestrale du vignoble complanté de tous les cépages traditionnels et de la vendange unique non triée ouvre à l’Altenberg la boîte de Pandore du « Grand Vin » : le Terroir devient alors le chef d’orchestre qui maîtrise et inspire dans toutes les gammes l’ensemble des exécutants (porte-greffes et cépages, l’ensemble des conditions du millésime et même le vigneron !) au service d’une partition unique : l’expression pure du Terroir, la symphonie équilibrée du Grand Vin. Ce vin de synthèse renoue alors avec la vieille tradition alsacienne des vins de garde et de voyage qui, durant tout le Moyen Age, la Renaissance et jusqu'à la fin du XIIIe siècle, rendit possible le gigantesque effort culturel rhénan dont l’Alsace moderne est le résultat.

Il s’agit donc bien quand on parle de complantation, non pas d’un assemblage de cépages à la cave, à la manière d’un « Gentil », mais bien, sur la même parcelle, de la présence de différents cépages, traités et vendangés ensemble sans aucune distinction de type.
Cette forme de viticulture et de vendanges prévalait effectivement avant l’arrivée de la demande productiviste moderne ayant élevé, en Alsace, le monocépage comme référence.
Selon les villages et terroirs ancestraux, cette complantation n’était pas unique mais présentait autant de facettes que la mosaïque géologique alsacienne, l’expérience acquise déterminant si un cépage pouvait, par une concentration plus élevée de ses pieds plantés, augmenter l’expression qualitative du dit terroir.

La complantation induit donc évidemment une perte du cépage comme référent, laissant seul pouvoir de référence au terroir, ce qui, ces dernières vingt années a eu l’art de provoquer débats et heurts musclés, la viticulture alsacienne, dans son côté terrien, s’angoissant bien volontiers face au changement, et ainsi, se refusant massivement d’aller de l’avant (… en revenant en arrière).
Pourtant, malgré la tempête, à l’instar d’Hubert Hausherr à Eguisheim, on voit de plus en plus de vignerons s’intéresser de près à cette approche de la vigne. Gageons, à ce titre, que la situation sera encore différente dans 10 ans.

Mais ce qui est frappant dans ces débats, c’est qu’ils ne volent que rarement plus haut qu’un jeu de marketing lié à l’étiquette alors que finalement, la notion de maturité globale devrait faire sourciller plus avant,  le pinot blanc, par exemple, pouvant atteindre sa maturité plusieurs semaine avant le riesling.
Face à ce réel questionnement-là intervient une des notions clés défendues par Jean-Michel Deiss : à force de vivre côte à côte, les différents cépages deviennent plus symbiotiques que simples voisins, ils s’interconnectent pour finir par évoluer en commun avec un seul marqueur déterminant, le terroir… le terroir dans sa notion complète de sols, de climat et des facteurs influencés par l’homme comme la biodynamie menées intensivement au domaine Deiss.
Les cépages évoluent donc, via la complantation, comme un individu multiculturel mais unique.

Sans vouloir prendre position face à ce que cette notion peut impliquer comme controverse, il est tout de même certain, et cela personne ne semble le contredire vraiment, que la complantation permet un gommage de la notion de variétal des vins de cépages, tout profit logique pour le terroir.

L’Altenberg de Bergheim est probablement la figure de proue actuelle de la complantation française parce qu’on y retrouve aujourd’hui tous les cépages traditionnels alsaciens, y compris chasselas rose.

La dégustation

Les vins qui en sont issus demandent une grande garde pour exprimer pleinement leur terroir natif, soit un minimum de 10 à 15 ans, pour les millésimes les plus qualitatifs, cette apogée semblant ensuite sans limite pour ceux-ci.
Tout l’intérêt de cette magnifique dégustation verticale qui reprend l’entièreté des Altenberg commercialisés à ce jour depuis le retour à la complantation sur les parcelles du Grand Cru incriminées, parcelles colorées en foncé sur l’image ci-dessous.

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Il faut toutefois noter, pour être exact que l’aventure a commencé avec une parcelle plus importante au sommet droit du Grand Cru, parcelle qui était majoritaire en riesling, à l’époque, les pieds à remplacer l’étant progressivement par d’autres cépages avec un travail plus important sur le Gewürztraminer.
Sur les autres parcelles, la complantation a été directement abordée de façon plus globale.

La dégustation été menée du millésime 2012, le plus récent mis en bouteille jusqu’au 1994, premier vin complanté produit au domaine, soit 19 millésimes au total. Les bouteilles avaient été ouvertes environ 48 heures avant notre la dégustation et conservées au frais et à l’abri de la lumière et de l’oxygène environnant. La dégustation a été dirigée et commentée par Florian Mercandelli avec des interventions diverses de Mathieu et Jean-Michel Deiss.

Altenberg de Bergheim 2012

Le nez est puissant, explosif même, très marqué par les agrumes, avec une légère impression fermentaire.
Tout aussi marquée par la jeunesse que le nez, la bouche est ronde, opulente, gourmande mais aussi déjà très précise, avec une incontournable salinité en fin de bouche.
Un vin qui a besoin encore de temps pour assumer ses sucres résiduels mais qui est assurément très prometteur.

Altenberg de Bergheim 2011

Le nez est étrangement assez évolué, très secondaire même si une légère pointe végétale est présente. Un nez un peu atypique de l’Altenberg, surtout si jeune, mais qui laisse tout de même transpirer, à l’aération une plus grande complexité.
En opposition, la bouche est plus équilibrée, toujours su la rondeur mais avec une tension supplémentaire qui apporte un gain de fraicheur, fouettant le côté gourmand déjà rencontré avec le 2012.
Si la salinité est moins perceptible que pour le vin précédent, en revanche l’impression de longueur est bien plus nette.

Altenberg de Bergheim 2010

Changement de cap avec ce vin, où, si le nez reste intense, il est moins opulent et c’est tout profit pour la pureté et la complexité qui s’en dégagent, une complexité où à côté des agrumes cohabitent floral et impressions minérales.
La bouche est un parfait état d’équilibre entre le gras et la rondeur qui accompagnent une matière énorme et la pureté tendue de l’édifice, avec ici, par rapport aux deux précédents millésimes, un sucre résiduel bien plus intégré.
Une véritable petite merveille !

Altenberg de Bergheim 2009

Le climat fait intrinsèquement partie du terroir et décidément les acidités faibles de 2009 jouent les troubles fêtes, surtout sur des terroirs solaires comme l’Altenberg de Bergheim. Ceci est marqué à la fois au nez, plus chaud, plus serré et moins ample ainsi qu’en bouche, où malgré une perception relative d’équilibre, le côté gras et surmaturé du vin ne parvient pas à être rafraichi par une acidité trop en retrait.
De plus, ce vin souffre indéniablement d’un effet de séquence avec le précédent.

Altenberg de Bergheim 2008

Retour à un millésime frais avec un nez nettement plus précis, assez intense, plein de fraicheur et surtout avec une forte impression de jeunesse.
En bouche, on retrouve les caractéristiques du 2010 avec moins de densité de matière mais une sensation nettement plus cristalline dans la pureté perçue ainsi que le sucre résiduel encore plus intégré. Si on atteint ici déjà un niveau très élevé, il est évident que ce vin grandisse encore et très nettement même, car, comme pas mal de 2008, il revient d’une phase de dormance et entreprend à peine sa transformation vers la maturité définitive.

Altenberg de Bergheim 2007

Si, globalement, beaucoup de 2007 alsaciens déçoivent aujourd’hui, la faute à une matière originelle insuffisante, cet Altenberg 2007, lui, s’en sort avec tous les honneurs, tant de par son joli nez fin et complexe, plein d’agrumes très frais qu’avec sa bouche très équilibrée, dense, et dont le côté confit est très bien contrebalancé par une acidité sauvegardée.
S’il est moins long que les 2010 et 2008, sa persistance aromatique reste du domaine du remarquable.

Altenberg de Bergheim 2006

Tout comme pour 2009, le climat a ici marqué le vin de son empreinte avec un botrytis très présent qui porte le sucre résiduel du vin à 110 grammes au lieu des plus classiques 80 grammes/litre.
Les sensations plus confites sont donc bien là, tant au nez qu’en bouche, sans être pour autant champignonneuses, et, à l’inverse de la grande majorité de ses pairs du millésime, ce vin est parvenu à conserver de la fraicheur ce qui lui confère une buvabilité certaine.
Dans le registre d’un vin moelleux, une indéniable réussite pour le millésime, mais tout de même… un Altenberg atypique.

Altenberg de Bergheim 2005

Le milieu des années 2000 a été particulièrement riche en variété de millésimes souvent tourmentés, mais en son cœur, il y a ce 2005 qui a redonné du sourire à tant de vignerons, parce que tout y était presque « facile » et cette cuvée du Domaine Marcel Deiss ne déroge aucunement à la règle.
Le nez est profond, complexe, aérien, très légèrement botrytisée (du moins interprété comme) mais ce sont les notes florales qui, ici, avec beaucoup de délicatesse, emportent la mise.
On retrouve tout cela en bouche, tout en finesse, même sur la viscosité qui paraît souple. Tout en complexité aérienne, ce vin est doté, de plus, d’une longueur remarquable.
Un très belle bouteille qui entre doucement en pleine maturité.

Altenberg de Bergheim 2004

De l’avis unanime, 2004 est un millésime marqué par la violence solaire… de son prédécesseur, un peu comme si la vigne était sortie groggy d’un knock out après 10 rounds intenses et qu’elle avait besoin de passer un millésime pour se remettre totalement à son meilleur niveau… avec évidemment un bémol à cela : les grands terroirs aux sols les plus vivants récupèrent toujours mieux et plus vite.
Dès lors si l’on retrouve dans ce vin précis des caractéristiques de 2004 (notes végétales, amertumes plus marquées) et qu’on n’atteint pas les sommets des 10, 8 et 5, la conservation des arômes agrumes et floraux, la présence d’une tension remarquable et une matière bien structurée font de cette cuvée un 2004 hors normes dans le bon sens qualitatif du terme…. Le terroir a parlé !

Altenberg de Bergheim 2003

Oubliez ici tous vos préjugés sur 2003, parce qu’en mesure d’anticonformisme dont l’Altenberg est capable, ce vin se pose un peu là !
Le nez n’est ni puisant, ni solaire et c’est tout gain pour la complexité perçue. La bouche, quant à elle, sans atteindre des sommets de tension, est très équilibrée parce que les sucres sont totalement fondus, intégrés et on est presque face à un vin sec… oui, vous avez bien lu, sec.
Un peu comme l’acidité perçue, la longueur n’atteint peut-être pas des sommets mais reste extra-ordinaire pour un millésime sorti des enfers. Une très grosse surprise, indéniablement.

Altenberg de Bergheim 2002

En pénétrant dans ce millésime suivant, c’est un peu comme si on tournait le premier chapitre d’une biographie, celui de la jeunesse avec l’intensité de sa jubilation et … de ses tourments.
Car clairement, dès ce 2002, on passe dans une autre dimension, celle de l’évolution, celle où le terroir marque définitivement son empreinte indélébile, cette empreinte qui doucement gomme le millésime et fait rentrer le vin dans les ordres de la minéralité.
Dès le nez, ce vin marque l’esprit parce que pour la première fois, même si le floral aérien est très présent, on est face à cette forme de complexité qui emplit les sens et qui parallèlement devient plus difficile à décrire.
Et comme souvent pour un vin qui atteint cette phase d’évolution, il se comporte en bouche avec une unité toute aussi complexe et avec un équilibre au diapason.
Mais plus que tout, c’est la longueur saline qui force ici à l’admiration. Je ne pense pas, à ce jour, avoir déjà goûté un tel 2002 !

Altenberg de Bergheim 2001

On pourrait volontiers faire, pour ce 2001, un copier/coller de ce qui a été écrit pour le 2002, tant on est à nouveau en plein dans le registre de la complexité tertiaire.
Mais même si, avec l’âge, l’effet millésime s’efface, on est malgré tout sur 2001 avec tout ce que cela comporte, aujourd’hui, de qualitatif. Tout est ici magique, la complexité aromatique, la tension digne d’un bijoutier anversois, le gras aussi fin qu’une tranche de Colonnata, et puis cette longueur, fusionnelle, magnifique : l’archétype du grand vin, tout simplement !

Altenberg de Bergheim 2000 et 1999

Clairement, après deux sommets, on redescend sur terre, surtout avec le 2000, solaire, aromatiquement peu expressif, un peu marqué par le champignon, les amers et un alcool trop présent. Le 1999 s’en sort mieux en termes d’équilibre avec des amers moins marqués bien que toujours présents.
Mais, là où le 2000 s’en sortait pas mal pour sa matière, le 1999 est trahi par une concentration trop faible, le rendant fluet.

Altenberg de Bergheim 1998

Après un brusque retour sur terre, rien de tel que reprendre dans la foulée du « Stairway to Heaven » avec cet exceptionnel 1998…
A nouveau, le nez balance une complexité marquée par le floral, et cela, sur le registre de la finesse qui invite littéralement à la méditation.
A nouveau, la bouche transpire de ce monumental équilibre trouvé sur le 2001, mais avec une sensation de matière sèche encore plus dense, conférant au vin, une salinité encore supplémentaire.
Un vin référence où on notera, tout comme le 2002 et le 2001 que la sensation de sucres résiduels a littéralement disparu, tout profit pour l’harmonie qui se dégage de ces vins.

Altenberg de Bergheim 1997

Plus puissant, plus monolithique avec des notes torréfiées et champignonneuses, ce 1997 surprend un peu parce que malgré le bon équilibre, la fraicheur et la longueur de la bouche, on ne retrouve pas ici les vrais marqueurs de l’Altenberg, le tout faisant penser plus à un défaut de bouteille qu’à une faiblesse de millésime.
Impression qui se confirme d’après les souvenirs magnifiques que j’ai eu précédemment de ce 1997, un vin qui m’avait poussé, à l’époque à rentrer en religion de la complantation. A revoir, donc.

Altenberg de Bergheim 1996

Reprenons…. Quand un vin issu d’un grand terroir atteint la maturité, ce qu’on qualifie le plus souvent d’une aromatique tertiaire, il dégage tant au nez qu’en bouche une complexité évidente.
Sur l’Altenberg de Bergheim, aux agrumes et au floral, vient souvent s’ajouter de l’épice et plus particulièrement la vanille. D’autres 1997 que celui de cette dégustation me l’avaient maintes fois suggéré, mais la présence de vanille est une évidence sur ce 1996. Et, en plus à de complexe-là, viennent se greffer ici deux des sensations les plus nobles qu’un vin peut offrir, celle de la truffe blanche et du thé.
Et quand la bouche rappelle en tous point cette complexité aromatique pour y greffer une fraicheur minérale hors norme et un énorme extrait qui porte la longueur, on ne peut parler que de vin monumental.
Indubitablement, avec le 1994 qui suit, le vin le plus marquant de la dégustation.

Altenberg de Bergheim 1995

Le seul défaut de ce 2005 est de se retrouver coincé entre deux monuments et son seul bémol (s’il y a lieu de parler de bémol) est d’être plus puissant, un peu plus marqué par les amers.
Cependant, cette richesse relative réussit aussi à se faire ici mûre, juteuse, croquante et les épices et la salinité que l’on y retrouve aussi avec bonheur classent quand même ce vin dans les tout grands….
S’il avait été dégusté seul, il nous aurait clairement aussi mis à genoux.

Altenberg de Bergheim 1994

Comme pour le 1996, l’évolution est à nouveau dans la complexité fine, aérienne, tout en nuances, avec un fruit qui marque plus et une truffe en retrait.
En bouche, l’amplitude cède le pas à une autre forme d’équilibre où l’acidité et le fruit citrique étirent le vin comme une flèche de cathédrale, non sans manquer de gras.
Mais le plus remarquable dans ce vin est la sensation de vibration tactile comme si le palais était soudainement comme électrifié par la matière vivante.
C’est évidemment, en tous points, remarquable et un véritable plaidoyer pour « attendre » les vins du Domaine.

Conclusion

Admettre un jour qu’on a compris les grands vins alsaciens serait d’une prétention que je laisse volontiers à ceux qui survivent par leur ego, d’autant que je pense toujours que la prétention de connaissance nivèle l’émotion, comme si on pouvait avancer à la première vue d’un grand tableau ou d’une grande sculpture, l’avoir assimilée.
Par contre, il est absolument indéniable que, dans l’émotion, une telle verticale apporte un raz de marée d’informations qui confortent en nous l’image de ce que l’on souhaite rencontrer à travers un vin de grand terroir.
Même sous la puissance solaire explosive, même quelquefois sous l’amplitude et la rondeur résiduelle, un vin peut toucher à l’âme, surtout quand il parvient à exprimer avec tant de bonheur cette union sacrée entre les agrumes, le floral, les épices, la fraicheur, le gras, les amers nobles et la salinité.
Il est tout aussi clair, comme on l’a vu avec 2010 et 2008, que si ce message apparaît déjà clairement dans la jeunesse, il faut une quinzaine d’année de façonnage de la profondeur pour que ces vins touchent au monumental, à ce que Jean-Michel Deiss appelle la « totalité aboutie », une totalité qui appelle à la rêverie romantique.

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