Le Domaine Beck-Hartweg à la loupe
Le domaine Beck-Hartweg - Visite de Florian à Bruxelles
C’est avec un plaisir habituel qu’un groupe de « volontaires » passionnés s’est réuni cette mi-novembre à Bruxelles autour de Florian Hartweg du domaine Beck-Hartweg pour, dans une grande majorité d’entre eux, découvrir les vins de ce domaine qui «bouge» !
Avant de découvrir les commentaires de la dégustation commentée, il y a lieu de découvrir plus avant ce domaine ainsi que d’écouter Florian se livrer dans une fort belle interview.
Remerciements intenses aussi pour les photos à Philippe (Oenophil), Stéphane (Stephalsace) et au domaine Beck-Hartweg
1. Historique du domaine
La famille Beck-Hartweg, réside dans leur maison datant de 1784 à Dambach-la-Ville, un village médiéval du Bas-Rhin à la forte tradition viticole.
Fiers d’une lignée de 14 générations de vignerons d’abord Beck, puis plus récemment Hartweg (d’où le nom du domaine), Yvette, Michel et leurs fils Florian y cultivent leurs vignes et vinifient leurs dans un cadre familial, continuant ainsi une tradition de plus de 5 siècles. La famille a commencé à mettre son vin en bouteilles à la propriété et à le vendre directement à une clientèle de particuliers à partir de 1956.
Le domaine s’étend sur 5,5 hectares dont 1,35 hectare sur le Grand Cru Frankstein et le reste sur les lieux-dits au-dessus de Dambach comme le Lanzenberg, le Frauenberg, le Breitstein.
Cet été, le jeune Florian qui en a les rennes. Il a achevé sa formation, il y a peu de temps en essayant à la fois de s’ouvrir l’esprit en ne s’enfermant pas dans le milieu viticole et en essayant d’acquérir des compétences maximales dans les nombreux domaines nécessaires à la pratique de son métier : D’abord un bac général (scientifique), puis passage par le lycée viticole de Rouffach, où il a effectué un BTS en viticulture et Œnologie. Pour poursuivre, il y a eu une licence en commerce international durant laquelle un stage de 3 mois aux Etats-Unis, dans le commerce de vin, a été réalisé, suivi enfin d’une année à la fac de lettres en Langues Etrangères Appliquées. Un récent stage de deux mois en Allemagne chez Selbach-Oster a terminé cette formation pour le moins complète.
2. Les vignes
Le domaine a commencé sa conversion bio en 2008 après avoir pratiqué pendant plusieurs années sur les vignes une intervention raisonnée et respectueuse de l'environnement, selon le cahier de charges de l'association "TYFLO". Les sols sont enherbés pour freiner l'érosion sur les coteaux et favoriser la vie dans le sol. En bordure de vigne sont maintenues des haies naturelles qui abritent une faune et une flore très riche.
Le travail du sol est effectué une fois par an par scarification d'un rang sur deux afin d'ouvrir le sol sans en modifier la structure. Lors de la taille de la vigne les sarments sont broyés et dispersés autour des ceps afin de nourrir le sol (humus dégradé).
3. La vinification
Les raisins sont vendangés manuellement, au meilleur moment de leur maturité, pour obtenir des vins fruités et concentrés et font l’objet de tries.
Les raisins sont versés entiers directement dans le pressoir, sans aucun foulage ni pompage, pour préserver la totalité de leurs arômes et obtenir un jus bien pur. Après un pressurage lent et doux des raisins, les moûts fermentent et sont élevés majoritairement dans des vieux fûts en chêne. En cas de volumes adaptés, le domaine privilégie les foudres pour les grands crus : les Rieslings et le s Gewürztraminers y sont chaque année, ainsi que pour le Pinot Noir « F », les Pinot Gris plus rarement, parce que produits en plus faible quantité. Enfin, Les Rieslings AOC vont chaque année aussi en foudre, c’est eux qui remplissent les plus gros.
La mise en bouteilles se fait au printemps et dans l'été suivant la récolte. Plus ou moins 300 hectolitres sont ainsi produits chaque année.
Côté soufre, le domaine tente d’en minimiser la quantité : très peu au débourbage, très peu après fermentation pour laisser le vin s’épanouir pendant l’élevage. A la mise en bouteilles très peu aussi pour les secs, un peu plus pour les doux pour garantir leur stabilité.
Une nouvelle cave est en passe d’être bientôt achevée.
4. A propos du Grand Cru Frankstein
Le grand Cru Frankstein est caractérisé par quatre parcelles orientées Sud-Sud-est, entourant Dambach-la-Ville d’une structure très uniforme faite d’une roche de granite rose à deux micas déchiqueté.
Sa composition est :
- Le quartz qui est de la silice pure, acide.
- Le mica blanc (muscovite), plus dur que le noir, qui se fractionne en paillette argentées.
- Le mica noir (biotite) qui se dissout.
- Le feldspath, altéré, qui se transforme en argile en feuillets en plusieurs millions d'années.
Ce substrat pauvre en eau de par sa grande porosité et oblige la vigne à faire plonger ses racines jusqu'à 20 mètres de profondeur pour chercher les éléments nutritifs nécessaires à son développement. La pente très raide des parcelles du domaine participe encore plus à ce drainage important, ce qui permet, même par temps de pluie une bonne praticabilité.
Ce sol de granites donne des vins aux aromes très spécifiques :
Le nez du Gewurztraminer est caractérisé par des aromes de fleurs d'acacias, de sureaux et de fines notes de violettes aux effluves entêtants. En bouche, on ressentira le velouté du miel.
Le Riesling exprime des arômes de fleurs blanches et d'agrumes dans sa jeunesse, puis des notes plus minérales, plus austères aussi. En bouche le vin exprime aussi la minéralité et est rafraichi par une acidité fine.
Le Pinot Gris, est plus corsé et sa structure plus ample, bien que vinifié en sec. Il gagne beaucoup à vieillir.
5. Questions à Florian Hartweg
Comme j’aime le faire pour étayer les commentaires d’une dégustation, j’ai posé plusieurs questions à Florian Hartweg qui s’est particulièrement pris au jeu. Attention, chaud devant !
Vous êtes issu d’une grande lignée de vignerons Vous voyez-vous aujourd’hui comme un pur terriens ou êtes-vous sensibles aux démarches plus intellectuelles comme on en trouve souvent dans le Languedoc ?
Question difficile, car je pense que c’est dur de dissocier les deux. Je ne penche donc pas pour l’un ou pour l’autre, mais j’essaye de rester terrien, (je parle souvent de bon sens paysan), sans pour autant rester enfermé dans mon monde et dans des pratiques ancestrales.
L’association des Grands Crus d’Alsace a été marquée par des récents débats houleux autour des appellations. Sans vous demander de vous positionner par rapport à ces débats, pensez-vous que les Grands Crus alsaciens ont besoin d’une restructure de leurs appellations ?
C’est certain que les Grands Crus Alsaciens sont actuellement à mon sens en dessous du potentiel qu’ils pourraient exprimer. De nombreux viticulteurs font déjà des efforts qualitatifs, certains depuis très longtemps, d’autres s’y mettent. Mais ce qui est surtout intéressant dans le cadre des Grands Crus, c’est que les viticulteurs ont compris que les Grands Crus ne sont pas simplement un niveau supérieur de l’AOC, mais aussi des beaux terroirs qu’il convient de valoriser et de laisser s’exprimer dans les vins. A mon sens, la réforme des grands crus doit accompagner les vignerons dans la découverte de l’expression et du potentiel de leur terroir et la manière de le laisser s’exprimer dans les vins, et doit en même temps aider le consommateur à s’y retrouver dans la diversité des vins produits. L’orientation actuelle va plus ou moins dans ce sens, mais c’est dommage qu’au lieu de laisser le viticulteur découvrir de lui-même la meilleure façon de laisser son terroir s’exprimer, on lui dicte la voie à suivre. C’est d’une part manquer de respect sur son savoir, et d’autre part un risque de standardisation des pratiques. Du côté consommateur, au lieu de l’amener à la découverte de notre belle diversité des terroirs, on cherche à lui simplifier l’offre pour lui faciliter la tâche… ce ne sera que moins intéressant à découvrir pour lui ! Donc oui une réforme est nécessaire, oui celle qui est en cours part d’une bonne idée, mais elle n’utilise pas toujours les bons moyens pour y parvenir.
Dans le même ordre d’idées, que pensez-vous de la complantation ?
Je ne suis pas fondamentalement opposé au principe de la complantation. Si certains viticulteurs se retrouvent bien dans cette pratique, et parviennent à exprimer leur terroir grâce à celle-ci, oui. Mais c’est une pratique que je ne mettrais pas en place sur mes terroirs pour plusieurs raisons. La principale est la date de vendange : tous les cépages n’arrivent pas à juste maturité au même moment. Je me faisais la réflexion la semaine dernière en étant dans les vignes, comprenant pourquoi cela marchait chez Mr Deiss par exemple : quand on recherche la surmaturité, le passerillage, il y a toutes les chances pour que l’optimum de date de vendange soit la même pour tous les cépages. Ce système est donc adapté aux terroirs qui s’expriment bien à travers le botrytis. En revanche, sur mon terroir du Frankstein, peu propice à la formation de botrytis, il est possible de récolter les raisins à parfaite maturité avant qu’ils soient atteints de botrytis. Et c’est à mon sens en récoltant à ce moment là que l’on parvient à faire ressortir la finesse et la fine minéralité de notre granite. Ceci exclut donc la complantation, car ce moment ne sera pas le même sur tous les cépages.
Par ailleurs, je ne suis pas de ceux qui opposent terroir et cépage. Je ne vois pas en quoi un vin produit avec un seul cépage exprimerait moins bien son terroir qu’un vin issu de complantation (ou d’assemblage d’ailleurs). Je pense que chaque cépage a sa propre interprétation du terroir à nous livrer.
Vous avez entamé officiellement votre conversion bio en 2008. Cette conversion n’a pas débuté hier, non ?
La conversion du Domaine n’a pas été un choix brutal, mais une évolution logique. Mon grand-père déjà de son temps privilégiait un travail manuel et naturel à une productivité et une mécanisation croissante dans les années 60. Pour citer un exemple, nous n’avons jamais, dans notre histoire, utilisé de désherbants racinaires, les pires pour l’environnement et le fonctionnement du sol. Ma mère (Yvette Beck (NDLR)) a continué dans cette direction, en étant par exemple une des premières à enherber ses vignes dès 1982. Puis mon père, ne se retrouvant pas à l’époque dans le mouvement bio, pour diverses raisons (pas de prise en compte de la biodiversité et de l’écosystème, trop de cuivre dans les traitements, trop d’importance donnée au labour, etc..), a, avec un petit groupe de vignerons, créé l’association Tyflo. L’idée était de privilégier avant tout un écosystème favorable au maintien de la vigne en bonne santé, avec notamment des haies et zones de compensation écologique. C’est cette base qui permet ensuite de réduire les traitements.
Ensuite, toutes les étapes de l’année viticole ont été passées en revues, et légiférer là ou c’était nécessaire, toujours dans le but d’actions préventives contre les maladies. Ce n’est qu’après cela que les traitements interviennent. Ils ont été légiférés en fonction de la dangerosité des produits, indépendamment de leur nature (chimiques de synthèse ou naturels). Pour les désherbants, certains d’entre eux ont été autorisés sous certaines raisons, dans le but de pouvoir conserver des parcelles anciennes non mécanisables, et de trouver un compromis économique/écologique pour ceux qui ne vendent pas le vin assez cher pour se permettre un désherbage mécanique. Ce système a été testé en 1995 et 1996 par les fondateurs (dont mon père), puis officialisé et contrôlé depuis 1997.
Depuis, nous avons évolué, la bio aussi. Trois facteurs principaux ont motivé notre conversion : La prise en compte croissante des méthodes préventives dans le mouvement bio ; les nouvelles méthodes et l’équilibre atteint par nos vignes nous permettant de se passer de produits de traitement chimiques sans augmenter les doses de cuivre ; et aussi le fait que j’ai réussi à concevoir et fabriquer un modèle de charrue pour le désherbage mécanique qui nous permettait de nous passer de désherbants dans les parcelles les plus étroites tout en respectant le sol (1ha concerné, le reste était non désherbé depuis 2002). Nous cultivons donc depuis 2008 en suivant le cahier des charges bio, et nous restons également membres de Tyflo, qui rajoute quelques contraintes que nous jugeons intéressantes (maintien de haies, etc.).
Autre sujet, autre débat : le soufre. Vous minimisez les quantités utilisées. Prêts à vous en passer totalement ?
Si nous essayons de minimiser les doses, cela ne nous intéresse par contre pas de nous passer totalement de soufre. Je respecte énormément les très rares vignerons qui sont capables de produire chaque année quelques cuvées sans soufre. Mais le style de vins produits ne correspond pas à ce que je cherche à produire.
En dehors des 3 cépages classiques (Riesling, GW, PG) avez-vous un petit coup de cœur pour un autre?
Spontanément je suis tenté de répondre Pinot Noir, dont j’aime l’expression sur le Frankstein. Je travaille très dur ces dernières années pour en tirer la meilleure expression de notre terroir granitique.
Mais en y réfléchissant, je pense qu’à partir du moment où il est bien travaillé, dans le respect de leur style propre, chaque cépage peut avoir son intérêt. Certains exprimeront mieux le terroir, l’autre un côté plus fruité, d’autres encore un style plus strict, etc. Si certains cépages sont dénigrés, cela vient surtout du manque d’attention qu’on leur porte, par (mauvaise) habitude. Je pense surtout au Sylvaner, qui a un très beau potentiel d’expression du terroir, et qui arrive à de très hauts niveaux de maturité sans perdre en équilibre. Je pense également à l’Auxerrois, dont le manque d’acidité est parfois montré du doigt, mais où je trouve de plus en plus ces dernières années une belle capacité à exprimer une forte salinité qui permet de garder un bel équilibre malgré la faible acidité.
Pouvez-vous nous décrire vos impressions sur les trois derniers millésimes, chez vous, au domaine, plus principalement pour 2009, dont, à l’heure où ces lignes sont écrites, nous n’avons que peu de recul ?
Je n’aime pas beaucoup faire des généralisations sur les millésimes… mais je vais tenter de décrire les trois précédents en quelques mots, sachant qu’il faut les prendre pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des raccourcis rapides et prématurés, juste livrés pour donner une idée.
- 2007 : très beau millésime, avec une très belle arrière saison favorable à la production de belles vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles. En général des vins bien équilibrés et concentrés. Beau sur tous les cépages.
- 2008 : La fraîcheur de la fin d’été a conduit à des niveaux d’acidité élevés, permettant une maturation lente sans perdre en équilibre. Plus vifs que les 2007. Très beau en Gewurz et Riesling surtout mais assez homogène.
- 2009 : Un temps de rêve pendant les vendanges à permis un choix optimum de la date de récolte. Des vins plus ronds que les 2008. Belle arrière saison aussi qui a déjà permis de produire de grands liquoreux, dans un style plus passerillé qui botrytisé comme je l’affectionne.
Une certaine augmentation de la demande du public favorise depuis quelques années la production de vins structurés sur plus de sucres résiduels, la résultante en étant la présence croissante de VT et SGN sur les tarifs des viticulteurs de votre région. De votre côté, on associe souvent à vos vins, un caractère très sec. Pensez-vous que l’on peut garder le respect de l’expression du terroir en le travaillant à la fois pour les vins secs, VT, SGN et autres voisins de glace ?
Je pense que cela dépend surtout des terroirs, et surtout de la façon dont on y adapte sa manière de produire ces vins. Pour prendre en exemple le Frankstein, c’est un terroir qui s’exprime sur la finesse (d’où le fait que mes vins sont rarement gras et doux). La production de VT/SGN au sens où elle est entendue par la majorité des producteurs, c’est-à-dire fortement botrytisée, ne correspond donc pas du tout à ce terroir : cela produirait des vins plus doux, gras, oubliant la finesse aromatique et le côté aérien des vins de Granite. Pour moi des mauvaises expressions de ce terroir. En revanche, en faisant un gros travail à la vigne et seulement les meilleures années, j’arrive à produire des vendanges tardives (voire même SGN, mais une seule fois en 2007), uniquement issues d’un passerillage partiel. L’absence de botrytis, ainsi que la présence d’une proportion suffisante de baies saines, permet de garder toute la finesse, l’équilibre, et la pureté aromatique du Frankstein.
Je n’ai encore en revanche jamais tenté l’expérience du vin de glace : je préfère travailler mes vignes de manière à obtenir une concentration naturelle, plutôt que de compter sur le gel pour y parvenir…et les records de degrés ne m’intéressent pas.
Voyez-vous personnellement ces dernières années une évolution de la clientèle ?
Oui. La clientèle est en évolution constante. C’est assez difficile à généraliser, mais globalement on assiste à un décalage de plus en plus grand entre les consommateurs non-connaisseurs et les amateurs avertis qui s’informent de mieux en mieux, en véritables passionnés. Je pense que le monde du vin a de l’avenir grâce à cette dernière tranche de personnes qui considèrent le vin comme une culture, et qui ne se laisse pas piéger par les campagnes prohibitionnistes.
Vous avez un site web, un blog et vous êtes très actif sur un forum de vin. Etes-vous plus ou moins sensibles aux réactions sur les autres blogs et sur les forums face à vos vins, et ce par rapport à la presse professionnelle ?
Je n’aime pas l’opposition qui se fait de plus en plus entre les amateurs de vin et les professionnels de la filière. Les réactions sur les forums et blogs m’intéressent énormément, non seulement sur mes vins car cela permet de me remettre en question, mais également sur les vins d’autres producteurs de ma région, et finalement même du monde entier, car tout simplement je suis un passionné de vin, comme n’importe quelle personne fréquentant ces forums. La presse professionnelle quant à elle a un regard parfois différent, mais les journalistes sont en général de très fins connaisseurs qui ont une vision très précise des viticulteurs d’une région, à force de les côtoyer. C’est donc extrêmement intéressant de voir ce qu’ils pensent de moi par rapport aux autres, et ce qu’ils pensent de moi tout court.
Je conclurais en disant que quelque soit la personne, ce qui compte c’est la franchise qu’elle a en parlant de mon vin. Que ce soit un non connaisseur où le plus grand critique, une remarque négative constructive m’intéressera toujours plus qu’un « il est bon » non sincère, ou qu’un « beurk » prononcé avant même d’avoir goûté le vin.
Quelle serait pour vous, aujourd’hui, la plus belle reconnaissance à laquelle vous aimeriez aspirer (encore) ?
Qu’un maximum de monde prenne du plaisir en goûtant mes vins.
6. Dégustation animée par Florian Hartweg
Les vins n'ont pas été servis à l'aveugle, le but étant avant tout de rencontrer la gamme et son géniteur. L'ordre de service a été élaboré par Florian et chaque vin a fait l'objet d'un commentaire de ce dernier avant qu'il soit débattu par l'assistance.
1. Pinot Blanc 2008
La robe est très claire et le nez très intense avec principalement du fruit (Fruits blancs et jaunes) et quelques bonbon anglais. La bouche est très fraiche grâce à une belle acidité qui équilibre le fruit et l'impression de gras due à un vin à la limite de la surmaturité mais qui a le mérite de se goûter sec. Si la finale n'est pas kilométrique, c'est un excellent vin d'apéritif et de mise ne bouche. Bien
2. Riesling Cuvée Prestige 2008
Toujours une robe très claire, caractéristique de presque tous les vins du domaine sauf les cuvées spéciales. Le nez est au premier abord plus discret avec des fruits blancs et du floral. Je perçois une toute petite pointe de chaleur mais celle-ci n'est pas perceptible en bouche où l'acidité, très mûre, rafraichit bien la bouche qui propose à nouveau un beau fruit enrobé par pas mal de gras. Le vin se goûte presque très sec (malgré 3-4 gr de résiduel) et la longueur est très intéressante avec actuellement encore une petite pointe d'amertume. Bien +
3. Riesling GC Frankstein 2007
Bien que nous aurions dû goûter le 2006 en première instance, l'échantillon s'avérant bouchonné, nous n'avons pu gouter ce millésime actuellement en vente. Nous avons, par contre, eu la primeur de rencontrer les millésimes 2007 et 2008. Les aromes de ce 2007 s'avèrent d'emblée plus complexes, oscillant entre les fruits exotiques et la pierre à fusil. La bouche, malgré les 7gr de sucres résiduels, est très fraiche, avec une acidité fine, un fruit remarquable, du floral et, surtout, une salinité qui m'interpelle bien. Un vin bien fait, très long et très aérien, qui quand il aura digéré ses sucres, devrait s'avérer incontournable. Excellent
4. Riesling GC Frankstein 2008
Si la robe de ce 2008 est comparable à son ainée, pour le reste on assiste à un changement de cap dès le premier nez, beaucoup plus intense que le 2007, plus agrumes avec des notes fermentaires. On perçoit fort la jeunesse. La bouche paraît ici moins marquée par le sucre, tant l'acidité, typique du millésime, emmène la barque. On retrouve un beau fruit et des notes florales. Sur la finale, la salinité paraît, aujourd'hui, plus en retrait et la longueur n'atteint pas celle du 2007, mais tout cela est compréhensible vu la très grande jeunesse du vin qui doit encore se faire. La matière est là, pleine de promesses, il n'y a qu'à faire preuve de patience. Très Bien.
5. Pinot Noir "Cuvée du Soleil" 2006
La robe est assez claire et le nez exubérant avec un joli cocktail de fruits rouges (framboise, mûres). Issu de raisins vendangés assez tôt, ce vin se place résolument sur le caractère frais et léger. En bouche, on retrouve beaucoup de fraicheur; les fruits rouges sont à nouveau très présents. Les tanins pourraient être un plus fins, l'impression de rusticité étant plus de mise. Si la longueur reste moyenne, ce vin s'inscrit bien dans sa catégorie : léger et rafraîchissant mais sans une complexité majeure. Bien
6. Pinot Noir F (Frankstein) 2007
Les raisins de ce vins proviennent du Frankstein, et l'élevage se fait en vieux foudres qui ont déjà vu passer quelques décennies. La robe est ici aussi assez claire mais plus trouble, dû au fait que le vin n'est ni collé, ni filtré. Virage à 180° pour le nez qui après s'être montré un peu plus fermé avec quelques notes animales, développe ensuite une superbe complexité avec de splendides fruits rouges (groseilles, griottes) et un peu de fruits noirs (cassis). . ce n'est pas le coup de bazooka du précédent vin et on est vraiment impressionné par la finesse. La bouche est marquée aussi par la finesse, presque féminine, tout en équilibre avec une acidité intégrée du fruit et de la minéralité (grande salinité), et surtout, des tanins très lisses, remarquablement intégrés. La finale est très longue, sur le fruit, la fraîcheur et le velouté. Splendide vin et rapport qualité/prix énorme (9,7 euros) pour un vin qui ne cache en rien ses nobles origines.
7. Auxerrois Vieilles Vignes 2007
Ce vin est issu de parcelles sur un coteau granitique proche du Frankstein, récoltés avec une forte maturité (10g/l de sucres résiduels) et est proposé en bouteille transparente qui fait ressortir le beau doré de la robe. Le nez propose un fruité ample et net sur des fruits blancs et exotiques. En bouche, l'acidité est un peu en retrait et le fruité domine avec de la sucrosité qui apporte du gras mais pas du pâteux. La finale est belle, saline, assez sur la finesse. Un très beau vin de plaisir à proposer à l'apéritif. Bien +
8. Riesling Vieilles Vignes 2007
Second vin plus marqué par la surmaturité. Il provient de parcelles granitiques exposées Est avec des vignes de 40 à 50 ans d'âge. La robe est nettement dorée et le nez est bien expressif, sans excès toutefois, avec des arômes exotiques comme la mangue et des fruits jaunes. En bouche, le vin est très nettement sur la maturité, rond avec un sucre présent (25g/l) mais qui est très bien compensé par l'acidité qui équilibre la bouche sur la finesse. La longueur est très intéressante, sans amertume, ni côté pâteux. Très Bien
9. Pinot Gris GC Frankstein 2006
Retour au Frankstein pour ce pinot gris à la robe soutenue et où les fruits blancs et jaunes (abricot, pèche) côtoient de la pierre (silex) et une impression légère de sucrosité (sucre candi). En bouche, après une petite imprécision en attaque, on retrouve à la fois rondeur et minéralité qui donnent une sensation de bouche fine et droite, très intéressante. La finale est sur la fraicheur et les épices, le tout sans amertume et une belle longueur. Très intéressant.
10. Gewürztraminer GC Frankstein 2004
La robe est belle, brillante et dorée. Le nez est à la fois d'emblée complexe et atypique, dans le sens que l'on est aux antipodes des aromes variétaux, le terroir s'exprimant ici de main de maître. On y retrouve des épices et des notes de résines de pin et de miel, typique, paraît-il, de l'expression du Frankstein sur les Gewürztraminer. La bouche est fraiche avec une acidité fine, on retrouve à la fois complexité et austérité avec une expression des sucres réduite à sa plus faible dénomination. La finale est agréable, sans amertume et d'une longueur plus qu'acceptable. Très, Très Bien.
11. Gewürztraminer GC Frankstein 2005
Un autre millésime, une autre expression, plus sur la richesse au nez avec des notes prononcées de miel, de grillé mais aussi les plus classiques notes de rose (lichies). La bouche est plus complexe que le nez, plus aérienne et saline que purement fruitée. La finale est un peu plus chaude que pour le 2004 avec une pointe d'amertume probablement liée à la minéralité. Bien à Bien +.
12. Pinot Gris Cuvée de l’Ours 2007
Les vignes d'où cette cuvée est issue sont situées en bas de coteau sur un sol plus limoneux. Le nez est riche, sans la complexité des Frankstein et très centré sur le fruit avec une impression nette de surmaturité. En bouche, l'équilibre est assez déplacé vers le moelleux avec un côté miel épicé prononcé. L'acidité est, ici, un peu en retrait, ce qui confère plus de sucrosité sur la longueur, assez moyenne quant à elle. Moyen
13. Gewürztraminer Cuvée de l’Ours 2007
Les vignes proviennent ici d'une parcelle de Nothalten caractérisée par un coteau gréseux exposé plein Sud avec une forte densité de roche. Le nez est à nouveau très riche, mielleux mais on perçoit quand même des notes minérales plus complexes. La bouche est dominée par un miel très gras, l'acidité peinant un peu à rafraîchir la sucrosité (limite VT; 25g/l). Si ce vin ne correspond pas trop en l'état à ce que je recherche, il faut lui laisser une belle personnalité et une matière qui lui confèrent un beau potentiel de vieillissement, si l'acidité tient. Très Bien
14. Gewürztraminer Vendanges Tardives 2007
Les vignes sont issues d'un coteau granitique exposé plein sud et jouxtant le Frankstein avec un âge moyen de 50 ans. Le nez est puissant, marqué par des aromes variétaux et des fruits confits. La bouche est très dense avec une assez forte sucrosité (70g/l), trop jeune pour être intégrée mais rafraichie agréablement par une acidité fine. La sucrosité est marquante sur la longueur (impressionnante) avec quand même un beau côté aérien et épicé. Bien +.
15. Gewürztraminer SGN 2007
Le vin provient de raisins passerillés, sans la moindre action du champignon. Nez et bouche sont surconcentrés mais j'éprouve un peu de mal avec ce type de vin, où dans la jeunesse, l'acidité ne parvient pas à enlever le côté pâteux du vin. Bien sans plus.
Conclusions :
Si les gammes "Cépages" et "Réserve" conviennent bien à la convivialité "Torchable" de l'apéritif prolongé, elles ne manquent pas absolument de complexité et la cuvée "Prestige" dn Riesling est même très intéressante.
Les Grands Crus, toutefois, enlèvent nettement la palme avec une différence de prix assez faible vis à vis des gammes d'entrée, ce qui leur confère un beau rapport qualité-prix. Quelque soit le cépage considéré, le terroir domine par ses côtés salins exotiques ou résineux, avec une grande régularité sur la finesse et la complexité. Les millésimes 2007 et 2008 y sont très prometteurs.
La grosse révélation (si on peut encore dire révélation dans mon cas) est le pinot Noir F, une merveille de finesse, de féminité et de complexité que je placerai un jour ou l'autre en pirate contre des Bourgognes.
Les Cuvées "Vielles Vignes" en surmaturité sont intéressantes et très apéritives.
Les Cuvées de "L'Ours" sont un peu trop assises sur la structure qui masque la finesse et la précision rencontrées sur les Grands Crus, mais cela reste très bien fait et très appréciable, surtout pour les âmes en quête de douceur.
Les VT et SGN sont à revoir sur la durée, pour pouvoir s'exprimer objectivement.
On retrouve beaucoup de la personnalité de Florian, surtout sur les vins les plus aboutis. Il est clair que l'on ressent tout les soins apportés tant à la culture (Tyflo, Bio) et à l'élevage des vins pour faire transparaître le terroir. C'est plus que prometteur.
Un domaine résolument à suivre, à rencontrer et à partager !
7. Coordonnées
Domaine Beck-Hartweg
Florian Hartweg
Rue Clemenceau, 5
67650 Dambach-la-Ville
TEL 03 88 92 40 20
Web : http://beckhartweg.free.fr/cave/
Blog : http://vinalsacebeckhartweg.blogspot.com/
Mail : beckhartweg@aliceadsl.fr
8. Addendum : Les vins proposés actuellement au domaine (extrait du site web propre du domaine)
8.1. Vins de cépages
- Sylvaner 2008 : bien mûr, agréable (Guide "Bettane et Desseauve" 2010)
- Pinot Blanc 2008 : fruité, gouleyant
- Riesling 2008 : Riesling classique, fin et vif, excellent avec les huîtres et les poissons
- Gewürztraminer 2005 : fruité, épicé, relativement sec
- Pinot Noir 2007 : rosé aux arômes de fruits rouges
8.2. Vins de Réserve
- Riesling 2008 "Cuvée Prestige" : fin et bien fruité, légèrement minéral, il s'accorde avec les plats alsaciens et de nombreux autres plats
- Pinot Gris 2008 "Cuvée Prestige" : fruité et assez sec, déjà bien expressif, accompagne poissons et viandes blanches
- Gewürztraminer 2006 "Cuvée Prestige" : Nez de roses ; doux et finement fruité
- Pinot Noir 2006 "Cuvée du Soleil" : Couleur rouge sombre, fruité et charpenté. (Guide "Bettane et Desseauve" 2010)
- Crémant d'Alsace brut (sélection) : fin, sec, pétillant
8.3. Les Grands Crus "FRANKSTEIN" (coteau granitique)
- Riesling Grand Cru Frankstein 2006 : Nez de fruits bien mûrs. Fin et élégant en bouche, bonne longueur. (Guide "Bettane et Desseauve" 2010)
- Pinot Gris Grand Cru Frankstein 2006 : Fumet caractéristique au nez ; la finesse et l'harmonie de son terroir en bouche. Pour l'apéritif et les repas de fête.
- Gewürztraminer Grand Cru Frankstein 2004 : Finement fruité, bien concentré. Excellent à l'apéritif ou avec la cuisine exotique. (Revue du Vin de France 4.2008)
- Gewürztraminer Grand Cru Frankstein 2005 : Nez de mangues et de litchi, gras et harmonieux en bouche tout en gardant le côté aérien du terroir. (Médaille d'Or au Concours du Meilleur Gewurztraminer du Monde en Mai 2009, 12 pays participants ; Guide Hachette 2008)
8.4. Nos Cuvées Spéciales et Vendanges Tardives
- Pinot Noir « F » (Frankstein) 2007 : Vin élevé en vieux foudres de chêne, d’une grande profondeur
- Auxerrois 2007 "Vieilles Vignes" (en bouteille transparente pour mettre en valeur sa couleur dorée comme le raisin) : Vin agréablement fruité qui fait l'unanimité à l'apéritif ou avec un buffet varié.
- Riesling 2007 "Vieilles Vignes" : très belle maturité, rond et doux, excellent en apéritif et avec des plats exotiques. En bouteille transparente. (Médaille d'Or au concours des Vignerons Indépendants 2009 ; Guide Hachette 2010)
- Pinot Gris 2007 "Cuvée de l'Ours" (en bouteille armoriée à l'ours de Dambach): une belle expression de raisins de Pinot Gris très mûrs. Vin très fruité et moelleux qui met en valeur le foie gras.
- Gewürztraminer 2006 "Cuvée de l'Ours" (en bouteille armoriée à l'ours, symbole de Dambach): vin moelleux, au fruité agréable. Très plaisant à l'apéritif ou avec un dessert.
- Gewürztraminer 2007 "Vendanges Tardives" : Vin concentré, moelleux, aux arômes de miel et de fruits confits. Un digne successeur du 2005 ! (Guide "Bettane et Desseauve" 2010)