Servaas Blockeel met le ton au naturel
Alors que l’agriculture biologique belge connait, particulièrement en Wallonie, un boum énorme (avec une augmentation annuelle de près de 100%), alors que les vins naturels séduisent de plus en plus d’amateurs dans le monde, la viticulture bio reste le parent pauvre du petit royaume, sans parler du terme « vin naturel » qui y est, en tant que production, une notion presque totalement inconnue.
En cause, un renouveau de la viticulture belge, qui après avoir presque totalement disparu, assure son succès sur les enseignement modernes des écoles agricoles, soit une agriculture conventionnelle, souvent intensive et totalement permissive aux herbicides, insecticides et autres intrants nocifs à la vie.
On oublie pourtant trop facilement qu’il y a encore quelques siècles, la Belgique était une terre de vin, une terre viticole qui se définissait forcément sans produits phytosanitaires de synthèse.
Pire, le constat est encore plus alarmant de voir de nombreux néo-vignerons, particulièrement en Flandre, tenter le bio mais aussi vite faire machine arrière par facilité économique et volonté productive.
Face à cela, presque seul, un petit bonhomme fait office de résistant en plein cœur de cette Flandre si méfiante et défiante de l’agriculture vivante. Son nom : Servaas Blockeel.
Tel un gaulois d’un petit village d’Armorique, Servaas fait la nique à tous les détracteurs du bio et du vin naturel avec une agriculture et un élevage des vins sans le moindre compromis.
Aidé d’une grande maîtrise de la permaculture et de l’agroécologie, il assène un véritable upercut au milieu conservateur.
Fort d’une formation agronomique très complète, Servaas Blockeel a cherché pendant longtemps une activité agricole dans laquelle il pouvait maîtriser à la fois son propre prix, la qualité de ses produits et dans laquelle il pouvait réaliser une production animale ou végétale tout en augmentant la biodiversité, plus exactement en améliorant tout simplement l’environnement.
C’est suite à la rencontre de vignerons naturels qu’il a compris qu’avec un vignoble, il était tout à fait possible de réaliser ce rêve, cela sans le moindre compromis, contrairement à ce qu’on voudrait laisser croire quand on écoute les vignerons conventionnels, particulièrement en Belgique.
En 2012, Servaas Blockeel crée ainsi le domaine Lijsternest, composé à l’origine de deux parcelles de terres agricoles, respectivement de 0,75 ha (lieu-dit Otegem (B)) et 1,2 ha (lieu-dit Tiegem (A)).
Plus récemment, 2,3 ha ont été ajoutés, incluant une vielle ferme à reconstruire sur la parcelle dite de Herrekot (C).
Toutes ces parcelles sont situées près du village d’Anzegem entre les villes de Courtrai et d’Oudenaarde, en province de West-Vlaanderen. La capacité de tout le vignoble est théoriquement de 20.000 bouteilles.
Dès la création du domaine, il élimine l’idée de planter des cépages traditionnels, dont la plupart ne peuvent plus survivre sans intervention de l’homme, affaiblis par des centaines d’années de clonage génétique alors que l’ensemble des espèces nuisibles de la vigne n’a cessé de s’adapter à eux.
En lieu et place, il choisit avec soin des cépages hybrides, le Rondo (rouge), le Solaris (blanc), le Bronner (blanc) et Muscat Bleu (rouge). Si gustativement, ces cépages n’ont pas la même réputation que leurs cousins plus classiques, ils représentent un intérêt bien plus évident en termes de biodiversité, de résistance et de durabilité.
Parallèlement, il expérimente un cépage local, qui a toujours été présent dans la nature en Flandre. Il s’agit d’un cépage gris muscaté, qu’il multiplie par sélection massale et dont il a déjà replanté plusieurs centaines d’individus en quelques années.
Au niveau agronomique, Servaas s’inspire grandement de ses visites chez Sepp Holzer, un spécialiste en permaculture vivant près de Salzbourg (Autriche) ainsi que de son séjour à la ferme du Bec-Hellouin près du Havre (France), une ferme spécialisée en permaculture et en agroécologie et qui apparaît dans le célèbre documentaire « Demain ».
Il s’inspire aussi de l’expérience liée à son apprentissage chez Lydia et Claude Bourguignon, Konrad Schreiber et Lucien Séguy.
De ce cheminement professionnel, il part du principe qu’il ne faut jamais laisser un sol à nu.
Toutes les parcelles que Servaas a récupérées étaient dans un état vivant catastrophique : un taux de carbone en dessous de 1%, une compactation très importante et phénomène lié, une érosion massive.
Afin de corriger cela, utilisant l’enherbement massif comme arme première, il a semé, la première année, un mélange de graminées et autres espèces végétales variée, cela sans travail du sol, puis au cours du cycle végétatif de l’année suivante, il a planté ses ceps à la main. Ainsi, il a réussi à arrêter l’érosion et à donner un peu de substance nutritive à ses sols.
Il a aussi investi dans un équipement approprié : rolofaca et semoir pour semis direct, ce qui permet à son humus d’être pleinement actif, et ce qui induit moins de travail, moins d’entassement, moins de consommation de fioul, et, forcément, une meilleure vie du sol.
Pour compenser un éventuel manque d’azote, il sème plus de légumineuses, et si le sol est trop compacté, il sèmera plus de radis. A chaque problème, il y a une réponse végétale ou animale, non phytosanitaire.
Le problème résiduel majeur reste la présence de pesticides chez les voisins, qui à cause des ruissellements trop importants, causent des dégâts énormes à ses vignes. Afin d’empêcher ces ruissellements, il plante des haies hétérogènes tout autour des parcelles de son vignoble. Mais cette technique lui paraît hélas encore insuffisante, malgré l’obtention d’un bon équilibre entre l’agroforesterie et le semis direct sous couvert végétal.
Côté traitement, s’il n’utilise bien évidemment ni herbicides, ni pesticides, il se refuse aussi à l’emploi du cuivre et du soufre, ce que lui permet ses cépages hybrides.
Cette non-intervention se base sur l’idée que si on tue un nuisible, on tue ou chasse aussi le tous les intervenant de la chaine de la vie qui s’en nourrissent, ce qui a pour conséquence, quand le nuisible d’origine refait apparition, que les dégâts sont encore plus importants, vu que ses prédateurs ont disparu.
Si au début, sur ses parcelles, il a eu problèmes de limaces, avec le temps, plus la biodiversité reprenait vigueur, cela s’est résolu tout seul. Voilà typiquement un problème lié à l’agriculture intensive parce que une grande partie des prédateurs des limaces sont des insectes, des champignons et des bactéries qui sont le plus souvent tous tués par les produits phytosanitaires.
Au niveau de ses parcelles, Servaas travaille en complantation, ç’est-à-dire, avec tous les cépages qui cohabitent de façon mélangée et sont vendangés ensemble. En diminuant ainsi l’impact variétal du cépage, cela permet au vigneron de mieux isoler le terroir dans ses vins.
Il n’y a donc jamais deux rangées du même cépage, ce qui a aussi le mérite de diminuer les risques inhérents à des parcelles en monocépage, là où les nuisibles s’adaptent plus facilement.
Les vendanges se font manuellement, afin de bien contrôler toutes les grappes et d’ainsi ne prendre que celles qui sont strictement saines et à maturité.
Les raisins sont ensuite égrappés manuellement (pour permettre une légère macération carbonique) puis laissés à macérer et fermenter ensemble, baies blanches comme rouges, cela toujours sans chaptalisation.
Aucun additif n’est ajouté pendant le processus de vinification, raison pour laquelle il est absolument nécessaire, via les vendanges manuelles et les sols vivants, de travailler avec la meilleure qualité de raisin possible. Le pigeage se fait très doucement, pour ne pas avoir trop d’extraction.
Servaas cherche toujours la finesse, la minéralité et l’acidité, cette dernière étant favorisée par la nature de ses sols sablo-limoneux.
Le vin ainsi obtenu est proche d’un vin rouge à la robe légère avec des notes de vin blanc et de vin orange et un taux d’alcool compris entre 10 et 12 %vol d’alcool.
Chaque cuvée représente une parcelle définie, mais toujours dans l’esprit de la complantation.
Voulant laisser une expression maximale du raisin dans sa nature fruitée, Servaas n’utilise ni bois, trop modificateur du goût, ni même l’inox qu’il trouve trop réducteur. En lieu et place, il utilise des œufs en HDPE (un composant polyéthylène à haute densité), un contenant plus neutre qui procure aussi une aération très subtile et précise.
En 2015, son premier vrai millésime, trois cuvées ont été produites :
- Herbert avec du Rondo majoritaire issu d’un très petit clos de quelques pieds
- Mag Da : une cuvée de 300 bouteilles issue de la parcelle dite « Otegem », à base de Rondo, Solaris et Bronner
- Da Nie : une cuvée issue du mélange de ses fonds de cuves.
Pour fêter ce premier aboutissement d’une aventure hors norme, le 10 juillet de 11 à 19 heures, Servaas invite toutes les personnes intéressées à venir déguster ces premiers vins et tout le monde en contact viennent mettre avec les premiers vins.
Jan Borms, le truculent caviste gérant d’Altrovino sera également de la partie avec, entre autres, de brillants vins géorgiens.
Adresse du jour :
Neerkouter, 6
Lieu-dit Otegem
8553 Zwevegem (Kortrijk)
Participation aux frais : 10 euros
Contacts :
Het Lijsternest
Servaas Blockeel
Tel.: +32 475 49 66 08
E-mail: info@omikron.be
Web : www.wijngaardlijsternest.be