VDV n°40 : Viva Bojo... Serial Glou !
Les Vendredis du Vin n°40
Viva Bojo… Serial Glou !
Il y a des thèmes de dégustation qui rien qu’au nom vous emmènent déjà les papilles au paradis.
Il y a des noms de blogueurs qui respirent bien plus que la sympathie, on aurait presque envie de dire le respect, rien que par le plaisir qu’ils nous donnent avec une régularité sans faille, sur et en dehors de la toile.
Quand Iris, la « dynamo »» des Vendredis du Vin réussit à persuader l’ami « Olif » de relever le gant de la Présidence du mois d’Octobre pour cette 40e et que celui-ci nous balance un seul mot, « Beaujolais », on se dit « tain, ça c’est vraiment Noël avant la date ! ».
Et le fait de placer Bojo comme thématique à quelques encablures de la sortie des primeurs pour foncer gosiers ouverts vers les "autres" vrais vins de l’Appellation, y a pas plus stimulant. D’autant plus stimulant que le goût de notre équipe des Vendredis du Vin Brusseleirs est totalement en phase « au naturel » avec les goûts du Trublion de Pontarlier...
Alors même si la dégustation se fera à l’aide de chaussettes aveuglantes, faut pas se lever très tôt pour deviner que se cachent des noms comme Lapierre, Foillard, Breton, Vionnet, Descombes, Pacalet, Brun, Metras et Thévenet.
Petit aparté avant de me lancer dans la description d’une soirée forcément épique, la liste des bouteilles se fait au gré de l’apport de chacun des membres du club. Elle est donc liée aux disponibilités du moment de chacun et ne se veut en aucun cas exhaustive !
Pour en revenir à notre réunion à haut fruit, il n’est pas étonnant que nombreux et même plus avaient répondu présent au rendez-vous, emportant dans le panier du jour beaux cols et bonne chère.
Audrey Lenoir et Nancy Burello : nos deux « plus » du jour
(et un Marseillais qui passe par là…)
Résultat des courses… pas moins de 20 bouteilles au programme, même plus, pour certains qui, non contents d’avoir descendu le menu du jour, sont partis ensuite à la chasse d’un certain Karim Vionnet, de passage à Bruxelles ce jour-là au très nouveau et recommandable « Selecto »… avant de terminer, comme souvent chez les Belges par quelques bières, faisant fi de l’adage flamand « Wijn na Bier, plezier ; Bier na Wijn, Venijn » (Vin après Bière, plaisir ; Bière après Vin, Venin).
Les hostilités du jour sont lancées, en blanc, avec une quille très fraiche mais tout aussi vineuse et minérale de Beaujolais Blanc du domaine des Terres Dorées de Jean-Paul Brun en 2010, qui, malgré que tout le groupe n’est pas encore présent en ce début de dégustation, dure aussi longtemps qu’un brasier de fétu de paille… Une bien belle découverte, en tous cas pour moi.
Vient ensuite une première tentative Raelienne en la personne du Beaujolais Primeur « Les Lapins » du Château du Montceau 2004 (vinifié et élevé par Fred Cossard). Loin de moi de comparer Fred Cossard au « comique » en robe blanche qui comme David Vincent les a vu. Mais faut admettre qu’un « primeur » de 8 ans, ça relève quand même un tantinet le gant de l’osé. Visuellement, c’est très trouble… Est-on encore face à du « vin » ? Oui, indéniablement… mais très très largement sur le fruit avec quand même une belle trace de fraicheur. On va pas en ouvrir une tous les jours… mais…
La quille suivante c’est un Beaujolais Villages 2006 de Jean-Charles Pivot. RIP et no comment.
Pour revenir du côté de la secte du « bizarre », version pirate, ce coup-ci, y a maître Basin, gardien des portes de notre local autoproclamé, qui nous balance un Gamay 2001 du Domaine du Collier d’Antoine Foucault. Si on retrouve le fruit de Monsieur Gamay, le reste est assez atypique, puissant, charnu, boisé, presque solaire, non sans fraicheur. L’impression d’extrait est réelle mais sans surmaturité perçue, toutefois, probablement parce qu’on ne quitte jamais le domaine du fruit. Et vu le millésime, faut reconnaître que ça vieillit drôlement bien. On s’en referait bien une petite…
Le candidat suivant est tout simplement un de mes plus gros coups de cœur de la région, le genre de quille qui, il y a un an, a achevé de me persuader du bien-fondé des vins naturels en Beaujolais.
Et sur cette année écoulée, ce Beaujolais Villages 2009 de Karim Vionnet n’a pas pris une ride. Intensément jeune et fruité au nez, ne reniant aucune seconde ses origines génétiques les épices et la tension magistrale font de cette bouteille un modèle de torchabilité. Une véritable émotion.
Vient ensuite le Morgon « Ptit Max » 2009 de Guy Breton. Sa robe bien plus dense et sombre nous annonce une matière plus serrée. Le nez est assez fermé, plus sur les épices que le fruit et en bouche, la matière effectivement très serrée nous rappelle que la robe ne mentait pas. Si on ne constate pas un déficit réel de fraicheur, l’équilibre en final est plus déplacé vers les tanins. Vu sa concentration, ce vin est plus que probablement en devenir et tout aussi probablement mal placé dans l’ordre de dégustation, ce qui lui confère un caractère trop robuste après le véritable jus de Karim Vionnet.
A revoir donc…
Le suivant de ces messieurs propose une robe tout aussi dense mais le nez se lâche bien plus, avec un fruit caractéristique non sans une pointe d’austérité. La bouche est superbe, d’un énorme équilibre entre tendresse, salinité (presque calcaire) et grande fraicheur. Sur la longueur, ce Moulin à Vent 2009 des Terres Dorées de Jean-Paul Brun, frise la perfection en s’inscrivant dans une optique vraiment gastronomique, sa minéralité y étant pour beaucoup. Superbe et deuxième coup de cœur.
Et ensuite vient un Morgon 2008 de la Cave Beaujolaise de Quincié. Si le nez est plaisant, pleinement sur le fruit sans s’encombrer d’arômes made in Georges Duboeuf, la bouche, sans perdre de fruit et de fluidité, fait serrer un poil les gencives de par son acidité pas pour les gamines. Ça ne resterait pas trop mal, s’il n’y avait pas cette finale courte et sèche. En général, je ne parle pas trop des vins qui ne me font pas vibrer, alors, pourquoi m’étendre ici. Parce que je pense que nos goûts évoluent tellement, se calent de plus en plus sur le plaisir, le jus, la pureté que ce type de bouteille part terriblement perdante en nos palais… alors qu’elle ferait probablement le bonheur d’une brasserie atteignant un très haut indice de satisfaction dans sa clientèle… Il faut donc toujours rester tolérant.
Et puis, et puis, il y a le vin qui m’a semblé avoir fait unanimité de la soirée, le Chiroubles « Vin de KAV » 2010 de Karim Vionnet. Magnifique de fruit légèrement mentholé au nez, la bouche n’a rien à envier à cette première perception nasale. D’un équilibre parfait entre fraicheur et matière, à la fois vineux et totalement « glou » malgré sa jeunesse, ce vin atteint les sommets par sa superbe longueur. Oui, je sais, encore un coup de cœur et c’est pas fini, j’en ai bien peur… Nos petits ventricules auront-ils la force de résister à tant de déchirement émotionnel ? (NDLR : déchirement pour : Woah, le KAv à Karim, ça déchire un max)
Ce soir, si Karim ne vient pas à nous, on ira à lui.
Noir c’est noir, c’est la robe de ce Côtes de Brouilly 2009 de Christophe Pacalet qui prend le relais. Sans quitter le nez « gamay naturel », les perceptions solaires et épicées nous changent quand même un peu de de registre. En bouche, c’est bien équilibré mais toujours aussi épicé, réglissé avec un fruit un peu en retrait.
Globalement on a une perception de rondeur agréable, avec à la fois de la matière et de la souplesse, mais la finale, un poil trop courte, donne une impression un peu trop fluide… probablement qu’avec plus de fruit… (Ah oui, Héloïse, elle avait trouvé !)
Quand j’te dis que c’est du Chiroubles,
c’est du Chiroubles !
Le vin suivant commence de manière très fermée, du moins au nez, laissant échapper au travers du fruit quelques notes boisées de santal. La bouche est juteuse, très fraiche avec une acidité dominante en attaque. On retrouve ensuite quelques notes boisées mais au-dessus de tout, plus le vin séjourne en bouche plus il prend de l’ampleur avec une fraise gourmande qui s’impose et nous porte longuement en finale. Et M’sieur Georges « Noun » Descombes , il est bon ton Chiroubles 2007, dommage que tu les fais pas plus grands, tes flacons. Vous avez dit « Coup de Cœur » ?
Avec le Chiroubles 2009 de Damien Coquelet qui suit cette bombe à la fraise, on change de cap et pas un peu. Au nez comme en bouche, le fruit est remplacé par de la viande, du toasté auquel il faut ajouter un équilibre très asiatique en bouche. Si on ressent bien la matière, c’est un peu sec dans l’ensemble. Mais, avec des substances nettement plus classiquement vineuses comme cette chose, faut peut-être laisser le temps au temps.
Retour du fruit en masse avec ce Régnié 2009 de Guy Breton. Fruit gourmand et frais au nez, fruit gourmand et frais en bouche, le tout dopé par une acidité parfaite et des tanins qui équilibrent parfaitement le côté plaisir gourmand. La longueur est au diapason, top ! En apéro, comme à table, c’est super prêt… belle bête… que dis-je, très belle bête, très au-dessus du Ptit Max.
Mais pourquoi t’es d’jà vide ? Hein ?
C’est vrai qu’à la longue, ça peut devenir lassant de lire un dictionnaire de superlatifs. Oui, certes mais alors que dire de ce Fleurie « Cuvée Ultime » 2010 d’Yvon Metras ? Il est en fait totalement impossible en fait d’émettre un son en tremolo ou une idée négative face à ce vin. Puissant au nez avec du fruit pas écœurant pour un sou mais de la nitroglycérine aromatique. En bouche, l’équilibre est parfait entre le fruit, l’impression de matière et la fraicheur. C’est probablement très, trop jeune, mais que de promesses.
M’sieur Basin, sniffeur d’Ultime
Cette bouteille est un plébiscite absolu pour la région, sans nul doute… en tous cas, avec mes camarades, on est totalement sous le charme… alors que ce n’était pas le cas obligatoirement avec la cuvée classique. Ce vin porte bien son nom, il est … « ultime ».
Difficile mission pour le Morgon « Côte du Py » 1999 de Jean Foillard de passer derrière un panzer de jeunesse comme le bijou de Métras. Et pourtant, il faut croire que notre président Olif ne pouvait ignorer que s’il y avait bien un endroit où du serial bonheur de Glou pouvait arriver, c’est sur Bojo. Bon… c’est sûr qu’on passe ici de jeunesse à maturité, et comme le bois était assez présent sur les vinifs en 1999, cela change assez fort les données aromatiques.
Mais, faut admettre que ça pète aux narines, tudieu ! Et la grosse surprise vient de la fraicheur en bouche, pas le moindre signe d’essoufflement. Au fruit toujours bien présent viennent s’ajouter des amandes, du miel, le tout sur un équilibre aérien, en milieu de bouche, comme en finale. Un vin exceptionnel.
On en arrive au 16e vin et c’est comme si on avait à peine commencé. Aucun signe de lourdeur n’embrouille nos neurones, alors qu’un crachoir pour 10 s’avère plus que suffisant… oui, oui, Philippe, y avait un crachoir !
Et le 16e de la soirée, c’est Morgon 2009 de Charly Thévenet. Et là, je vais encore emm… tout le monde, mais ‘tain, c’est énorme (pas mal non, cette recherche de vocabulaire, après superbe, ultime et exceptionnel). On voudrait créer un dictionnaire organoleptique, au mot « gouleyant », faudrait ouvrir cette bouteille. On parlait de crachoir, il sert plus à rien. Moi le bonhomme Thévenet, j’connaissais pas… On me dit qu’il est surnommé Pol Pot… c’est parce qu’il massacre ses concurrents à coups de napalm de Glou ? Plus le temps d’être technique, j’écris de la main qui tient mon verre et ma main veut plus lâcher mon verre.
Morgon « Corcelette » 2009 de Jean Foillard… après superbe, ultime, exceptionnel, énorme, il y a encore « fantastique »… Puis-je ?
Et je ne sais que dire d’autre, en fait, sinon de copier/coller, allez, avec un tout petit moderato, ici, c’est, enfin, ça parait, un poil plus rond. Une chose est certaine, en quelques mois, ce 2009 qui paraissait austère, il en a fait du chemin vers la sapidité…
Plus atypique, le vin suivant en la personne du Beaujolais Villages « Tsuki Yomi » 2007 du Domaine de l’Ancestra. Après les obus fruités de Big Bertha qui viennent de pleuvoir dans nos verres, la chose se montre bien plus fermée, du moins au nez. Lentement à l’agitation, une impression de fraicheur se dégage toutefois. En bouche, c’est plus exubérant, surtout aromatiquement, il y a aussi beaucoup de structure conditionnée par un relief tannique important mais cela manque un peu d’acidité, du coup, les sucres ont tendance à jouer leur va-tout, sans réellement perdre en buvabilité. Autre chose donc, mais ça reste pas mal.
Dans toute dégustation à tendance « nature » de Bojos, il faut tôt ou tard en arriver à dégoupiller une quille du père fondateur du renouveau de la région, soit un Morgon « non soufré » 2010 du Domaine Marcel Lapierre dont le départ de Monsieur Marcel au pays des Anges reste pour beaucoup un souvenir indélébile des derniers mois.
On aurait pu s’inquiéter du fait d’une relève hasardeuse, rien n’étant jamais acquit, mais tous les signes d’une excellente continuation sont décidément au vert et ce n’est certainement pas cette bouteille qui va les faire mentir.
La robe est d’une densité incroyable, presque noire. Le nez, s’il montre un peu de fruits rouges, est particulièrement profond, d’une belle austérité qui vient faire le ménage dans le tsunami de générosité qui a précédé. Tout en conservant cette impression d’austérité minérale, la bouche y va d’un très bel équilibre soyeux ou fraicheur, tanins et fruit se fondent dans une union sans faille. Encore sur la réserve, ce vin pue littéralement la classe ! Une émotion, autre, plus recueillie, mais une très belle émotion.
Avec une robe plus évoluée, le dernier vin de la série, le Morgon « Côte du Py » 2006 de Jean Foillard propose un nez plus fondu et plus généreux dans le fruit que son prédécesseur mais en bouche, ce dernier canon n’est pas loin de rejoindre la classe du bijou des Lapierre, avec une buvabilité saline très salivante (et au 20e vin, il faut le faire !). Pureté est le maître mot qui se dégage sur la finale de toute beauté. Si Corcelette reste ma cuvée de référence au domaine, il faut reconnaître que cette « Py » ne manque pas d’atours.
En résumé… Une dégustation ultra-festive avec un groupe hyper-motivé… cela paraît évident. Si le problème majeur était à la fois de lâcher son verre et de remplir le crachoir, notre petit club dans son intégralité (même les djeunes au foie encore fragile) montre un étonnant état d’éveil. C’est sûr que ce dernier entrainement avant de recevoir les hordes tricolores de tous bords pour la Saint Glou aura été plus que bénéfique… autrement dit, les zamis, on vous attend !
Ce sérieux avant de se quitter…
Impressionnant, non ?
En plus,…
Ça me rappelle la pochette du 1er Clash…
A y repenser, en plus du côté très festif de notre réunion, il y avait pas mal d’enseignements à tirer de tout cela.
Tout d’abord le niveau qualitatif très élevé. Pratiquement aucun vin n’était à écarter, tous montraient, à des niveaux différents, un fruit gourmand tant au nez qu’en bouche, le plus souvent rafraichi par des acidités de très haut niveau.
Parallèlement, et c’est peut-être le seul revers de la médaille de cette stimulation entre vignerons natures engendrée par Marcel Lapierre, on a l’impression de toujours être un peu dans les mêmes familles aromatiques et tactiles. Si le côté juteux de ces vins permet de descendre des « séries » à l’infini, il est probable que réduire à 10-12, le nombre de quilles ouvertes n’aurait en rien changé nos impressions, mais ça, c’est très facile à dire et irréalisable au pays des belges quand un fêlé d’helvète vient s’en mêler.
Plus techniquement encore, je reste stupéfait de la buvabilité des 2010… c’était loin d’être le cas des 2009, il y a un an où les cuvées les plus minérales se montraient bien trop austères. Aujourd’hui, et depuis peu, en fait, les 2009 reprennent du fruit de la bête… pour le plus grand plaisir du glou !
Et puis, il reste la qualité des millésimes plus anciens qui font mentir les béotiens qui ne voient en Beaujolais que primeurs à fluter un jeudi de novembre. Plus ces vins évoluent, plus ils ont tendance à égaler leur voisin pinoteur… Que dire alors à notre président du jour, Olif, sinon un énorme merci d’avoir fait fi de son Jura pour nous emmener dans les environs de Lyon, à la (re) découverte de ces petits bijoux. Vive la République, Vive Beaujolais ! (et fi des primeurs)
Bref, Môssieur Olif…
Santéééééé !!!!!
Ceci n’est pas un couguar
Mais...
Avant de refermer ce texte à nouveau pas très court, j’en profite pour remercier notre photographe attitrée, Brigitte, dite Bridget Groupie de l’Union, pour ses clichés bourrés de vie qui donnent une forme d’éternité vivante à nos agapes.