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29 novembre 2013

VDV #61 : Il était une fois...

01

Il était une fois David Farge, tôlier du blog d’Aristodenas, qui profita de sa candidature de président éphémère aux Vendredis du Vin pour secouer une bande de nains endormis par leur héroïne, depuis longtemps réveillée quant à elle. Il nous y invite en ces termes :

C'est pourquoi chers amis de la dive bouteille, je vous propose de vous assoir autour du feu, il y aura peut-être une guitare, Hugues Aufray nous donnera une petite tape sur l'épaule pour lancer les hostilités et surtout quelques canons trôneront à nos côtés pour illustrer ce retour en enfance fait de contes, fables et histoires de tire-bouchons. Car vous l'aurez compris, à l'occasion de cette 61ème édition des Vendredis du Vin, il vous faudra trinquer avec les Trois Petits Cochons, ou festoyer à la table du Loup, si vous n'avez pas déjà succombé aux caprices de la Princesse au Petit Pois.

Vivre dans une sorte de conte où, en plus, il y a des fées, j’ai l’impression de le vivre tous les jours depuis quelques temps.

02

Non pas que ma vie de tous les jours soit particulièrement un conte… elle n’est pas un enfer soudanais, syrien ou philippin non plus, loin de là. Mais le conte en question, vous vous en doutez bien c’est dans le monde du vin que ça se passe.

Que ceux qui me connaissent un peu, beaucoup, passionnément m’excusent de ce qui suit, je sais que vous savez, mais ça fait toujours du bien de le raconter.

Pendant vingt-cinq bonnes années, au cours d’un itinéraire de dégustateur gâté pendant plus de vingt ans, j’ai probablement évolué dans un archétype des gens de mon âge, quinqua grosse tendance bobo mais pas que, en débutant sur des sentiers Parkériens pour finir captivé par les vins hexagonaux qui ont du caractère mais qui descendent tous seuls, avec peu ou sans soufre, souvent d’Alsace mais pas que, le tout au rythme toujours ininterrompu d’une moyenne de 3 quilles par jour.

Si l’hexagone me captivait toujours par son jus de treille, aller voir plus loin que la Savoie ne me tentait pas fort, m’inquiétait même, au même titre que de franchir le Rhin pour y goûter d’autres divins nectars. Il est vrai qu’un Serial Quilleur Excessif dans mon genre n’a pas trop intérêt à s’étendre, se disperser façon puzzle, de peur de voir son banquier rendre les armes et donc de se faire une longue cure au pain sec, l’eau, une cure aux oranges et l’angoisse de devoir serrer les fesses en permanence.

Donc de la Germanie familiale, de l’Ibérie trop dure en été, de l’Helvétie originelle et… de l’Italie, je ne fréquentais que le vineux strict nécessaire, même si mon lieu de prédilection pour mettre les voiles estivales était bien cette Italie, et principalement la Toscane.
Il faut dire que tout y est tellement « plus » de la culture à l’assiette, ce qui aide assez pour ne pas y penser « Vin » toutes les demi-secondes, l’endroit en devenant presque hépatiquement salutaire et assurément bien moins risqué question enzymes qu’un raid à Pontarlier, à Mittelbergheim voire chez de joyeux jeunes dégénérés de la cité de Paname.
Vous faire une ode à l’exceptionnalité universelle de l’Italie n’est pas non plus ici le but, et puis, je sais que cela a tendance à égratigner un peu la fierté des citoyens d’Outre Quiévrain, pas tous, certes, et c’est heureux.

Dire pour autant que, lors d’un séjour toscan, le vin est contournable, serait quand même une belle ineptie, puisqu’il fait intrinsèquement partie de la vie des italiens, mais cela…, je vous l’ai déjà dit mille fois.
Non, du vin, j’en buvais quand même, un peu, même plus qu’un peu, mais je le subissais presque, et cela, parce que la plupart du temps les Enoteca, même les plus chaleureuses, les plus cosys, me proposaient des « Etiquettes » et du « Formatage Toasté », même sur des Sangiovese !
Et… alors, ne parlons pas des Supertoscans, dans le genre, voyage au bout du bodybuilding, on ne fait pas mieux.
De fait, ces vins m’amusaient autant que ces « standards » bordelais qui ne font plus bander que des investisseurs de Shanghai, et Dieu sait combien, enfant aussi gâté que dégustateur, je me lasse tellement vite de ce qui ne me surprend plus, particulièrement, quand après avoir été inversement osmosé, la chose est baignée de merlot copeauté.
Même constat dans les salons où dans la plupart des vins présentés, principalement dans le Piémont, me donnaient l’impression de rechercher la surconcentration aromatique et tactile, avec des tanins massifs, machins qui vous demandent 20 ans de cave pour en jouir pleinement. Enfin, les rares visites de domaines toscans, à l’époque, n’avaient fait que me conforter dans cette impression, pourtant terriblement subjective, que le gigantisme froid, impersonnel et totalement matuvu des installations locales n’avait rien à envier à celles des bords de Gironde.

Bref, en ces temps-là, l’Italie du vin m’ennuyait, les exceptions rencontrées comme Valgiano, Roagna confirmant la règle que j’avais prédéfinie.

Je dois avouer quand même, qu’au travers de toute cette lassitude, un domaine me captivait depuis longtemps, c’était celui d’Elisabetta Foradori, parce que les vins semblaient y suivre exactement le même parcours que mes goûts… Ceux-là, tout au moins, ils m’interrogeaient.
Et j’étais d’autant plus interrogé que la Dame me paraissait, dans les yeux et les paroles des autres, être une véritable icone d’admiration au sens presque religieux du terme.
Mais… plus je lisais des textes enjoués d’émotion sur la Dame du Trentin, plus je m’épanchais de rêverie sur ses vins les plus récents, plus moi-même, je la déshumanisais en quelque sorte et donc, plus je m’éloignais de l’idée de pouvoir, un jour, la rencontrer, non pas de façon impersonnelle au bord d’une table de foire aux vins, mais bien, dans ses vignes, dans son chais.
Les années passant, je m’en étais donc fait un inaccessible idéal onirique… elle me le pardonnera bien, non, elle me l’a déjà pardonné.

Et vous, gentils lecteurs, vous me pardonnerez, je l’espère, toute la légèreté de ce qui suit, une légèreté peut-être pas si digeste dans un monde qui s’effondre autour de nous.

Il était une fois…

… votre serviteur, en Toscane, par une belle journée estivale de 2011, vautré indolent à l’ombre d’un parasol, partagé entre l’ennui de la treille locale et un inaccessible idéal, rêvant aux chenins, rieslings et savagnins laissés au domicile.
C’est alors qu’un de meilleurs potes, m’accompagnant en vacances, malgré mon spleen, vient m’agiter sous le nez une revue touristique orientée très nanas, vu qu’en guise d’informations touristiques, il y avait sur ses pages colorées le béaba des tenues à porter cet été-là et toutes les recettes pour ne pas grossir, ces dernières, en Italie, s’avérant souvent d’une très rare utilité.
« Tiens, qu’il me dit, il y a un truc là-dedans qui devrait t’intéresser »
Autant dire que ma première pensée fut « Avec quoi il vient, l’autre, là ? ».
Après avoir essuyé un logique « Arrête de faire ta mijaurée, l’Helvète ! », le coco me montre avec une ostentation insistante une page où l’on cause de jumelles qui font du vin bio à Montalcino, de quoi effectivement susciter un peu d’éveil dans mes neurones en mode off, sauf que le tout était emballé dans un texte pour le moins féministe… nouveau bâillement.
Et là, il faut qu’il balance, « Bon, le gros, si tu veux pas m’accompagner, j’irai seul », le seul truc idéal pour me vexer et donc me faire réagir.
Lâchement je tente quand même encore de dire qu’on a sur cette feuille de choux qu’une adresse, même pas de numéro de téléphone pour prendre rendez-vous, et que, comme d’hab, si on réussit déjà à passer les portes, ça va se borner à la dégustation touristique type, orchestrée par une petite étudiante locale, et que donc, on est parti pour 3 heures pour rien…
Mais comme la vue y est belle, bandante même, et que la place comprend au moins un joli estaminet, je me disais que même si on devait nous accueillir au dit domaine avec le sourire d’un merlan frit, je n’aurai pas totalement perdu ma journée…

Donc… vous avez compris que l’autre a gagné sa partie et que le raid sur Montalcino fut mis au programme du lendemain.

Faut vous dire, en marge de ce récit, qu’il n’y a pas lieu d’être étonné de cette caricature d’accueil chez pas mal de vignerons de la botte ; cela résulte du fait, simplement, qu’en Italie, on n’en a que peu faire de passer sa journée à accueillir des touristes hollandais en quête d’un apéro gratuit, et plus encore, on n’aime pas vraiment endosser l’habit de vendeur au particulier, préférant systématiquement diriger les visiteurs à l’Enoteca du coin, Enoteca qui pratique de toutes manières le même prix qu’au domaine.
Pas con du tout, en fait.
De fait, pour établir une vraie rencontre du troisième type, on ne s’invite pas, on doit être invité.
C’est comme ça.

Sauf que, il y eu au moins une exception à cette règle, et ce qui suit, est ainsi gravé, pour moi, dans le domaine de l’inoubliable….

Trois fois on sera passé dans ce virage avant de tenter une plongée à vous serrer les sphincters dans le sentier caillouteux censé nous amener au domaine.

Jamais je n’oublierai mon étonnement voyant cette toute petite maison annoncée « Fonterenza » par une discrète pancarte de bois gravé, sans autre parking qu’un lopin de terre autour d’un arbre, le tout vous remplissant de satisfaction bourgeoise de posséder, pour l’occasion, un gros 4x4.

Jamais je n’oublierai le sourire de ce petit bout de femme, Francesca Padovani, qui, malgré notre arrivée à l’improviste, malgré le fait qu’elle s’apprêtait à quitter le domaine pour quelques heures, a soudainement modifié son emploi du temps et nous a conduit derechef au cœur de à sa cave à la superficie aussi modeste que la taille de la maison. Je dis cela, en comparaison, évidemment, du très péteux accueil dans des domaines comme Mazzei, comme je l’expliquais plus haut.

Jamais je n’oublierai cette lueur de bonheur, cette totale illumination du visage de notre hôte, quand après nous avoir cloués d’étonnement avec son blanc de macération et voyant notre approbation, elle nous demande qui sont les vignerons qu’on apprécie en France et qu’on lui jette en pâture des noms comme Puzelat, Mosse, etc… Même dans la nuit la plus noire, cette illumination aurait office de phare d’Alexandrie.

Jamais, après tous ces accueils classieux, pincés, tirés à quatre épingles, je n’oublierai la légèreté de cette jeune femme grimpant, sautillant avec tant de légèreté, d’un fût à l’autre, l’espace des locaux nécessitant un diplôme d’alpinisme.

Jamais je n’oublierai quand un peu plus tard, posant délicatement la main sur son ventre, Francesca nous avouait que son plus grand plaisir, c’était sentir ce vin pour lequel elle s’était battue avec sa sœur Margherita lui envahir le tréfonds des tripes, comme un élixir de résurrection.

Elle était là, ainsi, devant nous, ma première fée, ma princesse elfique.

03

Parler du reste de la dégustation n’apportera pas grand-chose, ici, les vins ont le charme des propriétaires, mais cela aussi, vous le savez déjà.

On s’est quitté comme si on se connaissait depuis 20 ans et, dans la voiture, back to home, il a fallu un bon moment avant qu’on cause, fallait qu’on se remette un peu les émotions en place, tout comme le gars qui revient seul à la maison après un gros coup de foudre bien transformé.

Bref, des moments à des parsecs lumières de tout ce que j’avais connu et pu imaginer jusque-là, même chez mes meilleurs potes alsaciens.

En fait, et surtout, un moment délicieusement… humain.

Les choses auraient pu s’arrêter là, et je serais retombé probablement sur terre, mais en plus d’être fée en son domaine, Francesca n’avait pas hésité une seconde à me faire ouvrir les portes de ses amis et amies, toutes et tous liés à un monde terriblement attachant dont j’ignorais l’existence jusque-là, celui des Vins Naturels d’Italie, ce formidable mouvement d’introspection vers la tradition, l’authenticité, l’équilibre naturel, le respect des terroirs et la convivialité.

Et au cœur de ce monde, l’ouverture de ces portes allait m’amener doucement vers une forme de sanctuaire originel, celui d’une des plus grandes amies de cœur, Elisabetta Foradori, celle-là même qui fut si longtemps l’objet d’un inaccessible rêve, celle qui au rythme de ce conte, allait devenir … ma Galadriel !

04

Vous verser ici des flots d’émotion serait probablement indigeste à certains, mais au moins, comment pourrais-je oublier cette première rencontre avec Elisabetta à Angers, ce moment magique qui fut celui de voir mon regard englouti dans le sien.

Comment encore pourrai-je oublier du domaine de Mezzolombardo ces moments tellement profonds de promenade, de réflexions sur la nature, sur la biodiversité, sur l’équilibre de la vie.

Comment, enfin, pourrais-je effacer de ma mémoire ne fut-ce qu’un instant, de cette soirée chez cette grande dame, à la veille d’un Vinitaly, en présence de tant de gens magnifiques, d’êtres qui vous redonnent en quelques paroles échangées un vrai sens à la vie, tout comme ce fut mon cas, là, assis face à Francesca et Giusto Occhipinti… Un sommet d’émotion humaine digne d’un séjour à Fondcombe…

Croyez-moi ou non, mais toute cette histoire est pour moi comme une vraie renaissance, sinon du corps, au moins de brasiers émotionnels qui s’étaient éteints. Elle a aussi ce côté magique qu’à ce jour, elle a toujours cette saveur d’histoire sans fin…

Croyez-moi donc ou non, mais les contes de fées semblent bien encore être de notre dimension, ils sont là autour de nous et il suffit souvent un détail pour y accéder, probablement cette âme de doux rêveur que tant de critiques et de passionnés techniques du vin ont perdu.

Un détail comme une revue féminine oubliée par de précédents vacanciers, laissée-là sur une table basse dans l’attente que son effeuillage n’ouvre une porte vers un autre monde.

Pas de quilles en série pour ces VDVs, pas de réunion de Brusseleirs non plus, enfin, pas vraiment, faute d’avoir pu trouver de date commune, juste un remerciement énorme au président du mois de m’avoir stimulé à vous assener mes émotions, mon conte de « fées », aussi Bisounours ces lignes soient-elles…
Au moment où la majorité d’entre vous sera en train de lire cela, je serai avec ces Brusseleirs en train de festoyer autour de bouteilles de Fonterenza, presque exclusivement Fonterenza, il y aura peut-être une ou deux Foradori. Neverending Story !

05

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Commentaires
M
La rencontre des personnes décrites dans ce récit (au delà du vin) fait que la vie vaut la peine d'être vécue et donne des moments hors du temps !
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B
Aaaaah les fées... ;)
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