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Vins Libres
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Vins Libres
10 mars 2014

Vino Business

Après avoir été ce week-end encore assez sollicité sur le buzz du moment et qu’on m’a demandé pourquoi l’ayant lu, je n’en causais pas, me voilà donc un peu aiguillonné à réagir, cela avec le risque :

  • de parler à des convaincus qui font partie de mes amis et qui aiment les même vins que moi
  • de ramasser un chapelet d’insultes de ceux qui ne sont pas ou plus mes amis et qui n’aiment pas les mêmes vins que moi
  • de me voir taxer d’un « T’es bien meilleur quand tu parles de vignerons attachants comme Francesco Guccione (ça, c'est plus embêtant)

Malgré ces "restrictions", je vais donc parler du « Vino Business » d’Isabelle Saporta , principalement, parce que j’ai encore des amis qui sont forcément des gens très bien, qui sont de joyeux amateurs de vins mais qui sont persuadés que l’Angélus et Fonterutoli sont (encore) de très grands vins (de terroirs). 
En attente de mettre la main sur le livre, vous pouvez déjà vous faire une idée plus précise de celui-çi avec l'interview et débat qu'a fait Isabelle Saporta pour Rue89.

business1

En fait, ce livre, je l’apprécie évidemment pour, comme Mondovino en film, sa mise en évidence d’un milieu pas très joli (mais on s'en doutait un peu), de vins de financiers qui ne servent que de glorificateurs de salons d’une France qui demandait tout sauf probablement cela, ainsi et surtout que la démonstration évidente d'un éloignement perpétuel de la notion de vin d’artisans.
Evidemment, cela, je ne suis pas le premier ni serai le dernier à le dire.

Mais ce livre, je l’apprécie aussi avec beaucoup plus de recul, parce que, logiquement pour du journalisme d’investigation, il fait appel aux descriptions d’activités d’"êtres humains", dont l’ego aussi gros qu’un bœuf facilite la mise au pilori.
Mon "recul" vient du fait que ces hommes ne sont jamais arrivés là que parce que, comme pour L’Oréal, nous l’avons bien voulu, parce même nous qui aujourd’hui sommes prêt au combat des mots et même plus pour défendre tel Giboulot ou tel Cousin, nous avons certainement tous participé à un moment ou un autre, dans la construction de notre passion, à l’aveuglement de tous ces domaines, et c’est plutôt là-dessus que j’aimerais exprimer quelques lignes supplémentaires.

Tout part d’un évènement que certains pointent encore comme la naissance de l’histoire vinique de la France, comme la consécration du grand vin, mais qui n’est jamais que la plus grande iniquité vinique de tous les temps, du moins pour ceux qui sont persuadés de l’existence de terroirs, j’ai nommé le Classement des Grands Crus Bordelais de 1855.

Avant cela, et même bien avant, on disait « Chambertin «  le Roi des Vins » et puis soudainement, on a dit « Château Machin, le Roi des Vins », soit un vin d'un terroir, et depuis 1855 on clame Château Machin,  là derrière ce château, il y a forcément un humain, et donc un égo.
Certes en 1855, les plus finaux des géologues auraient sourciller de voir des domaines aussi grands que deux communes bourguignonnes, se voir élever au Panthéon des Grands Terroirs. Mais il faut bien croire que ce type de sourcillement n'a point eu lieu car il aurait été certainement très secondaire à une époque où on versait encore son sang dans la rue pour défendre ses idées.

Ce bien joli classement (qui en a engendré bien d’autres) aurait plus que probablement, des milliers de tranchées plus tard, été aussi important dans l’histoire que la première diarrhée d’Amélie Van Beneden, s’il n’avait éveillé, chez les locaux de la Gironde, ce sentiment tellement glorificateur de l’ego qu’est la compétition.
Et ce qui pouvait arrivé de pire est forcément arrivé, ils ont décidé, comme au bon temps où les beaux nobles s’affrontaient en joutes médiévales, que le classement devait faire l’objet de nouvelles rencontres.
Aujourd’hui, on appelle cela The Voice, Miss Univers, le feu Classement Parker, on l’appelle comme on veut, au bout de la chaine, cela stimule, vu les incroyables retombées financières et l’image invraisemblable qui en découlent, des êtres humains à tout faire pour être Calife à la place du Calife.
A ce titre, montrer du doigt le monde du vin de Bordeaux est bien peu de choses, en fait, puisque toute notre société est désormais construite sur la notion de faire-valoir financier.
Et faire des coups bas, avoir un beau parking ou un beau chais n’est finalement que « normal » dans un système où à force de compétition, ce qui était un joyeux aliment de partage est devenu un produit, boursier même aujourd’hui, un produit  pour lequel seuls quelques milliardaires ou autres sociétés d’assurances peuvent encore participer à la partie… Games without Frontiers…. disait Peter Gabriel.

En donc, s’acharner sur le bon Hubert et ses écuyers... quand on admire les tours rutilantes de la Défense peut paraître tellement anachronique…. (Là, je ne dis pas qu'Isabelle saporta admire la "Défense").
Rappellez-vous avant tout que ce système n’existe que parce que nous, comme je le disais plus haut, nous le voulons bien. Parce que le bon Hubert aura facile de sourire quand il verra bloggueurs ou autres animateurs de forum s’entredéchirer à coups de cotes ou d’appréciations à jouer son petit 1855.

En fait, tant que par nos actes, nous cautionnerons par quelque forme de compétition le vin et donc, ceux qui le font, nous contribuerons à ce qu’au sommet de la pyramide, il y ait de grands parking, il y ait de très grands chais, il y ait des bouteilles qui valent 5 fois le RMI.
Surtout tant que nous cautionnerons cela par nos actes, nous ferons en sorte, qu'un jour, il n’y ait plus de vin mais bien ce gernre de produit biotechnologique qu’on s’arrache comme des Rolex pour flatter son ego et nourrir toutes les bassesses que cela peut engendrer chez ceux qui s’enrichissent de notre aveuglement.

C’est donc à nous, par nos actes et nos écrits à nous détourner de ces classements, à nous détourner de ces "produits" et certainement plus à les cautionner, à les juger en les mettant en compétition.

Le livre d’Isabelle Saporta vaut parce qu’il est une réaction, et aussi excessive cette réaction pourra-elle paraître, elle fait partie de ces cris qui feront que dans 100 années nous boirons encore, du moins ceux qui aiment cela, du vin d’artisans, du vin naturel (au sens non technologique du mot) et qu’une cloche sur une étiquette ne rendra pas un jus meilleur qu’il ne l’est.

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Commentaires
F
Eh bien Patrick on peut les remercier de t'avoir aiguillonné pour nous pondre un texte comme celui-ci :-) Bravo!
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