Tenute Dettori
Un domaine sarde passionnément authentique
« Si être un Homo Sapiens Sapiens signifie regarder mais ne pas observer,
manger mais ne pas découvrir les goûts,
entendre mais ne pas écouter, sentir sans flairer…
alors je suis fier d'être Homo sapiens, sans plus.
Mais je me sens un animal au même titre que les autres animaux,
faisant partie intégrante de la Terre et de l'Univers
et je veux être un animal avec le minimum de raison indispensable à ma liberté.
C’est pour cela que je fais du vin…
et c’est pourquoi je le fais en utilisant des méthodes que j’ai appris de mes aïeux
et qui rapprochent de ce que je suis : « un animal instinctif ! »
Alessandro Dettori
Préambule
Quand on arrive au domaine Dettori, c’est pour y entamer un voyage dans le temps à la recherche des racines ancestrales d’Alessandro Dettori, le fougueux et vivant « animateur » des lieux.
Bien plus qu’un voyage dans ses racines familiales, un séjour à Badde Nigolosu nous transporte au cœur de notre propre aventure humaine.
Fougueux, vivant, Alessandro l'est assurément mais il est aussi et surtout un passionné et... comme tous les passionnés, il ne transige que très rarement. Oubliez ici toute notion de langue de bois, ici l'homme et ses vins resirent la franchise et tant pis, si on aime pas entendre certaines de ces vérités.
A titre d'exemple et en guise de préaambule à ce long article, voici deux prises de positions qui cadrent très bien le personnage, sa famille et ses vins.
Photo : Guillaume Deschamps
Tout d’abord, Alessandro estime qu’il est de sa responsabilité de léguer aux générations futures une terre fertile et saine et pour cela il essaie toujours de traiter les problèmes à la source, même si la seule solution est drastique comme un arrachage du pied, parce que, selon lui, cela vaut toujours mieux que de s’acharner à mettre des emplâtres sur une jambe de bois. Il est pour lui en effet ridicule de faire appel à des technologies agricoles ou industrielles pour corriger un problème alors que le bon sens suggère un raisonnement plus direct, comme, par exemple, il ne sert à rien d’investir dans des systèmes de déshumidification ou de refroidissement d’une cave qui pose cette problématique, il suffit de la détruire et d’en construire une nouvelle avec des techniques et des technologies ancestrales et écosensibles qui permettent à la cave de s’autoréguler tout au long de l’année.
Autre exemple, Alessandro recherche aussi obsessionnellement à produire des vins de terroirs témoins du passé de sa région. Peu lui importe que ces vins plaisent ou non à un public global ou aux guides avec qui il ne travaille d’ailleurs pas. Il veut uniquement proposer à travers ses vins un goût ancestral. Si malgré les hautes teneurs d’alcool et les sucres résiduels de sa plus grande cuvée, vous acceptez de comprendre, cela suffit amplement à le rendre heureux.
Et si d’aventure, vous vous mettez à les apprécier pleinement, vous n’aurez pas besoin de paroles ou de textes pour le lui faire comprendre, il le lira dans vos yeux.
“Vignaioli, Artigiani creatori di Vino”
C'est donc au cœur de l’aventure humaine d’un artisan viticulteur au sens noble du terme que cet article vous convie à vous plonger.
Géographie
Le domaine Dettori est situé au cœur de la « Romangia », une région située au bord du Golfe de l’Asinara au Nord-ouest de la Sardaigne, dans la zone géographique et historique du Logudoro qui veut dire « lieu doré » en langue sarde. Cette zone, réputée de tous temps pour ses terres fertiles, s’étend de la moyenageuse Castelsardo à Sassari, la seconde ville de l’île avec près de 130.000 habitants.
La Romangia s’étend plus exactement sur le territoire communal de Sorso et de Sennori, en en plus faible partie sur celui de la commune de Sassari. C’est une zone essentiellement viticole de 820 hectares qui représente 3% du vignoble sarde total, mais qui est la quatrième en ordre d’importance de la culture du Cannonau, le cépage historique de l’île.
La végétation actuelle est composée d'oliveraies, de figuiers, de vignes et d’autres espèces végétales typiquement méditerranéennes qui rappellent le maquis provençal. La faune animale y est très riche avec, entre autres, des faucons, buses, renards, hérissons, lièvres, lapins sauvages, mais aussi, hélas, de sangliers.
Tel un cirque entourée de monts granitiques, la Romangia est une région de collines composée d’une assise calcaire sur laquelle repose une surface faite de galets, de sables et structures argilocalcaires, très variable d’une parcelle à l’autre.
De par sa structure calcaire prédominante, les sables de surface qui en sont issus ont une couleur blanc crème. En de nombreux points, les sols font penser à ceux de la région de Châteauneuf-du-Pape, particulièrement à ceux de Château Rayas.
Le climat est chaud et sec au printemps et en été, mais, un peu comme en Sicile, la dissémination du mildiou est freinée tant par les nuits fraiches que par les vents maritimes omniprésents. L’hiver est plus frais et humide avec même de la neige dans les mois les plus froids.
Histoire
En Romangia comme dans le reste de la Sardaigne et de l’Italie, on note les premiers témoignages de viticulture aux environs de 2500 avant l’ère chrétienne, soit près de 200 ans avant l’essor du commerce grec, phénicien et romain.
L’activité commerciale de la région connaît un véritable essor avec la civilisation romaine grâce à son port Turris Libissonis (actuellement Porto Torres), un des ports les plus importants de l’île, à l’époque.
Cet essor est dû aux richesses minières de la Sardaigne, mais aussi à son froment, son huile ou encore son bois issus des forets qui recouvraient à l’époque presque toute sa superficie, à l’instar de la Corse et qui va feront jusqu’à l’époque des rois italiens de la famille Savoie, l’objet d’une exportation avide.
A ce titre, la région de Romangia a fait l’objet d’une déforestation presque complète.
Mais, assurément, c’est, avec la région de Cagliari au Nord, le vin qui à l’époque romaine fait la réputation des lieux et justifie cet essor économique.
L’effondrement de l’Empire Romain et les siècles de pillages qui en résultent mettent cette activité économique à bas, la région se limitant désormais à une activité agricole locale.
Lors du second millénaire, les siècles passant, le vin reprend petit à petit une importance prépondérante dans la région et voit, avec le bois, ses exportations augmenter avec la renaissance du vignoble italien au 19e siècle.
Le Cannonau devient progressivement le cépage emblématique de l’île et encore plus de la région qui serait certainement aujourd’hui plus connue en dehors de l’île elle-même, si la principale coopérative locale, la Cantina Sociale di Sorso-Sennori n’avait fermé ses portes dans les années 80, détournant ainsi la demande vers le sud de la Sardaigne.
Cette crise identitaire sera augmentée de par le fait que de nombreux petits producteurs locaux continueront à l’époque de vendre leurs raisins en vrac à des vinificateurs situés plus au Sud voire même en Italie continentale.
Seuls quelques domaines comme la Tenute Dettori ont permis à une viticulture familiale classique de s’installer et perdurer dans la région, pour en devenir définitivement le porte-étendard.
Le domaine Dettori
La « Tenute Dettori » est située sur le lieu-dit Badde Nigolosu, dans un amphithéâtre naturel entre 250 et 350 mètres de hauteur sur les collines les plus élevées de la commune de Sennori.
Le domaine s’étend sur 33 hectares (dont 24 de vignes) de ce lieu-dit qu'il a pu logiquement imposer comme nom de « Cru », d’autant que la vigne y est présente de manière ancestrale, au point qu’il n’est pas étonnant d’y trouver des pieds plus que centenaires et donc préphylloxériques.
D’origine bergers agriculteurs, la famille s’est tournée vers la vigne dès la fin du 19e siècle. De par la variété des parcelles et de son extension permanente au fil des décennies, le domaine actuel est constitué de très nombreuses parcelles ayant chacune leur différence, ce qui est souvent visible même à l’œil nu.
« Un grand domaine a besoin d’une famille pour survivre et produire de grands vins. Sans une famille pour accompagner la vigne, tôt ou tard, ce domaine s’éloignera de ses racines au profit du marché, il y perdra son identité, sa raison d’être. »
C’est dans un esprit familial absolu et avec la volonté de faire renaître une viticulture artisanale oubliée en Romangia que le grand-père d’Alessandro ainsi que père Paolo, son père, ont largement jeté les bases de ce qu’est aujourd’hui le domaine Dettori. Paolo est d’ailleurs toujours présent et très actif tant dans les vignes qu’à la cave.
Quand Alessandro reprend les rennes de la propriété familiale dans la seconde moitié des années nonante, il est animé par un projet basé sur deux axes fondamentaux : aider la vigne à exprimer au maximum son potentiel autochtone et convertir sa viticulture à la biodynamie afin de donner un nouveau souffle vital à ses sols en les refertilsant, ce qui sera fait en 2003, en termes de conversion.
Pour cela, il va se faire aider par Saverio Petrilli, l’actuel gestionnaire des terres de la Tenuta di Valgiano, lui-même un fervent disciple de la vision biodynamique d’Alex Podolinski, principal héritier philosophique de Rudolf Steiner et fondateur de Demeter en Australie.
Avec Saverio Petrilli
« Je ne recherche pas les demandes du marché,
je produis des vins qui me plaisent à moi,
des vins de ma terre, les vins de Sennori.
Ils sont ce que je suis et ne sont pas ce que tu voudrais qu’ils soient. »
Alessandro va aussi rapidement profiter de la chute de la coopérative principale de la région et de l’abandon progressif des technologies industrielles agricoles pour dynamiser le mouvement local Cinque Stelle (Cinq Etoiles) qui se veut replacer la relation entre l'homme et la nature au centre des choix, une forme d’acte politique souvent pratiqué par des mouvements de jeunesse tel le scoutisme.
Ce respect de la nature est omniprésent au domaine où rien n’est jamais jeté si la nécessité n’y est pas : sarments, rafles et peaux reviennent automatiquement à la terre, le poids des bouteilles a été diminué au maximum et même l'utilisation de catalogues et de dépliants a été réduite au minimum.
Alessandro va aussi rapidement intégrer le mouvement Renaissance Italie dont il est aujourd’hui, avec son caractère toujours très malicieux et enjoué, une figure de proue.
Parallèlement au travail dans les vignes, il décide de construire fin de la première décennie des années 2000 un nouveau chai, totalement en équilibre avec la nature.
Pour cela, mais aussi pour éviter de faire appel aux banques qu’il a décidé d’ignorer, il va choisir une construction progressive, étalée sur trois ans, afind'étudier au maximum toutes les zones d’infiltration d’eau dans l’excavation qu’il a creusée à même le calcaire et en s’efforçant aussi de réutiliser les pierres extraites du sol pour les travaux.
Grâce à ce délai, il a permis à la cave actuelle de littéralement respirer à travers des murs d’une épaisseur de deux mètres et de déterminer quels étaient les espaces idéaux destinés soit aux vinifications et l’élevage en cuves, soit pour le murissement en bouteilles.
En même temps que le nouveau chai se construisait, Alessandro a décidé d’ériger sur les bases de l’ancien chai, les nouveaux bureaux mais surtout « Kent’Annos », un restaurant avec une terrasse avec une vue imprenable sur la mer et qui surplombe la nouvelle cave.
Kent'Annos est en fait un restaurant didactique, totalement voué à faire découvrir aux visiteurs la cuisine sarde traditionnelle mais aussi les vins du domaine en accord avec cette gastronomie traditionnelle, avec comme second point central, la volonté de faire découvrir le Cannonau sous toutes ses expressions de terroir.
Deux chambres d’hôtes rappelant le logement traditionnel sarde viennent compléter ce magnifique projet.
“Nous faisons les vins de la terre de Sennori… sans cette terre, nous n’aurions aucune raison d’exister”
Viticulture
L’entièreté des travaux à la vigne est réalisée en famille et à la main.
Tout intrant chimique ou artificiel et toute mécanisation sont bannis.
Seule, après les vendanges, une phase d’aération des sols est réalisée au moyen d’un tracteur, le cheval ne s’avérant pas assez puissant pour réaliser ce travail.
Cette aération est un véritable cisaillement des sols sur une profondeur de plus d’un mètre vingt pratiqué à l’aide d’une charrue spécialement développée pour cela d’après les travaux d’Alex Podolinski.
Vu les températures moyennes très élevées et le risque de ravinement par les eaux d’écoulement lors des orages puissants de la région, il est en effet nécessaire de travailler en profondeur pour aérer, drainer et alléger les sols, alors que dans le Nord de l’Europe, plus humide, un travail plus en surface sur l’humus est à privilégier.
Ce travail s’avère évidemment nécessaire pour permettre à vie sous-terrestre de faire respirer la terre au maximum.
Le vignoble d’aujourd’hui est littéralement à l’image de comment il fut mené par les ancêtres avant l’industrialisation : les vignes sont plantées sans irrigation et à raison de de 5 à 7.000 pieds pour hectare en « Albarello » sarde (vigne taillée en arbuste autour d’un pieu permettant une aération maximale des grappes et des feuilles sous l’effet du vent).
« Seul l’homme a une capacité de destruction globale sur le vivant,
aucun virus, bactérie, insecte ou autre organisme simple ou complexe n’en est capable.
Penser que le phylloxera a eu ou a cette capacité est une erreur
que seules des exigences économiques ont déterminé
omme ennemi aussi dangereux que… l’homme. »
Pour des raisons qu’Alessandro tente encore et toujours de soumettre à l’étude universitaire, une partie du vignoble sur les parcelles les plus hautes a survécu au phylloxera, permettant la conservation de vignes franc de pieds de plus de 120 ans.
En sus de cela, toujours par leur attachement à la tradition séculaire, Alessandro et sa famille (sauf sur les parcelles les plus récentes) ont toujours privilégié la conservation des vieilles vignes ce qui fait que les plus jeunes Canonau ont ici… 50 ans en moyenne… stupéfiant pour l’Italie!
Les rendements sont forcément au diapason, 15 hectolitres à l’hectare en moyenne et jusqu’à 7 hectos pour les plus vieilles vignes.
Les rangs sont ensemencés à raison d’un sur deux en partie par des graminées sélectionnées, en partie par la nature elle-même.
Pour le reste, en sus du cuivre et du soufre (deux traitements par an en moyenne), seuls les tisanes et les préparations biodynamiques (500 et 501 compris) sont utilisés.
Si le domaine est certifié bio et Demeter, Alessandro, un peu comme Elisabetta Foradori, se refuse à le proclamer sur ses étiquettes estimant qu’il y a lieu de mettre en avant le vin et non ses certifications.
Fortement influencé par les conseils de Saverio Petrilli, le quotidien des travaux à la vigne se base ici sur le bon sens agronomique, avec l’idée que tout part de la terre à laquelle on doit permettre de produire un humus riche permettant aux plantes de croître dans la santé optimale, en se nourrissant de manière naturelle, sans quelque aide extérieure.
« Se promener dans les vignes et mâcher le raisin »
La période des vendanges s’étend de septembre novembre et la maturité des raisins est déterminée par simple mastication des baies.
Ainsi, le moment idéal des vendanges fixé pour tel ou tel cépage ou pour telle ou telle parcelle, le raisin est vendangé à la main et transporté, en petite caissettes, directement à la cave.
Selon la nécessité, il peut être fait appel à un camion frigorifique pour le transport des caissettes jusqu’au chai.
L’entièreté des vendanges est pratiquée par la famille et la petite équipe des 5 permanents au domaine.
Il n’est pas fait appel à d’autres vendangeurs.
En plus de la vigne, le domaine cultive selon les mêmes méthodes du blé, des légumes, des fruits et il possède aussi une oliveraie. Tous cette dernière production est destinée uniquement à la consommation locale et au restaurant.
Fermentation et élevage
Le chai enterré, bien que récent, respecte l’esprit de l’élevage traditionnel des vins sardes et pour cela il est fait appel uniquement au ciment sous forme de grandes cuves pour les macérations et de cuves de plus petites tailles (croissantes avec les générations) pour l’élevage des vins. L’acier n’est présent que sous la forme du pressoir pneumatique et de trois cuves qui, selon la nécessité, seront utilisées pour faire reposer le moût entre la phase de macération et son pressurage.
Il n’est jamais fait et ne sera jamais fait appel au bois, ni à l’amphore, Alessandro estimant, pour cette dernière et avec une malice sans pareille, que ce noble contenant fut ancestralement voué au transport des vins de la région et non à leur élevage. On ne déroge jamais, ici, avec la tradition !
A l’exception d’une cuvée de blanc sur un seul millésime et uniquementà la mise, il n’est jamais fait appel au soufre à quel moment que ce soit. De même il n’est évidemment jamais fait appel à des levures exogènes ou à des enzymes.
Après sélection manuelle sur table de tri, et niquement par Paolo et Alessandro, les raisins sont égrappés mais non foulés avant d’être déposés par simple gravité dans les grandes cuves de macération, celles-ci étant placées en hauteur, proche du plafond de la cave, et donc proches du niveau du sol où est pratiqué le tri. Le but ede tout ceci est de préserver les peaux au maximum.
Pendant les phases de macération, tant pour les blancs que pour les rouges, les moûts ne sont pas remontés et le chapeau est laissé en contact avec l’air ambiant, aucun couvercle ne venant obturer les trois grandes cuves de macération.
Les baies sont donc macérées entières, seul le poids des couches supérieures des fruits étant laissé à même d’écraser les couches inférieures.
Les macérations sont menées de 2 à 12 jours pour les blancs, et de 15 en moyenne jusqu’à 20 jours pour les rouges. Il n’y a pas de cahier de charges précis, la durée est déterminée uniquement en fonction des caractéristiques du moût en fonction des millésimes. L’installation actuelle est largement suffisante à accueillir toutes les baies d’une vendange, celle-ci s’étalant sur près de deux mois.
Les vins sont ensuite placés dans les cuves d’élevage en ciment pour une période allant de deux à trois ans.
Ils ne font l’objet ni de clarification, ni de filtration ni même de stabilisation. Seuls deux à maximum trois transvasements doux peuvent s’avérer nécessaires selon l’intensité de la présence de boues résiduelles.
Les différents crus et parcelles sont vinifiés séparément et assemblés peu avant la mise.
Encre et toujours, tout, ici, se veut rester familial, jusqu’à la mise en bouteille, qui, image qui attendrit toujours Alessandro, est dirigée par sa mère à la manière d’un chef d’orchestre sur le reste de la famille.
Au total, vu la faiblesse des rendements, à peine 45.000 bouteilles seront produites sur un millésime, et cela quand dame nature s’est montrée généreuse. La production sera de 20.000 bouteilles si la nature s’est montrée plus capricieuse.
Les vins sont encore affinés 6 mois en bouteilles avant leur commercialisation.
Au final et pour rester le plus en harmonie avec la nature, il n’est fait appel à l’énergie électrique qu’au moment du pressurage et de la mise en bouteille. En outre, les aliments, ingrédients, adjuvants, auxiliaires de fabrication d'origine animale ne sont jamais utilisés dans l’entièreté du cycle de production, même sous forme de filtres, de membranes et d'autres auxiliaires de fabrication dérivés d’une origine animale.
Les cépages
Le Cannonau
Bien que cousin proche en lignée de la Garnacha espagnole, du Grenache français et du Tokay rouge du Veneto, le Cannonau est une variété autochtone de la Sardaigne.
Il partage avec ses « cousins » environ 82% du patrimoine génétique (source Università di Sassari Nieddu, ET AL. C.S), ce qui finalement marque des différences importantes si on considère que l’homo sapiens sapiens partage 98,5% du sien avec le chimpanzé (et encore dans certains cas, je me demande si on n’approche pas de 100%).
En fait, il semble bien que cette lignée de cépage est apparue en Sardaigne avant le reste de l’Europe, comme en atteste certains écrits retrouvés à Cagliari et datant de 1549.
Le Cannonau n’a, par contre, strictement rien à voir avec le « Canocazo » qui est un cépage blanc andalou.
Sa grappe est de dimensions moyennes (+-250 grammes), conique, compacte, parfois. La peau est épaisse et pruineuse de couleur noire avec des reflets violacés.
Le vin qui en est issu est de couleur rouge rubis assez intense dans sa jeunesse, il tend à l’orange au vieillissement. Ses arômes sont riches en fruits rouges avec des notes florales et épicées complémentaires et la bouche est généralement sapide mais bien structurée sur les tanins.
On retrouve en bouche les fruits rouges avec des épices plus présents qu’au nez.
A l’instar du Nebbiolo, ces tanins, en fonction du producteur, pourront être plus ou moins intégrés.
A maturité, le Cannonau est très riche en alcool potentiel, au point que la législation lui autorise de monter jusqu’à 20°.
Cépage littéralement formaté pour la table, il se prête, sur les meilleurs terroirs, à plus de quinze années de vieillissement.
La Monica
La Monica est un cépage autochtone de Sardaigne dont l’introduction y date du 11e siècle par des moines.
S’il est bien présent sur tout le territoire insulaire, c’est avec une certaine discrétion, sa surface de plantation n’excédant pas 300 hectares.
Assez productif, il raffole des sols calcaires en zones montagneuses à moyenne pente et supporte particulièrement bien une exposition solaire implacable.
Ses grappes sont grandes (poches de 500 grammes), allongées comptant jusqu’à 3 ailes. La peau est épaisse, moyennement pruineuse, de couleur noire très soutenue.
Dans le vin qui en découle, on retrouve des arômes de mûres et de cerises fraiches, quelquefois assortis de fruits rouges plus confitures, d’épices assez délicats et de notes d’amande douce. En bouche, il se présente assez chaud, agréablement souple, avec des tanins peu agressifs.
Le Pascale
Le Pascale est lui aussi un authentique cépage sarde autochtone. Il est le plus souvent appelé “Pascale de Cagliari » même si on le trouve surtout dans la région de Sassari, où il atteint jusqu’à 20% de présence alors qu’il est extrêmement discret dans le sud de l’île. Il est à la fois un bon raisin pour le vin et un excellent raisin de table.
Son origine est incertaine mais il semble bien qu’il provienne de Toscane, région avec laquelle la province de Sassari avait des échanges économiques intenses. Bien qu’au Domaine Dettori, il soit vinifié seul, sa vocation est d’être souvent associé au Cannonau ou au Bovale. Dans ce cas il est utilisé en faible proportion pour adoucir ces cépages en leur apportant un gain aromatique.
Vinifié seul, il donne des vins assez délicats, faibles en alcool, fortement axés sur le fruit rouge, même si sa charge tannique est au moins aussi importante que celle du Cannonau.
Ampélographiquement, sa grappe est de forme conique, avec une ou deux ailes. Elle est assez imposante avec plus de 400 grammes en moyenne. La peau est épaisse, moyennement pruineuse, de couleur noire violacée avec une pulpe incolore, consistante et de goût neutre.
Le Vermentino
Le Vermentino est le grand cépage blanc historique et qualitatif du bassin méditerranéen. Alors que ce cépage fut longtemps associé à une origine ligurienne qui aurait ensuite transité par la Corse pour arriver en Sardaigne, il semble bien qu’il soit au contraire originaire d’Orient et qu’une de ses premières voies de diffusion en Europe soit justement la Sardaigne vers 2500 avant JC.
Sa grappe présente des dimensions moyennes à grandes (400 grammes) avec une forme cylindrique à conique avec une à deux ailes bien visibles. La peau est épaisse, moyennement pruineuse et d couleur vert-jaune.
Ses arômes souvent puissants libèrent des parfums d’aubépine, d’amande voire de pomme. Il donne des vins frais délicats et légèrement aromatiques de belle couleur pâle, et chez les meilleurs producteurs, bien équilibrés et gras.
On lui reproche assez souvent un manque d’acidité mais il produit indéniablement des blancs de grande garde.
Le Moscato Bianco
D’origine orientale comme le Vermentino, le Moscato Bianco (Muscat Blanc) est un des cépages les plus anciennement cultivés en Sardaigne particulièrement pendant l’hégémonie romaine où il est cité comme « Apiana », raisin préféré des abeilles.
Après la chute de l’Empire Romain, il subit une forte diminution de sa culture, mais se répand à nouveau dans toute la Sardaigne sous l’influence de l’occupant piémontais au 18e siècle.
Il sera ensuite un des cépages à prendre le plus durement les attaques de phylloxera ce qui diminua son importance dans l’île. Sa culture, le plus souvent traditionnelle connaît un renouveau depuis les années 80.
La grappe présente une forme cylindrique de moyenne à grande taille (350 grammes) parfois mais pas toujours ailée. Sa peau est assez fine pour un raisin méditerranéen, peu pruineuse et de couleur jaune ambré.
En Italie et en Sardaigne, ses vins sont presque toujours des vins de desserts très aromatiques avec de fortes notes florales. Son jus est naturellement légèrement sucré et perlant, avec une faible teneur en alcool.
Il se prête idéalement à la production de vins doux intenses issus de la technique du passerillage (Passito, en italien) où les raisins sont laissés se déshydrater naturellement sur la vigne avant de compléter cette concentration par un séchage en plein air, par exemple, sur de la paille.
Les Vins
Comme déjà maintes fois explicité, les vins du domaine respectent unilatéralement l’hérédité historique qui a précédé depuis des générations où chaque cru est lié à un cépage unique et à un âge de vignes déterminé : le Dettori bianco pour le Vermentino, le Tuderi, le Tenores et le Dettori rosso pour le Cannonau, le Chimbanta pour la Monica ; l'Ottomarzo pour le Pascale et le Moscadeddu pour le Moscato.
Seuls font exception le Renosu bianco qui peut, dans certains millésimes, voir le Vermentino assemblé avec du Moscato Bianco et le Renosu rosso qui peut voir le Cannonau assemblé avec de faibles pourcentages de Pascale et Monica.
Le domaine ne mentionne pas le terme de DOC sur ses vins de par son attachement à la notion de terroir dont toutes les définitions officielles affirment le même concept :
« Le terroir » est une aire géographique dont la délimitation géographique provient des produits que son sol génère de façon unique, originale et inimitable de par l’interaction de facteurs géologiques, climatiques, culturels et humains. »
En respect pour cette définition, parler d’une DOC Cannonau de Sardaigne est un non-sens aux yeux des gestionnaires du domaine, entre autres, parce que les vins de ce cépage produits par les trois principales zones parcellaires de ce domaine sont essentiellement différents l'un de l'autre. S’il en est ainsi au domaine, insiste Alessandro, alors qu’en est-il pour des vins issus de zones séparées de centaines de kilomètres.
Certes, la notion de DOC est née avec un esprit très noble à une époque où le vignoble italien n’était plus qualitatif, mais, depuis sa création, les choses ont changé: aujourd’hui, la DOC sert trop souvent à écouler sur le marché des vins qui ne méritent pas de la part du producteur l'estime qu’il devrait avoir pour un vin réellement qualitatif.
Pour cette raison, le choix du domaine a été de se limiter à une mention d’IGT, plus exactement, l’IGT Romangia parce que celle-ci fait au moins appel à une restriction limitée aux vignes des communes de Sennori et Sorso.
Renosu Bianco
Tous les raisins et les vins à base de jeunes vignes ou qui ne passent pas avec succès les différentes phases de sélection sont utilisés pour produire les cuvées de Renosu.
Appellation : Romangia IGT
ype de vin : blanc
Cépage : assemblage Vermentino et Moscato Bianco (sauf 2006 à 100% Vermentino)
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire, grès, sables et sables limoneux
Altitude moyenne : 200 à 275 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,85 hectares
Type de taille : alberello
Rendement moyen : 14 hl/ha
Période de vendanges : septembre
Alcool moyen : 14 à 16 %
Soufre total : 7 mg/l
Production annuelle : en fonction du nombre de Dettori Bianco produit
Dettori Bianco
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : blanc
Cépage : 100% Vermentino
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,89 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 18 hl/ha
Alcool moyen : 15,5 %
Production annuelle : de 3 à 8000 bouteilles
Millésimes réalisés : 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013
Millésimes non réalisés : 2008
Renosu Rosso
Tous les raisins et les vins à base de jeunes vignes ou qui ne passent pas avec succès les différentes phases de sélection sont utilisés pour produire les cuvées de Renosu. En 2006 tous les Dettori Rosso ont été déclassés en Renosu.
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : assemblage majoritairement Cannonau avec un peu de Pascale et de Monica
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire, grès, sables et sables limoneux
Altitude moyenne : 210 à 275 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,85 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 14 hl/ha
Période de vendanges : septembre
Alcool moyen : 14 à 16 %
Soufre total : 7 mg/l
Production annuelle : en fonction du nombre de Dettori Bianco produit
Chimbanta
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : 100% Monica
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 17 hl/ha
Alcool moyen : 17,5 %
Production annuelle : environ 1000 à 6000 bouteilles
Millésimes réalisés : 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007,2010, 2011,2012
Millésimes non réalisés : 2008, 2009
Ottomarzo
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : 100% Pascale
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 17 hl/ha
Alcool moyen : 16 %
Production annuelle : environ 1000 à 5000 bouteilles
Millésimes réalisés : 2003, 2005, 2007, 2010, 2011, 2012
Millésimes non réalisés : 2004, 2006, 2008, 2009
Remarque : Le domaine insiste sur le caractère qualitatif du Pascale qui mérite d’être travaillé en monocépage quoiqu’en prétendent de nombreux producteurs souvent peu scrupuleux.
Tuderi
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : 100% Cannonau
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,89 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 17 hl/ha
Alcool moyen : 15,5 %
Production annuelle : environ 5000 à 10.000 bouteilles M
illésimes réalisés : 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007
Millésimes non réalisés : cuvée arrêtée en 2008
Tenores
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : 100% Cannonau
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 80 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,89 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 11 hl/ha
Alcool moyen : 16,5 %
Production annuelle : environ 3500 à 8.000 bouteilles
Millésimes réalisés : 2000, 2001, 2002, 2003, 2005, 2006, 2009, 2010, 2011, 2012
Millésimes non réalisés : 2004, 2007, 2008
Note: Le Tenores représente l’expression classique du Cannonau, puissant et impétueux mais en même temps doux et harmonieux, imprégné par son terroir. Aucun compromis ne sera jamais accepté pour ce vin.
Dettori
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : rouge
Cépage : 100% Cannonau
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 100 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,89 hectares
Type de taille : albarello
Rendement moyen : 8 hl/ha
Alcool moyen : 18 %
Production annuelle : environ 1500 à 3500 bouteilles
Millésimes réalisés : 2000, 2001, 2002, 2004, 2005, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012
Millésimes non réalisés : 2003, 2006, 2008
Note: Attribuer le nom du Domaine et son nom de famille par le fait même à un vin n’est pas toujours une chose si évidente, mais, dans le cas présent, rien ne pourrait mieux décrire un vin que le nom des générations familiales qui ont œuvré afin que ce vin existe, un type de vin que beaucoup avaient préféré oublier au profit de cuvées plus simples à boire et à vendre.
Même si on pourra, dans les guides, lui attribuer un aspect « archaïque », boire ce vin ramène l’humain à faire une étude d'anthropologie culturelle.
Moscadeddu
Appellation : Romangia IGT
Type de vin : blanc surmaturé
Cépage : 100% Moscato Passito
Emplacement des vignes : Badde Nigolosu
Age moyen des vignes : 50 ans
Type de sol : calcaire
Altitude moyenne : 300 mètres
Taille totale des parcelles affectées : 2,89 hectares
Type de taille : albarello Rendement moyen : 8 hl/ha
Alcool moyen : 15,5 %
Production annuelle : de 1 à 3800 bouteilles
Millésimes réalisés : 2000, 2001, 2002, 2005, 2006, 2007, 2010, 2011, 2012
Millésimes non réalisés : 2008
Millésimes embouteillés mais non encore commercialisés : 2003, 2004, 2008, 2009
Quelques remarques
En 2008, le domaine n’a produit que seulement 2.000 bouteilles du fait d’une attaque massive de mildiou, parasite dont normalement les vents et les nuits fraiches protègent la vigne assez efficacement. Ainsi, même en voyant tout le raisin et le système foliaire disparaître des vignes, Alessandro et Paolo sont restés fidèles à leur engagement dans la tradition : ne pas employer de pesticides car il était pour eux essentiel de perdre le raisin d’une saison plutôt que de polluer les sols pour plusieurs saisons.
En 2006 et en 2007, est apparue fugacement la cuvée Chimbanta & Battoro issue de quelques parcelles de Monica dont les baies avaient flétri naturellement et cela afin d’en faire un vin rouge de paille.
Les vins rouges se consomment idéalement autour de 13-15° C, dans un grand verre de type Riedel, après un peu d’aération.
L’aération est importante car il est intéressant de suivre l’action de l’oxygène d’autant que les vins du domaine ont généralement besoin de temps, une fois ouverts, pour s’exprimer.
De même, comme les vins ne sont ni clarifiés ni filtrés, il est déconseillé de les consommer peu de temps après le transport. Enfin, une trace de CO2 est toujours possible et donc normale, tout comme chaque bouteille peut être légèrement différente.
Dégustation
Les commentaires de dégustations concernent des cuvées dégustées au domaine ou achetées en Belgique avant ou après le voyage sur place. Seuls les vins dégustés çà à partir de bouteilles sont commentés ici.
Presque toutes les bouteilles dégustées ont été accompagnées d’un repas.
Renosu Bianco 2013 - IGT Romangia
Le nez est très intense avec des notes de pêche et d’abricots accompagnées d’épices. Aucune sensation alcoolique solaire n’est perçue.
La bouche est d’une grande buvabilité très tendue, vibrante malgré une structure évidente avec quelques notes grillées supplémentaires.
Annoncé à 15,5%, on se serait attendu à vraiment quelque chose de plus lourd. Une excellente surprise, donc, pleine de fraicheur. Etonnamment ou non, finalement, Alessandro semble assez étonné de voir un avis général extrêmement positif de ce vin alors qu’il ne cherche pas à en faire grand cas, probablement parce qu’il associe Vermentino et Moscato, alors que lui recherche passionnément l’expression d’un cépage unique sur un terroir donné.
Dettori Bianco 2013 - IGT Romangia
Le nez est assez intense, mais a besoin d’aération pour se livrer pleinement.
D’abord très fumé, il évolue ensuite vers des notes exotiques avant de s’installer pleinement sur du pamplemousse avec une forte sensation de zeste.
Malgré une macération sensible, la bouche ne se comporte pas comme un vin orange mais plutôt comme un grenache gris du Roussillon, relativement chaude, pleine mais avec une fraicheur parfaite et une salinité qui équilibrent, intègrent parfaitement l’alcool et la solarité du vin.
On est clairement dans des expressions différentes d’un vin blanc sec classique, mais il se dégage beaucoup de classe de l’ensemble.
Dettori Blanc 2012 - IGT Romangia
Le nez est plus confit que pour le 2013, mais on retrouve ces notes de zeste de pamplemousse.
En bouche, la fraicheur exceptionnelle du 2013 marque ici un peu le pas au profit d’une matière encore plus dense, plus épicée, plus ronde avec une sensation tannique plus évidente pour un vin sous macération.
La finale est impressionnante, à nouveau très saline. Difficilement concevable comme tel, seul à l’apéritif, ce vin a clairement une structure de gastronomie et est modelé pour accompagner les « Zuppa » italiennes.
Dettori Blanc 2004 - IGT Romangia
Il est toujours intéressant de voir comment évolue un vin blanc que son géniteur a voulu marqué par le terroir, sans la moindre concession, d’autant s’il a fait l’objet de macération pelliculaire.
Et, ici, l’expérience est plus qu’intéressante, elle s’avère surprenante, tant à l’évolution ce vin a su conserver toute sa fraicheur, sa tension, alors qu’il a complètement assimilé sa structure solaire pour ne laisser que des notes charnues, aériennes, veloutées.
Mais le plus surprenant est le nez qui a complètement viré vers un compromis entre un riesling pour les hydrocarbures nobles perçus et le chardonnay pour d’impressionnantes notes beurrées.
Et comme l’ensemble est totalement en buvabilité et en longueur… on finit totalement admiratif de la capacité de vieillissement du Vermentino de Badde Nigolosu !
A noter que regoûté le lendemain, le vin a perdu un peu de fraicheur et de ses notes riesling/chardonnay au profit de tanins plus expressifs et de notes de zestes d’agrumes et d’épices.
Dettori Blanc 2002 - IGT Romangia
S’il possède moins de matière et de longueur que le précédent 2004, ce 2002, rien que par cette fraicheur conservée et la toujours évidente présence du duo hydrocarbures/beurre prouve à nouveau très largement que le Dettori Bianco a un potentiel de vieillissement tout simplement fascinant.
Renosu Rosso - IGT Romangia
Selon toute logique, il doit s’agir ici du millésime 2012 mais comme l’étiquette ne mentionne pas l’année de vendange et que le sujet n’a pas été abordé avec Alessandro, il restera une légère inconnue sur ce point.
Le nez est ici intense, direct avec un gros fruit gourmand composé de fraise, de framboise et de pune le tout emballé par des épices très présents.
Si en bouche, on retrouve quelque sensation de douceur et de chaleur, l’acidité superbe et fougueuse ainsi que les tanins très souples transforment ce vin, à la structure originelle assez simple, en un parfait petit vin à très haute buvabilité qui se boit sans rien intellectualiser, juste pour le plaisir.
Chimbanta 2011 - IGT Romangia
On passe d’un vin aux cépages assemblés au premier rouge en monocépage, en l’occurrence, la cuvée à base de Monica, avec un nouveau gain d’alcool déclaré sur l’étiquette… soit ici 16%.
Dès le premier nez, on comprend qu’on est ici sur quelque chose de très atypique avec des notes solaires extrêmes, de la prune confite, du miel, une cerise qui rappelle la Kriek Cantillon et un gros paquet d’épices… amateurs de cabernets francs austères s’abstenir !
En bouche, on remet cela, avec en plus des tanins encore très structurés, mais à nouveau l’acidité et le fruit ici plus gourmand que confit font que, même si ce vin est « extrême », il en résulte une sensation réelle d’équilibre.
Une expérience assez inoubliable, en fait. Il va évidemment de soi que ne pas accompagner ce vin d’une pasta est presque criminel, tant il exige un plat pour s’exprimer sans trop d’excès.
Ottomarzo 2011 - IGT Romangia
Dans cette autre cuvée à base ici de Pascale, on retrouve les arômes intenses et désormais assez typiques de prune, de cerise et d’épices.
Mais là où le Chimbanta s’avérait solaire dès le nez, ici, c’est la fraicheur qui domine.
Confirmation avec la bouche où l’acidité ciselée maitrise avec brio la matière dense et fruitée, pour, grâce aussi à des tanins très intégrés, arriver à un vin fin, délicat, vibrant, très salin, bien plus facile à appréhender même si la longueur signe clairement un grand vin de garde.
Ottomarzo 2007 - IGT Romangia
L’Ottomarzo 2007 est d’une cohérence extrême avec le 2011 avec le duo prune/cerise retrouvé.
La différence se place ici au niveau des épices, bien plus présents avec une forte sensation de se balader au cœur de la garrigue, ce qui est, somme toute, très plaisant. La bouche est encore plus belle, parce que plus fondue, associée, toujours guidée par des rails rectilignes d’une acidité magnifique. Un véritable vin d’émotion.
Ottomarzo 2003 - IGT Romangia
A titre didactique mais aussi pleinement en accord avec le côté malicieux de l’homme, Alessandro nous convie à goûter pour cette cuvée ainsi que pour les Tenores et le Dettori qui suivent, des vins issus de millésimes difficiles par leur solarité extrême.
Clairement, le vin est ici très évolué avec des notes solaires confitures assez bien présentes.
Clairement, la bouche est plus sèche que juteuse et la longueur est faible, mais ce qui reste frappant c’est que le vin a conservé de la fraicheur et surtout qu’il persiste à donner de lui-même une véritable sensation de complexité.
Tenores 2010 - IGT Romangia
Avec ce Tenores 2010, on rentre clairement dans les vins que la famille d’Alessandro et Paolo cherchent obsessionnellement à produire, chaque millésime faisant, ceux qui répondent unilatéralement à l’expression historique du Cannonau en Sardaigne.
Au nez, tout en restant dans le registre de la prune légèrement confite et avec une volatile assez présente, on part sur les fruits noirs, le chocolat, les fleurs séchées et le zeste d’orange.
Si la bouche est dense, imposante, même, assez chaude mais avec des tanins fins, déjà bien intégrés, une fraicheur toujours aussi étonnante et une finesse impressionnante.
Un vrai vin « naturel » !
Tenores 2003 - IGT Romangia
Comme pour la cuvée précédente, voici un des millésimes les plus chauds de ce début de siècle mis en comparaison…. Et là, c’est l’étonnement absolu.
Est-ce parce que les vendanges ont été avancées mais ce vin est à la fois frais au nez et en bouche et si les épices sont très présent, l’équilibre est vraiment splendide d’autant que ce vin n’est pas asséché du tout.
Une très grosse et très belle surprise.
Dettori 2011 - IGT Romangia
On passe à la cuvée reine du domaine, celle qui provient des plus vieilles vignes dont certaines préphylloxériques avec des rendements à faire glacer d’effroi un propriétaire bordelais : 8 hectolitres à l’hectare !
Avant d’appréhender la dégustation d’un tel vin, il faut laisser de côté ses idées préconçues, il faut accepter d’aller à la découverte de nouveaux équilibres, de nouvelles saveurs.
Ce 2011 nous est proposé à titre didactique, car il a à peine une semaine en bouteille, alors qu’un minimum d’affinage de six mois est plus que conseillé. Malgré tout, ce vin ne se la joue pas sur la carte de la matière serrée ou de la fermeture, au contraire le nez est énorme, puissant, exubérant de fruit avec une solarité très perceptible.
La bouche est extrêmement dense avec du sucre mais aussi du fruit vierge résiduels. Avec la chaleur inhérente (18% !) et la puissance embarquée, on n’aurait pu s’enfoncer dans une mélasse insipide, c’était sans compter la gourmandise du fruit et surtout la fraicheur apportée par l’acidité qui rend ce vin presque aérien.
Une vraie émotion dans la reconnaissance d’un autre équilibre.
Dettori 2010 - IGT Romangia
Plus évolué que le 2011 au nez, ce vin n’essaie pas de cacher son origine solaire.
On retrouve la confiture de fraise, désormais assez classique, mais aussi des arômes plus nobles et plus complexes comme myrte et raifort. De belles notes florales sont perceptibles à l’aération.
En bouche, à côté de la douceur, de la richesse et de la structure de la matière à nouveau écrasantes, il y a aussi, et encore, cette fraicheur innée des vins du domaine qui leur donne tant d’équilibre et de sapidité, tout en portant littéralement le vin sur une finale galactique.
Penser qu’un tel vin puisse se marier avec de l’agneau ou du porc en auraient fait rire plus d’un… et pourtant !
Il y a du Rayas… dans ce vin… et, si pas du Rayas, au moins de la race.
Dettori 2000 - IGT Romangia
Troisième expérience sur un millésime impitoyable de chaleur et, ici, on change complétement de registre, ce vin nous amenant en droite ligne sur un Passito, avec une amertume sèche, du café, du cacao, de la viande séchée, mais l’ensemble s’avère bien moins fatigant qu’un VDN.
Cela ne donne pas beaucoup d’information, si ce n’est que visiblement, 2000 a moins bien été digéré par la vigne que 2003… ou… a été vendangé plus tard.
Moscadeddu 2012 - IGT Romangia
Très puissant au nez, ce vin impose de fortes notes d’agrumes, en passant par de l’orange à la mandarine et gagne en complexité à l’aération avec de la fraise, des notes poivrées mais surtout du floral.
La rondeur de la bouche est très élevée mais pas sirupeuse et la fraicheur sur la longue finale permet à ce vin d’être bien plus qu’une simple curiosité.
Conclusion
Certes, dans les vins du domaine, il y indéniablement cette empreinte historique et cette tradition où on se refuse à faire sec, léger, boisé et buvable à l’extrême pour aller le plus souvent sur l’intensité, que ce soit pour l’alcool, la concentration des notes fruitées et la rondeur.
Mais comme presque systématiquement, la fraicheur et la suavité sont présentes, que les tanins sont tout sauf archaïques, le domaine parvient à nous étonner voire nous régaler avec de magnifiques équilibres.
Plus on monte en teneur alcoolique, plus c’est perceptible. Bien sûr la cuvée Dettori deviendrait fatigante si on nous l’imposait tous les jours.
Bien sûr, la fraise, la prune, les épices si souvent rencontrés pourraient nous lasser assez vite…. mais… caresse-t-on sa femme de la même manière tous les jours ?
Mais bien plus que tout, cette rencontre avec Alessandro et sa famille m'a conforté dans mon idée qu’envisager ma passion par la seule approche analytique des vins serait la plus grande des aberrations, voir même une abomination.
Parce que cette approche tellement bourgeoise, pédante, juste bonne à flatter quelque ego, nous éloigne de ce qu’est le vin dans sa notion humaine, artisanale, historique et festive. Elle nous éloigne tout autant du rapport unique qu’entretient l’homme avec la terre quand il essaie de la respecter et de la laisser s’exprimer.
Photo : Emma Bentley
Quand un personnage aussi passionné qu’Alessandro nous ouvre les portes de son domaine, il nous ouvre bien plus que cela, il nous livre sans compromis, sans flatterie, sans grandiloquence mais avec une émotion et une pudeur unique l’histoire de sa vie.
Il réussit ainsi à nous transporter dans une dimension telle que je serais prêt à dire qu’en trois jours, j’ai, dans les collines de Badde Nigolosu, appris plus sur l’homme que pendant 10 ans.
Je n’aurais qu’une prière à faire à la famille Dettori, c’est de ne surtout rien changer… mais ce sera en fait inutile, parce que cette volonté immuable de s’accrocher à la tradition se trouve dans chaque atome de chaque pierre, de chaque pépin.
Coordonnées
Tenute Dettori
Alessandro Dettori
Località Badde Nigolosu, SP 29 Km10
07036 Sennori (SS)
LAT 40° 49’ 37,9” N. – LONG 8° 39’ 30,2” E
Tel : +39 079 9737428
Fax +39 079 2977560
E-mail: info@tenutedettori.it
Web : www.tenutedettori.it
Remerciements
Mes plus vifs remerciements à Paolo et Alessandro Dettori pour leur magnifique accueil, à Emma Bentley pour son organisatiion impeccable, à Jessica et so mari pour leur sourire aussi large que leur coeur, à Fabio d'Uffizi, Bertrand Celce et Aaron Ayscough pour leur si sympathique compagnie et, enfin, à Guillaume Deschamps avec qui, dans ce cadre éblouissant, j'aurais bien refais le monde.