Vigneto Altura ou la renaissance par la beauté
« Notre travail à Giglio est intimement lié à notre joie et notre reconnaissance de vivre en ces lieux, des sentiments qui ont fait naître en nous une vertu presque chevaleresque, une vertu faite d’un amour sans bornes pour la vigne, pour la vie et pour cette île qui nous a permis de surmonter toutes les épreuves dont la pénibilité de notre travail sur ces terrasses ancestrales. »
Francesco Carfagna – Vigneto Altura – Isola di Giglio
Qu’est-ce qui explique que tant de mes amis vignerons parlent, avec tant de lumière dans le regard, de leur un séjour sur l’île de Giglio au domaine Altura de Francesco, Gabriella, Mattia et Irène Carfagna ?
Qu’est ce qui fait que la personnalité si particulière de Francesco et de ses vins agissent comme un aimant surpuissant face à tous les passionnés des vins vivants ?
La réponse à ces questions se résume à un seul mot : l’amour !
Car, assurément, côtoyer Francesco et sa famille en dehors mais surtout dans leur île revient à s’exposer à une incroyable dose irradiante d’amour, une dose telle qu’à moins d’avoir perdu tout espoir dans la vie, on en sort toujours renforcé, parce qu’inévitablement quelque chose de meilleur s’y est réveillé en nous.
Je suis aujourd’hui empli de bonheur quant à vous parler d’une famille qui s’est engagée passionnellement à affronter un énorme travail nécessaire afin de reconstruire et faire revivre un vignoble ancestral hors normes, véritable témoin de centaines d’années de la relation entre l’homme et la vigne.
L’île
Giglio est une petite île de l'archipel toscan en mer Tyrrhénienne rattachée à la province de Grosseto. Encore préservée du tourisme et de la spéculation immobilière avec plus de 95% de sa superficie livrée à la nature, elle ne comporte que trois bourgades, le port (Giglio Porto), le Château (Giglio Castello) et la crique de Campese (Giglio Campese).
Située au sud, face aux iles d’Elbe et de Montecristo, elle est une des îles les plus méridionales de l'archipel toscan, séparée de la presqu’île promontoire de la commune de Monte Argentario par un espace maritime de 16 km de large.
Son nom vient du mot grec αἰγύλιον, qui signifie « chèvre » en rapport à une population ancestrale de chèvres sauvages s'étant développée sur l'île.
D’une circonférence de 27 kilomètres de long et d’une superficie de 23,8 km2, l’île compte aujourd’hui approximativement 1600 habitants.
Giglio est un bloc montagneux de granite qui culmine au Poggio della Pagana à 496 mètres d’altitude. Quelques incrustations calcaires sporadiques à deux ou trois promontoires de l’île font exception à la domination de cette roche granitique qui affleure en tous points.
Le climat y est sec, venteux, solaires et l’élément « sel » y est très présent.
Giglio Castello
Aujourd’hui l’île est couverte à 90% par de la garrigue faite de chênes ainsi que de bruyères arborescentes et d'arbousiers qui alterne avec des forêts de pins.
A noter encore une proportion notable de châtaigniers dont la population est hélas en régression, victime d’une maladie qui semble intraitable.
Mais, pour le promeneur, il est toutefois aisé de voir à l’œil nu comment ses pentes douces étaient autrefois couvertes essentiellement de vignes en terrasses, vignes qui glorifiaient l’Ansonaco, le cépage blanc local.
Giglio Porto
Vivant principalement de la pêche, en dehors des vins qui y renaissent, Giglio produit, comme souvent en Toscane, des olives, des agrumes, des confitures et un miel réputé.
Habitée depuis le néolithique, comme beaucoup des îles toscanes, l’île fût tour à tour occupée par les Etrusques, les Romains, les familles de Sienne et de Florence et la maison de Lorraine avant d’être englobée dans l’Italie.
Comme ses voisines, elle fut aussi victime de nombreuses invasions pirates dont le célèbre Barberousse.
Giglio Campese
Avant Giglio
Francesco Carfagna naît à Rome d’un père professeur élémentaire, originaire de la province de Campobasso et d’une mère originaire de Trieste. Sous l’influence paternelle, il part à 21 ans à Florence pour y étudier le métier de professeur de mathématiques.
Ce premier contact avec la Toscane va le marquer profondément d’autant qu’il y rencontre la mère de Mattia, son premier enfant.
Le couple s’installe ensuite à Bologne où Francesco y donne cours. Suite à sa séparation d’avec sa compagne, il se retrouve seul à élever son fils et y acquiert, comme il se plaît à le répéter, cette nature de demi-maman qui fait probablement de lui cette être si polarisant.
A 34 ans, il décide de quitter l’enseignement pour suivre une expérience d’entrepreneur rural (en italien, Capomastro Rurale) qu’il va poursuivre pendant un an avant de partir tenter une nouvelle aventure sur l’île de Giglio, pour retrouver cette Toscane qui l’émerveille.
De Giglio à Vigneto Altura
Peu à peine arrivé à Giglio, il y rencontre sa seconde et actuelle compagne, Gabriella, jeune femme volontaire chez qui coule un sang à la fois italien et russe (Odessa).
Malgré la difficulté pour Francesco de prendre régulièrement un bateau, alors qu’il souffre d’un terrible mal de mer, il décide de s’installer dans l’île avec Gabriella.
La vie y nécessitant de nombreux trajets vers le continent, notre homme me confiera que cette souffrance vécue si régulièrement sur les flots est pour lui comme un remerciement à la vie de lui procurer tant de bonheur sur la terre ferme.
Ensemble, avec l’aide de Mattia, ils ouvrent alors l’Arcobalena, un restaurant à Giglio Castello, la petite citadelle médiévale qui domine l’ile.
Spécialisé dans le poisson, ce restaurant va très vite devenir la coqueluche gastronomique de Giglio et va permettre à Francesco et sa famille de s’intégrer au milieu très fermé à l’époque, typique d’un petit microcosme insulaire.
C’est aussi dans le cadre de son restaurant que Francesco va se lier de plus en plus à la passion des vins naturels et se focaliser sur l’Ansonaco local, un cépage presque disparu en cette fin de vingtième siècle et qui le fascine totalement.
Parallèlement, le couple s’installe à une bonne centaine de mètres sous la forteresse, dans une petite tour isolée, voisine du cimetière du Castello, un lieu étriqué, s’étirant de bas en haut sur deux niveaux, un lieu pour beaucoup improbable mais qui domine la mer et qui respire une sérénité incroyable.
Gabriella et Francesco y vivent encore aujourd’hui, dans un fouillis inouï (casino en italien), où s’entassent, sur l’escalier en colimaçon, sur les rares tables et sur les murs, tous les témoignages d’une vie pleinement vécue dans la passion et le partage.
L’état de dénuement qui règne ici, surtout par rapport au luxe de certains « agriturismo », pourra surprendre, mais c’est le fruit d’un choix de vie totalement porté par l’affection et l’amitié.
Mais, en fait, après quelques secondes, on comprend qu’il ne pourrait en être autrement…
C’est dans cet environnement un peu fou que va naître Irène, le second enfant de Francesco, qui aujourd’hui termine ses études avant de venir rejoindre dans un futur proche ses parents pour les aider au travail de la vigne.
La vigne… le mot est lancé !
Francesco est un insatiable amoureux de la nature et il a cette capacité de s’arrêter lors d’une randonnée à peu près tous les dix mètres pour nous parler d’un rocher, d’un arbre, d’une vigne abandonnée, comme si ces éléments faisaient partie intégrante de son âme.
Il est aussi féru d’histoire et s’est très vite attaché à étudier celle de la viticulture de l’île, qui sous les coups du phylloxera et de l’industrialisation a bien failli disparaître totalement de Giglio.
Ces deux passions vont le rapprocher de ces terrasses séculaires et de ce cépage Ansonaco, au point de le voir passer à l’étape suivante, celle de refaire revivre un vignoble qu’il nomme Vigneto Altura pour son caractère altier et aérien.
Vigneto Altura
C’est donc en 1999, après seize années sur l’île, que Francesco réalise son rêve en se portant acquéreur de 4 hectares de vignes en terrasses exposées principalement au sud-ouest.
Ces terrasses sont situées dans la partie méridionale de Giglio, à quelques encablures du phare qui domine la pointe du Capel Rosso, à environ dix kilomètres de Castello.
Parler de vignes est alors un bien grand mot ; seules quelques lianes rampantes y subsistent et se disputent les ruines des terrasses avec la garrigue dominatrice.
Francesco sait alors qu’il va affronter un travail d’Hercule. Et en plus, tous les habitants de l’île lui mettent la pression en le traitant de fou et en aimant à l’interroger pour savoir qu’est-ce qui peut bien intéresser un prof de math dans une vigne aride.
De fait, la tâche s’avèrera bien plus ardue que prévue d’autant que les Carfagna s’engagent dans quelque chose qu’ils ne maitrisent absolument pas.
Francesco avoue sans détours : « Plus tu essaies de comprendre, plus tu te trouves perdu face à l’immensité de ton ignorance… j’ai l’impression d’être un grain de poussière qui se réduit sans cesse, même si je viens de grossir de six kilos ! »
Mais en complète contradiction par rapport à l'abandon qui règne sur ces terres, le travail commence fort et bien, difficile, complètement manuel, et pourtant, comme le dit Francesco, «si appréciable, vénérable là où il existe, d’autant que plus il s’avère ardu à exécuter, plus il donne l’impression de se sacrifier pour une viticulture qu’on appellerait « héroïque », comme la symphonie du même nom ».
Et c’est ainsi que parviennent à se redresser des kilomètres de murs à sec, des terrasses qui, à l’origine, furent dressées dans le sang de deux ou trois vies, dans la peine, oui mais aussi à travers la beauté de ces pentes face au soleil et à la mer.
Ainsi, après avoir rebâti ces murs, préparé les sols, arraché tous les arbustes capables de concurrencer la vigne, tout en gardant un maximum de plantes autochtones pour favoriser la biodiversité végétale et animale, après avoir installé toutes les canalisations d’eaux nécessaires au travail contemporain du terrain, après avoir planté les piquets pour accueillir la vigne, une année avait passé.
Les premières vignes sont donc plantées en 2000 sur ce sol granitique sévère, seulement légèrement recouvert d’une couche sablonneuse acide, mais très riche en oligo-éléments.
Si l’Ansonaco y est prépondérant, Francesco désire l’accompagner d’autres cépages blancs et rouges, tous connus de l’époque romaine tel un clin d’œil empli de respect pour l’histoire, des cépages comme les procanico, malvasia, sangiovese, malvasia nera, cillegiolo, canaiolo, grenache, aleatico, mammolo, corinto nero, nero calabrese, trebbiano nero, pizzutello, muscats (blanc et noir), biancone giallo, empolo grecanico, etc…
Parallèlement aux travaux de la vigne, une partie du niveau inférieur de la tour de Castello se voit consacré au chai (cantina).
Il y a deux ans, parce que le travail de la vigne se faisait trop dur et trop prenant, Francesco a décidé de vendre son restaurant, pour s’occuper uniquement de sa vigne, laissant au passage la liberté à son fils, si présents aux fourneaux, de partir s’instruire à Paris où il fait aujourd’hui le bonheur de mes potes locaux.
Bien plus que le poids de l’âge qui rendait les deux travaux conjointement presque impossibles, il faut voir, dans ce choix, le suivi d’un conseil que donna le père de Francesco à son rejeton : «Rappelle-toi, mon fils, que pour faire bien les choses, tu ne dois jamais te tromper, tout comme un assassin, s’il veut bien faire son travail, doit apprendre à bien tuer».
Toutefois, encore aujourd’hui, Francesco reçoit des tas d’appels d’anciens clients du restaurant, et dès lors, sa générosité l’oblige à les inviter à la maison, dans sa minuscule cuisine, pour y partager à nouveau cette gastronomie qui fait transpirer notre peau d’émotion.
Plus que tout, alors que les mots se couchent sur cet article, au fond du cœur de Francesco brille, comme un soleil, la satisfaction, d’avoir, au-delà de la souffrance, pu être un exemple pour tant d’autres qui se mettent aujourd’hui à faire renaître la vigne à Giglio, tout en conservant une fantastique dose d’humilité quand il dit, conscient qu’il n’a jamais été un vigneron «autodidacte» : « Vous savez, quand je suis arrivé sur ses vignes avec mes idées un peu folles et mon manque d’expérience, on m’a traité de « stupido », et aujourd’hui, il y a des gens plus professionnels, mieux formés que moi qui travaillent la vigne mieux que moi, et… pour qui, probablement, je suis « stupido » pour la seconde fois de ma vie ».
C’est ainsi que fut sauvé, à Giglio, un extraordinaire patrimoine…
Montecristo
Le travail de la vigne
A Altura, les vignes sont plantées à raison d’environ 8500 pieds/ha, avec des racines qui s’enfoncent profondément dans le granit allant jusqu’à le fendre.
Les regreffages sont l’objet de sélection massale ou alors, originalité des lieux, la vigne est redistribuée par une méthode héritée des romains qui a pour but d’enterrer un bras du cep pour le faire réémerger à proximité du cep mère. Cela a pour résultat d’amener à une situation un peu « visuellement » anarchique, d’autant que les pieds « filles » peuvent ressortir à travers un muret même, mais c’est quelque chose de tout à fait traditionnel comme travail.
Le mode de taille est manuel et en Guyot ou en Albarello Basso (petit arbuste entourant un pieu directeur).
La viticulture est menée en bio et ne sont donc utilisés ni désherbants, ni fertilisants chimiques, ni insecticides. On fait uniquement appel au fumier de vache, quand cela s’avère possible, ou à d’autres moyens de fertilisations végétales.
Les sols ne sont pas labourés mais juste raclés. La taille est manuelle et l’enherbement des rangs est fait de fleurs et d’herbes sauvages, périodiquement aidé par de trèfle et des orties.
Les herbes sont aussi taillées manuellement, de toutes manières, la structure des terrasses ne permet pas un autre travail que manuel.
Le traitement de la vigne constitue en deux seuls passages au soufre pulvérisé entre avril et juin, il faut dire que ces traitements ne concernent pratiquement que l’oïdium, le mildiou étant absent de l’ile de par la présence de vents permanents.
Les vendanges ont lieu d’août à septembre, elles sont évidemment manuelles et les grappes sont transportées en tous petits cageots jusqu’à une brouette qui attend au-dessus des rangs de terrasses, sur un petit sentier (l’autoroute de Francesco, comme il l’appelle), la brouette étant le seul moyen efficace d’amener les grappes jusqu’à la route bien plus haute que les vignes.
L'autoroute d'Altura
Pour les rouges, les raisins sont stockés une très courte période en petites cassettes dans un petit bâtiment voisin des vignes, où ils subissent un léger flétrissage.
Les rendements moyens tournent autour de 15 à 25 hectolitres à l’hectare, selon la bonne volonté de la nature.
Le travail à la cave
Pour le blanc, le pressurage est immédiat et, après un premier passage en cuve, le moût est débourbé après 12 à 18 heures.
Depuis à peine un an, un peu de raisins blancs sont macérés et ajoutés ensuite au moût classique, afin de renforcer un peu la structure des vins. Et, comme le résultat s’est avéré positif en 2014, l’expérience sera rééditée en 2015 à une échelle un peu plus importante… toujours sur le mode autodidacte qui ne prétend jamais tout savoir.
La vinification, la malo et l’élevage se font en cuve d’acier, sans contrôle des températures et sans autre intervention.
Plus en détails, un nouveau transvasement a lieu à la fin de la fermentation alcoolique (10 à 15 jours) et le vin est alors disposé en petites cuves en acier de 5/10 hl avant de subir 4 à 5 autres transvasements au cours des mois suivants jusqu'à la mise en bouteilles.
La fermentation malolactique apparaît de manière assez précoce et constante dans ce processus de vinification.
Comme pour le rouge, le vin blanc est prélevé des cuves et mis en bouteille quand la demande se fait sentir, Francesco ne possédant pas la place pour se permettre un stockage de bouteilles important, et, afin d’éviter une oxydation importante, il dispose de très petites cuves lui permettant un ouillage régulier des plus grandes.
A l’inverse du vin blanc, où l’Ansonaco domine, le vin rouge d’Altura est fait d’un généreux melting pot de cépages divers rouges ou blancs, ceux qui furent énumérés plus haut et avec très longue macération toujours en cuve d’acier et toujours sans contrôle des températures.
A la fin de la fermentation alcoolique, les mouts sont transférés avec les peaux dans de nouvelles cuves en acier où ils évolueront ainsi pendant 6 à 7 mois.
Ensuite, après un nouveau transvasement pour séparer peaux et lies, le vin évoluera naturellement jusqu’à sa mise, toujours « à la demande ». Le processus d’élevage moyen dure ici environ 24 mois, mais dans la mesure du possible, il est conseillé de le laisser s’affiner au moins un an en bouteille.
Vins blanc et rouge ne font l’objet d’aucune clarification, filtration, stabilisation ou autre, uniquement de transvasements. Leur degré d’alcool avoisine en générale les 14°.
Une petite quantité de soufre peut être ajoutée, au cours de la vinification, mais on respecte ici le côté naturel des vins et on excède que très rarement 50 mg de soufre total.
Les vins de Francesco grandissent comme leur guide, naturel et libre, confié à sa seule force de vie!
La production totale avoisine les 6000 bouteilles par an.
Les vins
Deux vins sont donc produits au domaine, le rouge Rosso Saverio et le blanc Ansonaco Carfagna, ce dernier étant largement majoritaire.
Rosso Saverio
Côté rouge, tout a pratiquement été dit plus haut. L’idée d’en produire au côté du blanc est venue après quelques années, afin de respecter une tradition locale, relatée par Andrea Bacci ayant déjà dès 1595 qui écrivait dans son livre « l'Histoire Naturelle des Vins » : “L’isola produce tuttavia vini rossi Migliori dei bianchi…..”, c’est-à-dire, très simplement, sur Giglio, il y a pas mal de vins rouges qui sont meilleurs que les blancs».
Fait de l’entièreté des cépages complantés sur ses parcelles, il s’agit d’un vin profond, structuré, mais qui reste doté d’une très grande fraicheur et surtout d’une énorme buvabilité. Francesco, à ce titre, et non sans malice, écrit sur ses étiquettes « vin qui se boit ».
Ansonaco Carfagna
Le blanc, même s’il fait l’objet accessoirement de l’ajout de très faibles quantités de Procanico et de Malvasia, est donc essentiellement à base du cépage Ansonaco.
A nouveau, presque tout a été dit plus haut mais il est utile de revenir sur ce cépage très peu fréquent.
Ansonaco est le nom traditionnel du cépage le plus enraciné et cultivé de toujours à Giglio, mais aussi sur l’île d’Elbe. On le retrouve aussi en Corse.
La nature de la viticulture en terrasses, la proximité de la roche souvent affleurant, la sécheresse, le vent omniprésent et souvent très fort en toutes saisons, et la présence de sel font que les racines sont poussées à aller chercher nourriture et fraîcheur en profondeur sous la roche et dans les rares fissures du granite.
De fait, par rapport à de nombreux autres cépages, l’Ansonaco, par cette capacité de survivre en milieu hostile, s’est vu l’objet d’une attention particulière, au cours des siècles, des professeurs des écoles de viticulture.
Au nez, l’Ansonaco est un caméléon qui sait jouer avec la fraicheur et le fruit avec ses notes d'abricot et de confiture d'orange amère pour ensuite partir vers une plus grande rondeur sudiste où viennent émerger des notes florales d'oranger, de genêt, de rose et de mirabelle jaune mûrit. En bouche, c’est un vin qui se démarque pars son équilibre, son élégance et sa complexité tout en ayant une typicité très différente d’un vin blanc sec classique.
Il convient le déboucher en avance, pour qu’il s'entrouvre au fur et à mesure. Il accepte la valeur des années à merveille, avec un optimum vers les 10 années de vieillissement en bouteille.
Par sa structure, il s’associe à merveille aux assiettes de terre ou de mer.
C’est un vin qui a aussi « un prix », mais ce prix est celui de la sueur, d’efforts surhumains, celui d’une lutte pour faire survivre une tradition.
Mais aussi…
Francesco aime à produire, pour les amis de passage et pour les divers salons où il est présent, un vrai vin de soif, une petite tuerie qui désaltère mais n’enivre pas, un vin qu’il propose en version blanc ou rosé, sans étiquette en cruche ou en magnums, selon le lieu!
Deux vins, aussi, qu'il aime à accompagner de ses rougets favoris !
Conclusion
Il y a dans les vins d’Altura cette complexité qui se projette dans toute l’humanité de Francesco. A la fois bourré de tendresse et de pugnacité, cet homme exceptionnel peut passer en une fraction de seconde de la mélancolie des temps anciens à la joie du moment présent, de la diatribe avec une langue très bien pendue aux libations, aux chants entre amis, et cela,jusqu’au bout de la nuit, toujours autour de la table, toujours en mangeant. En vérité, ce personnage à la truculence sans pareil peut s’avérer être tantôt un démon bondissant, tantôt une mère attendrissante.
Jamais, dans le monde du vin, je n’ai ressenti une telle identité, une telle force, mais plus que tout, jamais je n'ai pu à ce point admirer un sacrifice aussi total pour une passion pour une vigne, une vigne qui ressemble encore et toujours à une jungle face à l’image des vignobles de carte postale.
Mais le plus important, c’est qu’au-delà de leur plaisir et de leur souffrance, à travers leurs vins et leur travail, Gabriella et Francesco font renaître, redécouvrent et cultivent ce patrimoine viticole pour donner un signal très fort, un signal en opposition au pouvoir excessif de la « monoculture », ce pouvoir du marché au profit commercial immédiat qui n’a créé que destruction des paysages par l’immobilier touristique, désertification des terres et dépeuplement des campagnes.
Ils nous envoient un message de lumière dans la nuit !
Je laisserai les derniers mots au père de Francesco qui lui aussi eu des vignes et suscita peut-être ainsi cette passion chez son fils :
Travailler, c’est faire de toi un éternel,
dans un présent éternel,
uniquement parce que toi, tu y crois,
pour toi,
et pas pour les autres ou parce que quelqu’un d’autre te le demande.
Voilà ton futur !
Coordonnées
Francesco Carfagna
Vigneto Altura
Località Mulinaccio
58012 Isola del Giglio (GR)
Italie
TEL : 00 39 0564 806 041
Mail : altura@arcobalena.net
Web : http://www.vignetoaltura.it/